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Défense des enfants international
section suisse
 
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A la découverte des droits de l'enfant dans le débat sur des symboles religieux ostentatoires
  
[ Bulletin DEI, März 2000 Band 6 Nr 1 S. 12, 13, 14 ]

Par Karl Hanson 1


Dans son arrêt du 25 juin 1999, le Tribunal administratif de Neuchâtel confirme la décision du Département cantonal de l'instruction publique et des affaires culturelles, d'autoriser le port du «foulard islamique» par une fille, alors âgée de 12 ans, à l'école publique obligatoire de La Chaux-de-Fonds; ceci alors que la commission scolaire avait interdit le port du foulard. Par cette décision, le Tribunal administratif semble avoir pris une décision conforme à l'approche «dynamique et intégrative» en matière de liberté de religion et de laïcité de l'école publique. 2 Les arguments retenus par le Tribunal dans un débat hautement symbolique, voire idéologique, reflètent une certaine vision de l'enfance et du poids relatif accordé aux droits subjectifs de l'enfant. Les arguments en matière d'égalité de traitement entre les sexes à l'école méritent cependant une deuxième lecture.


1. LA POSITION DU TRIBUNAL DE NEUCHATEL


Les manifestations extérieures d'une conviction, comme le port du «foulard islamique» par une fille, peuvent être limitées. Le droit constitutionnel suisse, ainsi que l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) imposent trois conditions pour que des limitations à la liberté de religion soient jugées acceptables. Ces conditions, qui doivent être remplies conjointement, concernent:

• la question de la légalité des mesures;

• la légitimité du but recherché; et

• le principe de la proportionnalité.

En l'espèce, après avoir statué que les dispositions de la Loi cantonale sur l'organisation scolaire constituent une base légale formelle suffisante pour fonder une restriction aux libertés individuelles des élèves de l'école publique communale (cons. 4.b.), le Tribunal administratif de Neuchâtel écarte du débat les arguments liés aux principes de la laïcité de l'Etat et de l'enseignement.

A ce sujet, le Tribunal affirme que la laïcité «pose certaines exigences à la collectivité dont dépend l'école publique, mais non pas aux usagers de cette dernière.» La laïcité de l'enseignement, qui dans d'autres contextes peut certainement constituer un but légitime, 3 n'est alors pas en concurrence avec l'intérêt privé de l'élève à ce que soit sauvegardée sa liberté religieuse; les deux intérêts ne doivent ainsi pas être mis en balance (cons. 5.b.).

Il reste encore à statuer sur les arguments liés à l'égalité de traitement entre les sexes. En se référant au Tribunal fédéral, le Tribunal administratif de Neuchâtel considère qu’il s’agit d’une valeur fondamentale de notre société, consacrée par une disposition constitutionnelle expresse, qui doit être prise en compte à l'école. Les juges cantonaux affirment que le port du foulard est difficilement conciliable avec ce principe. 4 Remplissant ainsi la condition de poursuite d’un but légitime, il y a lieu d'effectuer la pesée entre le principe de l'égalité de traitement des sexes et la liberté de religion. Le Tribunal administratif s'engage alors dans une évaluation du cas pour savoir si l'interdiction de porter le foulard est conforme au principe de la proportionnalité ou, en d'autres termes, si elle «constitue une mesure nécessaire dans une société démocratique» (voir article 9.2 CEDH).

Le Tribunal administratif affirme que, si comme le craint la commission scolaire, la fille se trouve sous l'emprise paternelle, l'insistance à imposer l'abandon du voile conduirait sans conteste à la priver de l'enseignement public car elle se verrait ou bien retirée ou bien renvoyée de l'école. 5

La mesure prise par la commission scolaire pourrait même aller dans le sens contraire du but recherché: privée de l'école publique, oĂą la jeune pourra-t-elle apprendre la «cause des femmes»?


2. LE DROIT DE L'ENFANT A LA LIBERTE DE RELIGION


L'interdiction du port d'un foulard islamique imposée par l'école publique de La Chaux-de-Fonds à une fille de religion islamique est analysée par le Tribunal administratif sous l'angle de la liberté de pensée, de conscience et de religion. S'agissant d'une mineure d'âge (de moins de seize ans), deux aspects différents de cette liberté sont en cause.

D'une part, il y a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion de l'enfant elle-même. Cette liberté est protégée et par la Constitution fédérale (art.49 al.1 de l’ancienne Constitution 6) et par le droit international (art.9 CEDH et art.14 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant 7).

Il y a peu de doute que des enfants mineurs sont eux-mêmes titulaires, de leur propre chef, de cette liberté; le commentaire de l’arrêt va dans ce sens et la jurisprudence européenne est également explicite sur ce point 8.

D'autre part, il y a le droit des parents, énoncé à l'article 49 al. 3 de l’ancienne Constitution fédérale et dans l'article 303 du Code civil (CCS), de disposer de l'éducation religieuse de leur enfant jusqu'à l'âge de 16 ans révolus 9.

Des dispositions similaires, mais moins affirmatives vis-à-vis du droit des parents, se trouvent dans le droit international, notamment à l'article 2 du Premier Protocole de la Convention européenne des droits de l'homme 10 et à l’article 14.2 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CDE).

Comme les avis du père et de sa fille concordent quant au port du foulard, le Tribunal n'a pas à peser le droit de l'enfant à la liberté de religion et celui des parents d'intervenir dans l'éducation religieuse de leurs enfants. Il peut néanmoins arriver que ces deux avis s’opposent. Qu’en aurait-il été si la fille de 12 ans n'avait pas voulu porter le foulard? Quels droits, ceux des parents ou ceux de la fille, prévaudraient? Et quel droit permettrait de statuer sur ce conflit?

Selon le droit suisse, qui affirme que les parents peuvent disposer de l'éducation religieuse de leur enfant jusqu'à l'âge de 16 ans révolus, ou selon la Convention relative aux droits de l'enfant, qui oblige l'Etat à respecter le droit et le devoir des parents de guider l'enfant dans l'exercice du droit à la liberté de religion d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités?


3. ET L'OPINION DE L'ENFANT?


En l'espèce, la présentation des faits ne permet pas de discerner des divergences entre les opinions de la fille et celles de ses parents (en demande de son père pour manifester son appartenance à la confession islamique et pour se conformer aux prescriptions de sa foi.» 11

Aux différentes étapes de la procédure, les opinions du père, de la commission scolaire et du Département cantonal de l'instruction publique et des affaires culturelles ont été entendues. Ce sont eux qui avancent leurs arguments pour et contre l'interdiction de porter un foulard par une élève à l'école publique. Une opinion n'a pas été entendue dans ce débat: celle de la fille elle-même. Que pense-t-elle de l’autorisation ou de l'interdiction de porter un foulard à l'école?

Pourtant, donner à l’enfant la possibilité d’être entendue dans cette procédure, au sens de l’article 12.2 de la CDE pourrait jeter sur l'affaire une autre lumière. Il y a par exemple des jeunes filles qui ôtent leur foulard sur le chemin de l'école, bien que leurs parents les obligent à se couvrir la tête pour sortir. Par contre, d'autres filles tiennent au foulard par conviction religieuse ou simplement par respect pour leurs parents.

Les deux réalités, et d'autres encore, existent, mais demeurent invisibles en l'espèce puisque l’enfant concernée n’a pas été consultée. De plus, étant donné l’absence du point de vue de l’enfant, comment les juges auraient-ils pu dûment prendre en considération les opinions de l’enfant, au sens de l’article 12.1 de la CDE?


4. FOULARD, ENFANTS ET INTEGRATION


Pour affirmer son interprétation du foulard dans la religion musulmane, le Tribunal fédéral n’apporte guère d’arguments. Il se contente de faire référence à un seul commentaire sur la question. 12 Mais le port du foulard en tant que tel pose-t-il réellement un «problème en ce qui concerne le traitement égal entre les sexes»? Remarquez que le foulard est facilement associé à la propagation d’un fondamentalisme islamique; l’obligation de porter le foulard serait l’expression de la sujétion de la femme. Ce qui pourrait n’être qu’une délibérée aux valeurs de la société occidentale. 13 Est-ce vraiment cela que veulent exprimer les femmes qui portent un foulard?

Selon l’image que l’on a couramment de l’enfance, on considère cette période comme une phase transitoire, dont le but est l’intégration des enfants à la société. L’auteur qui est cité dans l’arrêt du Tribunal fédéral propose d’adapter la réaction envers le foulard en fonction de la personne et du lieu : «Certes, il ne faut pas faire la chasse aux sorcières et interdire aux femmes musulmanes en Occident de porter le voile en public. Mais, à l'école, là oĂą les générations futures sont préparées, la fille devrait à mon avis être sans voile. C'est le seul moyen pour assurer l'amélioration de son statut social et légal à l'avenir aussi bien en Occident qu'en Orient.» 14

A travers ces propos, tout comme à travers l’importance donnée par le Tribunal administratif aux principes de l'égalité de traitement des sexes et à la liberté de religion, c’est en fait la notion de l’enfant comme «être en devenir» qui domine. Et c’est exactement là que se situe tout le paradoxe du raisonnement du Tribunal administratif: pour intégrer une fille musulmane dans la société, on ne va pas lui interdire de porter le foulard à l’école. On l’accepte avec son foulard parce que l’école est considérée comme l’institution clé qui lui apprendra à ne plus le porter, bien plus que pour des raisons d’intégration ou de respect de sa conviction religieuse …

1 Assistant de recherche au Centre des droits de l'enfant, Université de Gand (Belgique); Programme Pôles d'Attraction Inter Universitaires - Etat belge, Services du Premier Ministre - Services fédéraux des affaires scientifiques, techniques et culturelles.

2 Voir le compte rendu de l'arrêt et le commentaire par MFLB «Enseignement public et voile islamique (suite)» dans ce numéro.

3 Voir e.a. ATF 123 I 296, et le commentaire dans le Bulletin, vol. 4, n o 1/2, p. 5.

4 ATF 123 I 296, 312p., cité dans considérant 6.a. in fine, Tribunal administratif de Neuchâtel du 25 juin 1999.

5 Considérant 7.b., Tribunal administratif de Neuchâtel du 25 juin 1999.

6 Ce jugement a été rendu sous l’empire de la Constitution fédérale de 1874. La nouvelle Constitution fédérale de 1999 garantit la liberté de conscience et de croyance (art.15), mais elle ne fait plus allusion au droit de l’enfant de choisir librement sa religion dès 16 ans. Ce point est réglé exclusivement par l’art. 303 CCS.

7 L'article 14 de la CDE est libellé ainsi: «1. Les Etats parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion. 2. Les Etats parties respectent le droit et le devoir des parents ou, le cas échéant, des représentants légaux de l'enfant, de guider celui-ci dans l'exercice du droit susmentionné d'une manière qui corresponde au développement de ses capacités. 3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu'aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, la santé et la moralité publiques ou les libertés et droit fondamentaux d'autrui.»

8 Dans l'arrêt Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, la Cour affirme que l'article 9 de la Convention européenne proclame «le droit de toute personne, y compris les … enfants, … à 'la liberté de pensée, de conscience et de religion' …», Cour européenne des droits de l'homme, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen, 7 décembre 1976, Série A, Vol. 23, par.52. Plus récemment, voir aussi les décisions dans les affaires Valsalmis et Efstratiou, Cour européenne des droits de l'homme, Valsalmis, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1997, par. 37; Cour européenne des droits de l'homme, Efstratiou, 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1997, par. 38.

9 Considérant 4.b., Tribunal administratif de Neuchâtel du 25 juin 1999.

10 Article 2 du Protocole n°1 de la CEDH: «Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques».

11 Considérant 2.a., Tribunal administratif de Neuchâtel du 25 juin 1999.

12 Notamment: SAMI ALDEEB, «Musulmans en terre européenne. Conflit entre foi et droit», PJA 1/96, p. 42-53.

13 J. BLOMMAERT et J. VERSCHEUREN, «Het Belgische migrantendebat: de pragmatiek van de abnormalisering», Anvers, 1992, p. 95, cité dans K. HANSON, «Sur la tête de Fatima», Journal du Droit des Jeunes, 1994, n° 139, p. 14-17.

14 SAMI ALDEEB, «Musulmans en terre européenne. Conflit entre foi et droit», PJA 1/96, p. 47.






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