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Défense des enfants international
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Eliminer les pires formes de travail des enfants : l’OIT adopte une nouvelle convention
  
[ Bulletin DEI, September 1999 Band 5 Nr 3 S. I, II, III, IV ]

Par Françoise Lanci-Montant


Le 17 juin 1999, les 174 Etats membres de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont adopté à l’unanimité la «Convention (n°182) concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination». Elle est accompagnée d’une «Recommandation (n°190) sur les pires formes de travail des enfants».


La nouvelle Convention est appelée à devenir l’une des «conventions fondamentales» de l’OIT, qui consacrent toutes des principes et des droits fondamentaux, au même titre que celles sur la liberté syndicale et le droit de négociation collective, sur l’élimination du travail forcé ou obligatoire, sur la non-discrimination en matière d’emploi et de profession et sur l’âge minimum d’admission à l’emploi.


La Recommandation la complète et sert de guide pour son interprétation et sa mise en œuvre. Comme elle n’a pas le caractère contraignant de la Convention, elle est souvent plus spécifique et détaillée et va parfois plus loin que les dispositions de la Convention. Elle traite des programmes d’action, de la définition des travaux dangereux et de la mise en œuvre de la Convention.

La Convention n° 138 sur l’âge minimum de 1973 reste cependant la norme fondamentale et la base de l’action nationale et internationale concernant l’abolition du travail des enfant. A ce jour, elle a été ratifiée par 74 Etats seulement.

La Convention concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination (ci-dessous Convention n o 182) s’applique à tous les enfants «de moins de 18 ans» (art. 2), conformément à l’âge général fixé par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) et à l’âge minimum pour les travaux dangereux prévu par la Convention n° 138 sur l’âge minimum, 1973. 1

Pour répondre à la demande de certains pays qui ont souhaité que l’âge soit abaissé pour certains types de travail, l’article 4 de la Convention et le point 4 de la Recommandation permettent de ramener l’âge à 16 ans, à condition que «la santé, la sécurité et la moralité des enfants soient totalement protégées et qu’ils aient reçu un enseignement particulier ou une formation professionnelle adaptés à la branche d’activité dans laquelle ils seront occupés».


DEFINITION


La Convention définit pour la première fois, dans son article 3, ce qui constitue les «pires formes de travail des enfants»:

«a) toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés;

b) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques;

c) l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment pour la production et le trafic des stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes;

d) les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant.»

Les instances nationales disposent d’une certaine latitude pour déterminer quels sont les travaux, mentionnés à l’article 3 d), susceptibles de mettre en péril la santé de l’enfant. Elles doivent le faire après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs intéressés (art. 4.1).

La Recommandation va plus loin en définissant, dans son point II, les travaux dangereux mentionnés à l’article 3 d) de la Convention comme étant ceux «qui exposent les enfants à des sévices physiques, psychologiques ou sexuels; les travaux qui s’effectuent sous terre, sous l’eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés; les travaux qui s’effectuent avec des machines, du matériel ou des outils dangereux ou qui impliquent de manipuler ou porter de lourdes charges; les travaux qui s’effectuent dans un milieu malsain pouvant, par exemple, exposer les enfants à des substances, des agents ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé; les travaux qui s’effectuent dans des conditions particulièrement difficiles, par exemple pendant de longues heures, ou la nuit, ou pour lesquels l’enfant est retenu de manière injustifiée dans les locaux de l’employeur». Cette dernière mention est la seule référence qui est faite au travail domestique des enfants.


MESURES IMMEDIATES


La Convention demande aux Etats d’adopter des mesures «immédiates» garantissant l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants (art. 1). En soulignant ce caractère immédiat de l’action, les Etats s’engagent à soustraire les enfants aux formes intolérables de travail, dès qu’elles sont constatées ou, le cas échéant, de leur apporter une aide dans les plus brefs délais. La Convention ne laisse pas de place aux considérations politiques ou économiques par ailleurs si souvent utilisées pour justifier l'inaction face au travail des enfants. Il sera intéressant de voir comment les Etats vont déterminer cet «immédiat» dans l’application de la Convention.


PROGRAMMES D’ACTION ET MECANISMES DE CONTROLE


Les Etats membres qui ratifieront la Convention devront:

• élaborer et mettre en œuvre des programmes d’action (art. 6) en vue de l’élimination des pires formes de travail des enfants, en incluant, à chaque étape, les groupements d’employeurs et de travailleurs ainsi que les autres organisations intéressées. La Recommandation définit les lignes principales des programmes d’action, la mise en oeuvre au niveau national et énumère des mesures (juridiques, politiques, d’information ou d’éducation) permettant d’éradiquer les pires formes de travail des enfants.

• établir ou désigner des mécanismes appropriés pour surveiller l’application des dispositions de la Convention (art. 5). Les Etats devront s'efforcer d'assurer la participation de la société civile dans les organes de contrôle.


EDUCATION


La question de l’éducation a fait l’objet d’un long débat entre ceux qui souhaitaient que la Convention reconnaisse, dans la définition des pires formes de travail des enfants, un travail qui prive un enfant d’une éducation et ceux qui craignaient qu’une telle approche rende la ratification difficile pour certains Etats. Le refus d’accès à l’éducation n’a finalement pas été retenu comme critère de détermination des pires formes de travail.

L’éducation occupe néanmoins une place centrale dans l’application de la Convention (art. 7). Il ne s’agit pas seulement de soustraire les enfants aux pires formes de travail mais les Etats ont également l'obligation d’assurer leur réadaptation, l’accès à l’éducation de base gratuite et à la formation professionnelle. La prévention et la réintégration sociale passent par l’éducation. Le préambule souligne aussi l’importance de l’éducation de base gratuite.


COOPERATION INTERNATIONALE


Afin d’atteindre ses objectifs, la Convention lance un appel à la coopération internationale en matière de développement social et économique, de lutte contre la pauvreté et de promotion de l’éducation (art. 8).

Les membres des pays en développement ont particulièrement insisté pour que la Convention rappelle le lien de causalité entre la pauvreté et le travail des enfants. C’est ce qui est fait dans le Préambule et l’article 8. Toutefois, il a également été souligné que le niveau de développement ne peut pas être une excuse pour retarder l’application de la Convention.


SANCTIONS PENALES


• Les membres doivent recourir à des sanctions pénales pour assurer la mise en oeuvre de la Convention et le respect de ses dispositions (art. 7.1). De même, la Recommandation demande aux Etats de qualifier d’infractions pénales les pires formes de travail des enfants et de prévoir des sanctions pénales contre les auteurs de ces infractions. En son point 12, elle fournit une liste des infractions pénales qui inclut, entre autres, «toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues; […] l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques; l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins d’activités illicites, notamment dans la production et le trafic de stupéfiants, […] ou pour des activités qui impliquent le port ou l’utilisation illégaux d’armes à feu ou d’autres armes».

• Les Etats doivent supprimer les abus du travail des enfants où qu’ils se produisent dans le monde, ce qui est particulièrement pertinent quand il s’agit de trafic d’enfants, de pornographie ou de tourisme sexuel. La Convention incite les Etats à poursuivre leurs citoyens pour les infractions à la Convention, même si elles ont été commises dans un autre pays. Ce faisant, elle fait de ces atteintes aux droits de l'enfant des délits universels.


ENTREE EN VIGUEUR


Comme l’ont relevé des experts du Bureau international du Travail (BIT), la ratification de la nouvelle convention ne devrait poser aucun problème aux Etats car elle n’a pas d’incidences économiques ou budgétaires. Elle relève uniquement d’une décision politique et donc de la volonté des Etats.

La Convention entrera en vigueur douze mois après l’enregistrement des deux premières ratifications. La campagne de ratification rassemble le Programme international pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) et divers départements du BIT.


COMMENTAIRE


Ce texte constitue certainement un pas en avant dans le processus d’éradication du travail des enfants:

• c’est un instrument qui concerne des formes d’exploitation unanimement considérées comme inadmissibles et qui bénéficie d’un vent favorable, concrétisé par son adoption à l’unanimité;

• la Convention ne se limite pas à interdire certaines pratiques mais parle également de prévention, de réinsertion et prévoit des sanctions pénales;

• les Etats se sont engagés à collaborer pour développer et soutenir des programmes nationaux et internationaux d’éradication des pires formes de travail des enfants;

• enfin, la Convention reconnaît le rôle des ONG en leur réservant une certaine place dans la conception et la mise en œuvre des programmes d’action nationaux, au même titre que les organisations de travailleurs et d’employeurs (art. 6). C’est le fruit du long travail des ONG en matière des droits et du travail des enfants.

Il subsiste toutefois quelques déceptions. Elles sont principalement dues à l’absence, dans la définition des pires formes de travail des enfants, de la mention des enfants soldats et du refus d’accès à l’éducation.

Il est en effet regrettable que la Convention n’offre pas une meilleure protection pour les enfants dans les conflits armés. Lors des travaux préparatoires, un certain nombre de membres et la communauté des ONG avaient souhaité que la Convention condamne toute utilisation quelle qu'elle soit, des enfants de moins de 18 ans dans les conflits armés. Ils se sont heurtés aux Etats qui permettent le recrutement volontaire des mineurs dans l’armée.

Finalement, la Convention se limite à proscrire le «recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés» (art. 3 a)). Une terminologie un peu floue, tant il est parfois difficile d’établir si le recrutement dans un conflit s’est fait sur une base entièrement volontaire.

L’article 3 d) offre une maigre consolation en permettant aux autorités nationales de décider que la participation des enfants au service militaire, aux forces armées ou aux conflits armés est contraire à la Convention, dans la mesure où elle porterait atteinte à leur santé, sécurité ou moralité. Il en va donc du bon vouloir des Etats dont l’action se limitera alors au plan national.

Il est à noter que la Convention relative aux droits de l’enfant, qui définit l’enfant comme tout être humain âgé de moins de 18 ans, fait une exception pour le service militaire, en fixant à 15 ans l’âge minimum admissible. La CDE recommande toutefois que les Etats qui autorisent les enfants de moins de 18 ans à servir dans l’armée s’efforcent d’enrôler en priorité les plus âgés. Actuellement, un Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, proposé par le Comité des droits de l’enfant, est élaboré pour faire passer de 15 à 18 ans l’âge minimum pour effectuer un service militaire.

La Convention n o 182 répond également à un changement d’attitude envers le travail des enfants en général. Les Etats, estimant qu’il est pratiquement impossible d’éliminer le travail des enfants globalement, se concentrent sur l’élimination immédiate des formes les plus intolérables de ce travail. C’est pourquoi il est important de rappeler que la Convention n o 182 ne doit pas être considérée isolément de la Convention n° 138, plus contraignante et qui n’a toujours pas été ratifiée par 94 des 174 Etats membres de l’OIT, plus de vingt ans après son adoption. La nouvelle Convention ne concerne qu’un petit pourcentage des enfants travailleurs. Elle ne changera donc ni la problématique, ni les approches du travail des enfants.

Le poids réel de cette nouvelle Convention dépendra bien entendu de sa ratification par le plus grand nombre d’Etats possible. Après l’avoir votée à l’unanimité, les Etats doivent maintenant ratifier et mettre en œuvre ces obligations. Il est souhaitable que l’élan créé par cette campagne de ratification incite également ceux qui ne l’ont pas encore fait à ratifier la Convention n° 138 et à accepter de la sorte un cadre légale complet pour changer quelque peu la situation de leurs enfants travailleurs.

1 La Convention no 138 fixe à quinze ans l'âge minimal d'accès à tout emploi et à dix huit ans l'âge minimal pour les travaux dangereux. Dix huit ans est également l'âge fixé par le droit international pour l'entrée dans l'âge adulte.


QUELQUES CHIFFRES


L’OIT estime à environ 250 millions les enfants qui, entre 5 et 14 ans, travaillent à travers le monde, dont près de la moitié à plein temps.

Quelque 50 à 60 millions d’enfants entre 5 à 11 ans travaillent dans des conditions considérées comme dangereuses.

Plus de la moitié sont en Asie. En Afrique, 41% des enfants travaillent, parmi lesquels quatre sur dix ont moins de 14 ans. Ils sont un sur cinq en Amérique latine.

L’Europe est aussi concernée: selon une étude récente, 2,5 millions d’enfants scolarisés en Grande-Bretagne occupent des emplois d’adultes à temps partiel. 45% des moins de 16 ans ont un «petit travail» en dehors de l’école et parmi eux, 500.000 auraient moins de 13 ans, l’âge légal pour être embauché en Grande-Bretagne.


QUI LES EMPLOIE


• l’agriculture: dans certains pays en développement, ils représentent près d’un tiers de la main d’œuvre.

• l’industrie et l’artisanat: l’ébénisterie (Burkina), l’artisanat du tapis (Inde, Pakistan, Maroc), du verre (Inde), du cuir (Honduras, Pakistan), les exploitations minières (Afrique du Sud), etc.

• les employeurs individuels: on retrouve souvent des enfants-domestiques vivant dans des conditions proches de l’esclavage. Cette situation existe dans des pays en développement, mais aussi en France où 68 employeurs d’enfants domestiques acheminés en France avec des papiers falsifiés ont été identifiés en 1998.


POUR EN SAVOIR PLUS


• Les textes de la Convention et de la Déclaration sont disponibles sur Internet. Convention: www.ilo.org/public/ french/10ilc/ilc87/com-chic.htm. Déclaration: www.ilo.org/public/french/10ilc/ ilc87/com-chir.htm.

• Textes de la Convention et de la Déclaration en anglais et français: Conférence international du Travail, Quatre-vingt-septième session, Genève, 1999, Compte rendu provisoire 19A et 19B.

• Dossier «L’intolérable en point de mire: une nouvelle convention internationale pour éliminer les pires formes de travail des enfants», Bureau international du Travail, 1999.


Et la Suisse ?


Les intentions de la Suisse sont claires: elle souhaite ratifier la nouvelle Convention au plus vite. Le Conseil fédéral a décidé, le 20 septembre dernier, de proposer sa ratification au Parlement. Le texte du «Message» est en train d'être finalisé. Il n’y aura pas de consultation externe et le débat aux Chambres ne devrait pas réserver de surprises: l’application de la Convention ne pose pas problèmes de compatibilité avec le droit suisse. Les instruments de la ratification devraient être déposés avant la prochaine Conférence internationale du Travail, au printemps 2000. La Suisse devrait être ainsi l'un des premiers Etats membres de l'OIT à ratifier cette convention.

La Suisse fait ainsi acte de solidarité, dans la mesure où son application n’apportera pas de changements à la situation des enfants en Suisse. Les lois existant incluent déjà ces dispositions. En matière de coopération internationale (art. 8), l’application de la Convention n’amènera également pas de changements majeurs dans l’orientation de l’aide au développement qui met déjà l’accent sur l’éradication de la pauvreté et la promotion de l’éducation.

La Suisse est satisfaite du texte final de la Convention, même si elle avait souhaité qu'elle associe plus fortement les ONG, en particulier à l’article 4.1 en leur permettant de déterminer, avec les autorités compétentes, les organismes d’employeurs et de travailleurs, les types de travail susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant. Concernant les enfants soldats, la Suisse était favorable à une interdiction de toute participation aux forces armées d’enfants en dessous de 18 ans. Elle continuera à défendre cette position auprès des instances intéressées.

La Suisse espère une très large ratification de la Convention et elle agira dans ce sens. C’est ce qu’a d’ailleurs déjà fait la Présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss, au récent Sommet de la francophonie au Canada (septembre 1999) où le travail des enfants et l’utilisation des enfants soldats étaient l’un des trois dossiers en faveur desquels elle a plaidé. Nous reviendrons sur le texte du Message et le débat au Parlement dans les prochains numéros du Bulletin.






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