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Défense des enfants international
section suisse
 
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Comité des droits de l'enfant des Nations Unies
L’erreur diplomatique du Canada doit servir d’avertissement à la Suisse

  
[ Bulletin DEI, Oktober 1995 Band 1 Nr 2 S. 11, 12, 13 ]

Les clichés sont malmenés par le Comité des droits de l’enfant ! Révolue l’époque du clivage simpliste entre le bon élève du Nord et le cancre du Sud. En effet, ce groupe d’experts, qui supervise la mise en application de la Convention relative aux droits de l’enfant par les Etats parties, mène parfois la vie dure aux pays occidentaux et prétendument riches.

Lors des sessions précédentes, l’attitude des représentants des gouvernements de la France et du Royaume-Uni n’a pas été appréciée par les membres du Comité. Ces derniers attachent au moins autant d’importance à la qualité du dialogue et surtout aux capacités autocritiques des délégués gouvernementaux qu’aux problèmes rencontrés dans le pays concerné.

Ainsi, lors de la 9 e session du Comité (juin 1995), les rapports de la Tunisie et du Sri Lanka ont été nettement plus appréciés que celui du Canada, qui pourtant est un pays où les droits de l’enfant ont atteint un niveau de respect considérable. Et ceci même si les conditions de vie des enfants sont très précaires dans un pays en guerre comme le Sri Lanka.

Cette attitude sévère envers certains Etats occidentaux n’est pas systématique. Durant la même session, la Belgique a subi un examen de passage que l’on pourrait qualifier d’«excellent». Au vu de ces expériences, il n’est pas abusif d’affirmer que le jugement des experts du Comité des droits de l’enfant repose sur deux critères. L’un objectif: la réalité des enfants sur le terrain. L’autre subjectif: la qualité du dialogue Comité-Etat et la capacité autocritique des représentants de ces derniers. Dans le cas de la Belgique, il est permis d’affirmer qu’en plus d’un rapport national apprécié et d’une capacité d’écoute et d’ouverture, le sens de l’humour raffiné des membres de la délégation de ce pays a fortement séduit les membres du Comité.

Le Canada aurait pu prétendre à un passage plus réussi devant le Comité des droits de l’enfant. Son rapport national était très détaillé — le plus volumineux de l’histoire du Comité (284 p.) ! — et doublé de nombreux rapports des Etats fédérés (12 Provinces). Mais la qualité du dialogue entre experts et représentants gouvernementaux s’est vite dégradée dès que fut abordée la question des implications du système fédéraliste sur la mise en application des droits de l’enfant. Un avertissement pour le Gouvernement suisse, car deux ans après la ratification de la Convention, il devra lui aussi soumettre un rapport et gérer «la question fédérale».



CONFLIT ENTRE POUVOIR FEDERAL ET PROVINCIAL



A l’image de la Suisse où deux cantons (Appenzell Rhodes-Intérieures et Thurgovie) se sont opposés à la ratification de la Convention par le Gouvernement fédéral, la Province de l’Alberta s’est opposée à la ratification de la Convention par le Gouvernement fédéral du Canada. Cette province doit-elle néanmoins appliquer le droit tel qu’il est défini par la Convention ? Pour M. Duern, membre de la délégation canadienne, «seul le Gouvernement fédéral possède la compétence exclusive pour ratifier des traités internationaux (…) le Gouvernement fédéral ayant auparavant consulté les Gouvernements provinciaux. Au cas où des zones de conflits sont identifiées, les autorités provinciales et territoriales seraient sollicitées pour savoir si elles seraient d’accord de faire les changements nécessaires (…) Il est inconcevable que le Gouvernement ratifie un instrument international sans qu’il existe un consensus parmi les gouvernements provinciaux et territoriaux. La question des conséquences d’un refus est hypothétique car un tel cas n’a jamais existé. Dans une Province, l’Alberta, le Gouvernement n’a pas formellement soutenu la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant en soutenant qu’elle compromettait les droits parentaux. Cependant, la législation dans cette Province se conforme pleinement à la Convention et les autorités de cette Province ont pleinement coopéré dans la préparation du présent rapport et aux questions écrites du Comité».

L’argumentation de M. Duern, formulée au tout début du dialogue sous le chapitre «Mesures générales de mise en oeuvre» n’a pas pleinement convaincu les membres du Comité sur la question des risques pouvant exister dans un Etat de type fédéral. D’autant plus que le Canada depuis 1994 vit à la fois à l’heure de la décentralisation (Loi C 76, adoptée durant l’été 1995) et celles d’importantes restrictions budgétaires.

Pour Thomas Hammarberg, expert suédois et économiste de formation, la question de la non mise en oeuvre de la Convention par une Province «n’est pas, après tout, hypothétique (…) comment est-il certain que les Parlements de Province et les communautés locales placent les principes fondamentaux de la Convention, comme la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, au centre de leur propre mécanisme de prise de décision ?». Youri Kolosov, expert russe, a quant à lui affirmé que la non mise en oeuvre de la Convention par une Province serait tout simplement contraire au droit international, particulièrement au Traité de Vienne. Quant à Marta Santos Pais, experte du Portugal, l’important pour le Canada est qu’il ait au niveau fédéral un mécanisme de supervision pour s’assurer de manière viable que toutes les Provinces respectent les principes et droits définis par la

Convention et tiennent compte des normes minimales établies par le droit international.

Au Canada, les Provinces ont des compétences exclusives dans certains domaines importantes comme, par exemple, les services sociaux, la santé, l’éducation et le droit civil. Dans de nombreux domaines, la définition de l’âge de l’enfant varie d’une Province à l’autre, ce qui selon le Comité peut générer des traitements inégaux (mais pas forcément discriminatoires). Par exemple, dans des Provinces telles que la Nouvelle Ecosse, le Nouveau-Brunswick, les Territoires du Nord-Ouest et d’autres Provinces, un enfant est défini comme un être humain de moins de 19 ans, alors qu’au Québec l’âge est plus bas (18 ans).



LE CANADA REMIS A L’ORDRE !



Surpris du temps investi par les membres du Comité sur la question de la mise en oeuvre de la Convention par l’Etat fédéral, les membres de la délégation gouvernementale perdirent quelque peu patience face au nombre des questions provenant du Comité et le firent comprendre. M. Mc Alister «suggéra que l’attention devait être portée en premier lieu sur le fait de savoir si le Canada respectait ses obligations par rapport à la Convention, plutôt que sur la question de savoir quels moyens étaient utilisés. Alors que le Canada est préparé pour offrir de plus amples informations sur, par exemple, la coordination entre les Gouvernements fédéraux et provinciaux, le Comité ferait bien de ne pas perdre de vue la situation actuelle des droits de l’enfant qui est très favorable». Cette déclaration donnée dans une atmosphère tendue fut une indéniable erreur diplomatique. Dans les règles du jeu de l’ONU, c’est bien le Comité qui gère le dialogue à sa guise et non pas les délégués des Gouvernements ! Le Canada le sait bien évidemment; mais ses représentants furent par trop irrités par le ton critique du Comité, alors qu’il se considère comme un des Etats à la pointe des droits de l’enfant, tant au niveau intérieur que par sa traditionnelle ouverture à l’immigration et sa généreuse coopération internationale.

Piqué au vif par le manque de sens autocritique de la délégation canadienne et son absence de recul vis-à-vis de la curiosité justifiée des experts, le Comité continua longtemps à traiter la question fédérale; non pas pour condamner ce système puisque le Comité ne privilégie aucun système politique pour autant qu’il soit ouvert, mais pour mieux comprendre comment la Convention peut efficacement être mise en oeuvre dans un Etat où les pouvoirs régionaux et locaux sont très forts mais ne sont liés qu’au travers du Gouvernement fédéral aux obligations internationales du Canada.

Thomas Hammarberg, avec un ton diplomatique propre aux experts de l’ONU, dit «être d’accord qu’il faut garder en vue la situation globale des droits de l’enfant au Canada (…) Cependant, alors que le Comité ne peut se prononcer en faveur d’un système législatif particulier pour la mise en oeuvre de la Convention ou des mécanismes et des structures particulières, il doit s’assurer que des structures et mécanismes appropriés soient en place. Le Gouvernement du Canada doit mettre en oeuvre la Convention à un moment difficile où des coupes budgétaires ont lieu et où la tendance est à la décentralisation (…) Même au Canada le concept des droits de l’enfant est nouveau et croire automatiquement que la Convention a déjà été mise en oeuvre dans le droit canadien est dangereux».

Pour Marta Santos Pais, décentraliser alors que la conjoncture économique est instable comporte des dangers surtout au niveau des programmes d’assistance sociale, de santé et d’éducation. « (…) la question des disparités entre provinces et des disparités entre différents enfants sur le territoire d’une même province se pose car un tel transfert de compétences comporte un risque sérieux de voir les plus pauvres s’appauvrir, étant donné que les mécanismes de contrôle mis en place par le Gouvernement fédéral ne pourront plus être utilisés».

Comme cela a été le cas lors de l’examen du rapport du Royaume-Uni, le Comité a aussi sévèrement critiqué l’attitude des autorités publiques canadiennes face à la question des châtiments corporels. En effet, au Canada, la loi tolère «l’utilisation raisonnable de la force», ce qui aux yeux du Comité est intolérable car, selon Marta Santos Pais, une telle attitude compromet toute la philosophie de la Convention, en particulier l’intérêt supérieur de l’enfant et son droit à être entendu.

L’examen du rapport national du Canada a une nouvelle fois démontré que le Comité des droits de l’enfant ne se laisse impressionner ni par le niveau économique d’un pays ni par son appartenance au monde occidental. Dans ses Observations finales, le Comité recommande au Gouvernement de «renforcer la coordination entre les autorités fédérales, provinciales et locales dans le domaine des droits de l’enfant afin d’éliminer tout risque de disparités ou de discriminations au niveau de la mise en oeuvre de la Convention et afin d’assurer que celle-ci soit respectée dans tout le pays. Le Comité recommande également que de l’importance soit donnée aux mécanismes fédéraux de supervision dans le but de les rendre plus efficaces».

Lorsque la Suisse se présentera devant le Comité des droits de l’enfant (deux ans après la ratification, soit éventuellement en 1998 ?) elle devra retenir la leçon canadienne. Les Observations finales du Comité sur la mise en application de la Convention par les autorités helvétiques dépendront en grande partie de la capacité d’écoute et d’autocritique de la délégation suisse et de sa propension à convaincre les experts que le système fédéral permet une mise en oeuvre homogène, durable et fiable de la Convention dans tous les cantons du pays, grâce notamment à la mise en place d’un système efficace de surveillance. Pas le moindre des défis!

Sources: toutes les citations de cet article sont tirées des documents de l’ONU suivants: Rapport initial du Gouvernement du Canada — 1994 (CRC/C/11/Add.3), Observations finales du Comité des droits de l’enfant au Gouvernement Canadien (CRC/C/15/Add.37) et Comptes rendus analytiques des 214e et 215e séances (CRC/C/SR. 214 et 215).






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