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Défense des enfants international
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


L’ influence des droits de l'enfant sur les pratiques de santé 1
  
[ Bulletin DEI, März 2000 Band 6 Nr 1 S. I, II, III, IV ]

Par Marie-Françoise Lücker-Babel, docteur en droit, présidente de GeoDE (Groupe d'Etude et d'Observation des Droits de l'Enfant), Genève


La Convention relative aux droits de l’enfant fait de l’enfant un partenaire dans toutes les décisions qui le concernent, y compris dans le domaine des soins de santé. Celui-ci comprend la prise au sérieux des demandes de l’enfant, l’écoute, l’information et la discrétion. L'article 24.1 de la Convention exige que l'enfant soit mis en mesure de «jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de soins médicaux et de rééducation». De plus, les Etats parties à ce traité doivent s’efforcer de «garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’accéder à ces services». Cette dernière phrase est lourde de sens pour tous les enfants en situation économique ou juridique précaire et toutes ses dimensions n’ont certainement pas encore été évaluées. Dans la présente contribution, l’auteure examine quelle signification des exigences telles que le droit de l’enfant à la parole et au respect de sa personne ont dans les pratiques de santé.



  1. Cette contribution a paru sous un titre et dans une forme légèrement différents dans l’ouvrage de D. Bertrand et al. «Médecin et droit médical», éditions Médecine & Hygiène, Genève, 1998, pp. 219 ss.





D'abord vu comme une petite personne vulnérable et avide de mesures de protection, l'enfant a maintenant acquis le statut plus enviable de partenaire des décisions qui sont prises à son sujet.

La protection de sa santé puise ses sources non seulement dans l’article 24 de la Convention relative aux droits de l'enfant, mais également dans d’autres droits qui sont tous constitutifs de la dignité de l’enfant. Et l’administration des soins, à quelque niveau qu’elle soit décidée ou gérée (décisions politiques, législatives, administratives, techniques, médicales, infirmières, etc.), ne peuvent faire l’économie d’un examen des principes de base de cette même Convention à savoir: l’exigence de non-discrimination, le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, la prééminence de la responsabilité des parents, la capacité croissante de l’enfant à exercer lui-même ses droits et l’écoute de l’enfant.

LE PRINCIPE DE L’ECOUTE DE L’ENFANT

L’article 12 de la Convention garantit à «l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité». 2

Quelles sont les conditions d’application de l’article 12? Il faut tout d’abord que la question posée intéresse l’enfant, qu’elle le touche, ce qui est à l’évidence le cas dans l’administration de soins de santé. L’enfant doit être ensuite capable de discernement et en mesure de s’exprimer librement (A). Finalement, l’avis de l’enfant doit être pris en considération (B).


A. La capacité de discernement


La santé est indubitablement un bien auquel s'applique la notion de droit strictement personnel; c'est un droit que seul son détenteur, même mineur, peut exercer valablement, dont lui seul peut disposer dès le moment oĂą il est capable de discernement (article 19 du Code civil suisse). La loi suisse ne fixe pas d'âge limite inférieur en dessous duquel cette capacité n’existe pas.

La capacité de discernement suppose que l'enfant ait acquis des connaissances et un savoir faire suffisants pour évaluer la situation et se déterminer lui-même dans un contexte précis: traverser la route, choisir une filière scolaire, consentir à un traitement médical. L'appréciation de la capacité de discernement est laissée aux adultes, mais elle n’est pas établie une fois pour toutes. Elle peut et doit être rediscutée, en particulier aux diverses étapes du traitement ou lors du traitement d’une maladie chronique. Deux attitudes sont à cet égard possibles. L'une est de simplement constater si un enfant déterminé a ou non le discernement; une attitude ouverte tendra à considérer que l'enfant capable d'exprimer un mal-être, même de manière non verbale, a suffisamment de discernement pour mériter d’être pris au sérieux. L'autre attitude est activiste: l’émergence du discernement est certainement favorisée par le dialogue, des explications, du temps, bref par la création d'un «espace de détermination» que l'on offre à l'enfant (comme d’ailleurs au vieillard, à la personne gravement malade). La décision prise quant à la capacité de discernement a des incidences juridiques et économiques non encore résolues de manière satisfaisante: l'enfant peut-il lui-même conclure un contrat avec le médecin de son choix, ou avec l'hôpital? Si l'on admet que l'enfant exerce un droit strictement personnel en matière de santé, il doit pouvoir contacter directement un médecin ou une institution de soins. La question financière est plus délicate, car l'enfant n'a pas forcément les ressources nécessaires pour payer un acte médical, voire une intervention chirurgicale; il n'est pas le partenaire de sa caisse d'assurance maladie. La tentation est dès lors grande de lui refuser l'autonomie en raison du manque de moyens financiers 3.


B. Le suivi de la parole de l’enfant


Dans le cadre de l’article 12 de la Convention, l’enfant obtient la garantie que son opinion sera prise en compte, compte tenu de son âge et de son degré de maturité. C’est une formulation qui est souvent mal comprise. De manière générale, le droit de l’enfant de donner son opinion ne décharge nullement l’adulte (parent, tuteur ou juge) de sa responsabilité de décider 4; il n'équivaut pas à un transfert de cette compétence-là. L’idée est bien plus de signifier que l’adulte doit ajouter l’avis de l’enfant aux paramètres sur lesquels il base sa décision 5.

On comprend dès lors que le droit de l’enfant d’être entendu et écouté déploie des effets différents selon sa capacité personnelle de compréhension, d'analyse et d'appréciation; ce degré d’expérience de l’enfant peut être fort développé dans un domaine particulier comme l’administration d’un traitement médical, ou l’exercice d’une activité sportive ou de loisirs comportant quelques risques. Trois situations sont susceptibles de se présenter:


1. L’enfant est considéré comme capable de discernement; il a alors le droit de demander lui-même et seul un traitement médical, d'y consentir ou de s'y opposer. Ici, le mineur est dans une situation quasiment analogue à celle de l'adulte, sauf qu'un «retour en minorité» reste toujours possible 6. Si l’enfant, pour une raison ou une autre, n’est plus à même de gérer ses problèmes de santé, le médecin devra immédiatement contacter le représentant légal ou, en cas d’absence de celui-ci, l’autorité tutélaire.


2. Si l’enfant est considéré comme incapable de discernement, seuls les parents ou le tuteur en tant que représentants légaux doivent consentir au traitement envisagé.


3. Un stade intermédiaire peut être identifié: l'enfant est assez mûr pour consentir en même temps que ses parents. C'est la solution préconisée par la Loi genevoise concernant les rapports entre membres des professions de la santé et patients (K.1.30, du 6 décembre 1987) lorsqu'un examen ou un traitement ressortissant à la recherche médicale est envisagé (article 6 al. 2). De manière générale, le débat sur la capacité de discernement et de décision de l'enfant ne saurait être interprété comme menant à l'exclusion totale des parents; au contraire, il convient de les associer autant que possible à toute décision concernant la santé et la guérison de l'enfant.


LES OBLIGATIONS DU MEDECIN ET DU PERSONNEL SOIGNANT


On le voit, l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant ne bouleverse pas le cadre juridique de la pratique médicale touchant les enfants. Les variations du statut de l’enfant face au monde des soins de santé ont toutefois des incidences sur les devoirs du médecin.

Tout d’abord en ce qui concerne le devoir d’informer le patient. Cette information est considérée comme un élément constitutif du consentement libre et éclairé du patient et, de la sorte, de la légalité de l’acte médical 7. C’est dire que, selon le niveau de compétence reconnu à l’enfant, l’obligation légale d'informer sera valablement exercée à l’égard de l’enfant seul, ou à l’égard de son représentant légal. Dans les situations oĂą la capacité de discernement de l’enfant ne paraît pas établie avec une absolue certitude, l’information sera utilement donnée à la fois à l’enfant et à son représentant légal, en l’adaptant bien entendu aux capacités de compréhension de l’un et de l’autre.

Comme nous l’avons relevé en introduction, la Convention relative aux droits de l’enfant signale une évolution du statut de l’enfant. Sans octroyer systématiquement à l’enfant un droit de décision, elle veut faire avancer sa cause et le promouvoir en tant que personne à part entière. La réflexion sur les droits de l’enfant conduit ainsi à identifier le niveau minimum d'attention à lui accorder à en toutes circonstances.

En premier lieu, le système d’accès aux soins au sens large doit être conçu et ouvert de telle sorte que tout enfant en besoin de traitement puisse se faire entendre et, conséquence logique, obtenir que son appel soit pris au sérieux et suivi d'une intervention adéquate; le domaine actuellement le plus sensible est sans nul doute, en Suisse, celui de la maltraitance.

En second lieu, tous les enfants ont le droit d'atteindre le palier qui précède le stade de la capacité à décider eux-mêmes. Ce palier comprend:

• les droits à l’information et à l’écoute: il est peu de circonstances dans lesquelles le personnel soignant jugera superflu d’écouter l’enfant, et de lui expliquer ce qui se passe et ce que l'on va faire avec lui. Ces droits ne sont pas, ici, une condition de la légalité de l’acte médical, mais un élément essentiel du droit de l’enfant patient à la dignité. Ce qui vaut pour les adultes a également un sens pour les enfants, à savoir que l’information et l’écoute sont les seuls moyens de les associer à leur guérison.

• le respect de la sphère privée (confidentialité): selon que l'enfant est ou non capable de discernement, il est lui-même détenteur et gestionnaire du secret médical, et lui seul pourra en délier son médecin. Mais le personnel soignant peut aussi avoir été informé de secrets d'un enfant juridiquement considéré comme incapable; il n'a pas le droit d'en révéler la teneur aux parents ou même à des tiers, tant que cela n'est pas justifié par la protection ou la guérison de l'enfant (cf. notamment l'article 358ter CPS).


EN CONCLUSION


La minorité est généralement (et confortablement) conçue comme la période de dix-huit ans durant laquelle l'individu «ne peut pas», ou peut seulement par interposition. Et la capacité de discernement constitue, juridiquement, un verrou entre le pouvoir et le non pouvoir. De ce cadre, qui n’est pas propre qu’à la Suisse, le concept des droits de l'enfant incite à ouvrir la porte. Il met en relief la diversité des capacités et des interactions dont l'enfant est capable, mais n’offre pas de réponses toutes faites. La responsabilité de décider reste l’apanage des adultes qui doivent examiner à chaque fois la possibilité de la partager avec les enfants. En ce sens, les droits de l’enfant servent bien moins à déterminer la validité de l'acte médical (bon ou mauvais, et par conséquent légal ou illégal) que la place de l'enfant dans ce même acte médical (sujet plutôt qu’objet).

2 Pour plus de détails, on se référera utilement au chapitre 6 de l’ouvrage de M.F. Lücker-Babel «Ecoute et participation de l’enfant. Etude des procédures et pratiques genevoises», édité et diffusé par le Bureau Central d’Aide Sociale, (Genève, 1995).

3 La conséquence en est que l’accès du mineur à l’autonomie est souvent sapé par des considérations juridiques et financières. Celles-ci sont bien entendu importantes et appellent la recherche de solutions qui semblent être actuellement développées au coup par coup plus qu’en application de règles générales. Cette situation démontre la fragilité du statut de l’enfant: trop souvent les difficultés de mise en oeuvre des droits de l’enfant déterminent la reconnaissance de ces mêmes droits (p. ex. la difficulté de trouver des décideurs aptes à entendre de manière professionnelle un enfant nuit à la reconnaissance du droit d’être entendu). Alors que pour les adultes, la reconnaissance du droit précède toujours la recherche des moyens juridiques, financiers ou techniques de le réaliser.

4 L’adulte est également tenu d’accorder une importance «primordiale» à l’intérêt supérieur de l’enfant (article 3 de la Convention). Si bien que les opinions de l’enfant ne peuvent ni ne doivent conduire à un résultat qui serait pour lui néfaste. L’enfant qui semble capable de discernement mais émet une opinion qui lui est nettement défavorable à court ou moyen terme (p. ex. refuser une vaccination, de suivre un traitement médical ou d’aller à l’école) perd immédiatement cette capacité. C’est donc l’adulte qui conserve les deux clés du «pouvoir»: la décision sur la capacité de discernement du mineur et la décision sur ce qui correspond au bien de l’enfant.

5 Ce droit n'équivaut pas, comme on peut maintenant encore le lire ou l’entendre même de la plume ou de la bouche de spécialistes, à demander à l’enfant de faire lui-même un choix (par exemple entre son père ou sa mère en cas de divorce). Son essence est bien plus de permettre à l’enfant de s’exprimer sur ce qu’il ressent et sur sa perception des événements. L’enfant reste bien entendu libre de se taire.

6 Un enfant ou un adulte est ou n’est pas capable de discernement. Il n’existe pas de stade intermédiaire consistant en capacité plus ou moins limitée.

7 Voir D. Manaï, Le devoir d’information du médecin, in D. Bertrand et al. «Médecin et droit médical», éditions Médecine & Hygiène, Genève, 1998, pp. 37 ss.






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