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Défense des enfants international
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L'éducation et l'intégration sociale des mineurs prennent le pas sur les sanctions: Analyse de la future loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs
  
[ Bulletin DEI, Juni 2000 Band 6 Nr 2 S. I, II, III, IV ]

Par Laurence Naville, Avocate au barreau de Genève

Nous disposerons bientôt en Suisse d’une loi distincte concernant le droit pénal des mineurs, actuellement régi par les articles 82 à 99 du Code pénal. Comme nous l’avons mentionné dans le Bulletin suisse des droits de l’enfant (décembre 1999, Vol. 5, No 4) le Parlement a été saisi d’un projet de révision du Code pénal (partie générale et livre troisième), du Code pénal militaire et d’une nouvelle loi régissant la condition pénale des mineurs 1.

Ce projet de loi constitue un net progrès puisqu'il définit clairement et de manière uniforme le statut légal des enfants en conflit avec la loi pénale et incorpore les nouvelles exigences du droit international en la matière. Il permettra même à la Suisse de lever la réserve à l'article 37.c de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (séparation des mineurs et des adultes en détention).

Dans ce dossier, nous avons tenté d’analyser ses principales dispositions ainsi que les innovations qu’il contient. Les caractéristiques du projet de loi sont les suivantes:

• Le seuil de la responsabilité pénale est rehaussé de 7 à 10 ans.

• Des mesures de protection directement empruntées aux mesures du droit civil sont prévues, mesures qu’il faut clairement distinguer des peines.

• Le système des peines est élargi, assoupli et orienté vers des objectifs éducatifs. L’obligation de choisir entre une mesure et une peine est abandonnée; ainsi, une peine peut être accompagnée d’une mesure.

• Selon certaines conditions, une affaire peut déjà être classée au stade de l’instruction. Cela permet de parer aux conséquences excessives et préjudiciables d’une sanction, au regard de la protection et de l’éducation du mineur.

• En matière procédurale, les cantons doivent respecter certaines exigences concernant la privation de liberté des mineurs et le déroulement de la procédure.


A. PRINCIPES GÉNÉRAUX ET CHAMP D’APPLICATION (ART. 1 À 4)


Le projet de loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (ci-après «le projet de loi») réglemente les sanctions infligées aux délinquants mineurs âgés de moins de 18 ans, pour des actes punissables en vertu du code pénal ou d’une autre loi fédérale (art. 1). Il fixe également des principes de procédure; la procédure d’application de la nouvelle loi continuera à être régie par le droit cantonal (art. 124 Cst). Il énonce les idées maîtresses qui doivent présider tant à l’instruction d’une affaire qu’au prononcé de la sentence et à l’exécution de la peine: protection et éducation.

Une attention particulière est vouée à la vie et à l’environnement familial du mineur ainsi qu’au développement de sa personnalité. Les intervenants qui appliquent cette loi doivent disposer de compétences éducatives (art. 2).

Lorsque l’on doute de la faculté de l’enfant de reconnaître le caractère illicite d’une infraction, une réaction pénale paraît déplacée. C’est pourquoi, comme il a déjà été mentionné, la limite inférieure de la majorité pénale passe de 7 à 10 ans et la limite supérieure est maintenue à 18 ans. Si le délinquant est jugé pour des actes commis avant et après 18 ans, seul le Code pénal pour adultes entre en ligne de compte (art. 3). Si l’enfant en conflit avec la loi est âgé de moins de 10 ans, les représentants légaux sont avisés; des mesures peuvent être prises par l’autorité tutélaire ou un service de protection de la jeunesse (art. 4).


Le Code pénal des adultes reste applicable: c'est lui qui va continuer à définir non seulement les diverses infractions, mais encore les règles relatives à la fixation, l’exécution et la prescription de la peine.


B. LES MESURES DE PROTECTION (ART. 5 ET ART. 11 À 14)


Ces mesures, qui correspondent largement aux mesures protectrices du Code civil (art. 307 et ss.) peuvent être prises aussi bien à titre provisionnel au cours de l’instruction (par ex. mineur exposé à un grave danger) qu’au stade du jugement.

Elles remplacent les mesures éducatives du droit en vigueur (art. 84, 85, 91 et 92 Code pénal) et sont autonomes par rapport à celles du droit civil; les autorités civiles n’ont pas le pouvoir de les ordonner et de les exécuter. Une collaboration est cependant prévue entre l’autorité civile et l’autorité pénale (art. 19).

Avant de se prononcer sur une mesure (ou peine), l’autorité doit enquêter sur la vie du mineur (environnement familial, éducatif, scolaire). Rappelons qu’elle a aussi la possibilité de classer l’affaire (art. 7). En cas de doute sur la santé physique ou psychique du mineur, une expertise médicale ou psychologique peut être ordonnée (art. 8).

Ces mesures ont un impact plus ou moins grand sur l'exercice des droits parentaux et sur la liberté des mineurs. Elles sont de quatre ordres:


• La surveillance: si les détenteurs de l’autorité parentale prennent les mesures nécessaires, l’autorité de jugement nomme uniquement une personne ou un service compétent qui aura un droit de regard et d’information sur l’éducation du mineur (art. 11).


• L’assistance personnelle: cette mesure correspond à la curatelle prévue par l’article 308 du Code civil et limite l'autorité parentale, notamment en rapport avec l'éducation, le traitement, la formation du mineur et, le cas échéant, la gestion de ses revenus professionnels (art. 12 ).


• Le traitement ambulatoire: il peut être décidé en cas de troubles psychiques, de troubles du développement de la personnalité ou dus à une dépendance à l’alcool ou aux stupéfiants (art. 13).


• Le placement: mesure de dernier recours, elle implique le placement du mineur chez des particuliers, dans un établissement d’éducation ou de traitement ou excep-tionnellement dans un établissement fermé en cas de troubles psychiques graves ou de menace pour des tiers. Dans ce cas, une expertise médicale s'impose (art. 14 al. 3). Pendant la durée du placement, le mineur peut continuer à entretenir des relations personnelles avec sa famille (art. 15 al. 1).


Le problème de la mesure disciplinaire que constitue l’isolement du mineur des autres pensionnaires de l’établissement (art. 15 al. 2) n’a malheureusement pas été résolu de manière satisfaisante lors des discussions sur l’avant-projet 2. Cet isolement, qui peut s’étendre sur une période de 7 jours au maximum, est contraire aux «Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté» et va à notre avis à l’encontre des objectifs de la nouvelle loi.


C. EXÉCUTION DES MESURES DE PROTECTION EN GÉNÉRAL


Le rôle de l’autorité d’exécution est multiple: décider qui exécutera le traitement ambulatoire ou le placement, surveiller l’application des mesures, veiller à la formation et à l’instruction du mineur, modifier la mesure, examiner chaque année si la mesure peut être levée (art. 16, 17 et 18). Le mineur (ou son représentant légal) peut requérir lui-même un changement de mesure (art. 17 al. 2).


D. LA DÉTENTION AVANT JUGEMENT (ART. 6)


La détention avant jugement n’est ordonnée qu’en dernier ressort (risque de fuite, de collusion ou de récidive). De l’avis général, elle a des répercussions négatives sur l’évolution du mineur et peut entraîner des dommages de nature psychique. La législation cantonale fixe les motifs autorisant cette détention, mais des règles minimales ont été prévues par le projet de loi: elle devra être exécutée dans un lieu séparé des adultes et une prise en charge appropriée sera assurée. Si elle se prolonge au-delà de 14 jours, ou que le mineur a moins de 15 ans, elle sera exécutée dans un établissement spécialisé. L’instruction doit être menée avec «diligence», donc accélérée.


E. LES PEINES (ART. 20 À 34)


Il est désormais explicite que la condamnation à une peine présuppose une faute du délinquant mineur, ce qui n’est pas le cas pour l’imposition d’une mesure. Prononcées par l’autorité de jugement, suite à un verdict de culpabilité, les peines vont de la plus légère: la réprimande, à la plus sévère: la privation de liberté de quatre ans maximum (un an dans le droit actuel). A certaines conditions, une exemption de peine est possible, notamment si la peine compromet l’objectif visé par une mesure déjà ordonnée (art. 20).


• La réprimande: si l’autorité de jugement présume qu’elle aura un effet dissuasif et si l’infraction est mineure, elle est prononcée sous forme de réprobation formelle (art. 21).


• La prestation personnelle: elle est l’équivalent de l’astreinte au travail du droit en vigueur (art. 87 et 95 Code pénal). Le projet précise sa nature, sa durée et les conséquences de sa non-exécution. Non rémunérée, elle sera adaptée à l’âge et aux capacités du mineur; elle est réalisée en faveur de la collectivité ou dans l’intérêt de la victime (travail dans un hôpital, réparation des dégâts causés). Une participation à des cours peut être envisagée (éducation routière, éducation à la santé) (art. 22).


• L’amende: seul un mineur âgé de 15 ans révolus peut être astreint à une amende dont le montant maximum est fixé à 2000 francs. Son non-paiement entraîne une privation de liber- té de 30 jours au plus (art. 23).


• La privation de liberté: la privation de liberté doit être prononcée à titre exceptionnel pour les mineurs de plus de quinze ans au moment des faits et dans l’hypothèse où aucune autre peine ne serait applicable. Les statistiques montrent que, dans huit cas sur dix, cette peine est assortie du sursis; elle a donc essentiellement un pouvoir dissuasif.

La durée maximale diffère selon l’âge du mineur: un an pour un mineur âgé de 15 ans et quatre ans pour un mineur de seize ans, s’il a commis des infractions particulièrement graves (par ex. meurtre, viol, assassinat, brigandage).

Le projet adopte le système du dualisme judiciaire, ce qui signifie que le prononcé d’une mesure de protection n’exclut pas celui d’une peine; il reconnaît en cela que la mesure et la peine remplissent des fonctions complémentaires.

Mentionnons que la peine peut être exécutée sous forme de semi détention et qu’elle doit être purgée dans un établissement qui offre au mineur une prise en charge éducative (formation complète et possibilité d’activité lucrative; art. 26). Une libération conditionnelle est possible, assortie d’un délai d’épreuve (art. 28, 29, 30). Un sursis à l’exécution de la peine n’est possible que si la peine prononcée ne dépasse pas 30 mois (art. 34).


F. PROCÉDURE, DÉFENSE ET VOIES DE RECOURS (ART. 38, 39 ET 40)


L’article 38 prévoit que les cantons légifèrent en matière de procédure pénale, sous réserve des principes énoncés par l’article 2, notamment la protection et l’éducation du mineur. La procédure se déroule à huis clos et les débats sont publics si l’intérêt public le commande ou si l’intéressé (ou son représentant légal) le demande. Le mineur doit être entendu personnellement.

En matière de défense et d’assistance, le projet apporte des améliorations sensibles: l’article 39 consacre le droit pour le mineur ou son représentant légal de faire appel en tout temps à un défenseur, aussi bien lors de l’instruction que lors du jugement. En outre, un défenseur d’office est commis par l’autorité si elle estime que le mineur ou ses représentants légaux ne sont pas en mesure d'assurer eux-mêmes la défense (art. 39 al. 2).

L’article 40, relatif aux voies de re-cours, permet au mineur lui-même (ou à son représentant légal) d’attaquer auprès d’une instance judiciaire cantonale les jugements ou décisions prononcés.


G. RELATIONS ET HARMONIE DU PROJET AVEC LE DROIT INTERNATIONAL


Le Conseil fédéral souligne dans son Message 3 qu’un effort général a été entrepris pour tenir compte des engagements internationaux de notre pays, notamment des principes posés dans la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) en matière de privation de liberté des mineurs. A ce jour, l’adhésion de la Suisse au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 19664 (ci-après le Pacte) et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (ci-après CDE) a nécessité la formulation de réserves dont certaines pourraient être levées, suite à l’adoption du projet de loi.

Ces engagements portent sur les points suivants:


1. Les exigences de la CEDH en matière de privation de liberté et de voies de recours (art. 5 CEDH)


Toute privation de liberté qui se veut conforme à la CEDH doit remplir les conditions de son article 5.1.d qui autorise «la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente» .

La CEDH habilite aussi bien une autorité judiciaire qu’une autorité administrative à ordonner la détention d’un mineur. L’article 5 du projet de loi — qui prévoit que cette détention peut être ordonnée à titre de mesure de protection provisionnelle, y compris un placement en établissement fermé, par l’autorité d’instruction et non pas par l’autorité de jugement — est donc conforme à la CEDH.

L’article 5.4 CEDH accorde aussi au mineur ou à son représentant légal la possibilité de recourir devant un tribunal pour qu’il statue à bref délai sur la légalité de cette détention. L’article 40 du projet qui oblige les cantons à instituer une voie de recours auprès d’une instance judiciaire satisfait à ces exigences. En outre, en cas de détention préventive prolongée (art. 6), ou de mesures privatives de liberté d’une durée non définie, l’article 17 al. 2 du projet de loi permet au mineur de demander la modification de la mesure de protection (par exemple un placement en milieu fermé), sa suppression ou son remplacement par une autre mesure.


2. Les impératifs de la CDE et du Pacte en matière de détention des mineurs


La séparation entre détenus adultes et mineurs n’est actuellement pas garantie en Suisse de manière absolue, ni au stade de la détention avant jugement, ni à celui de l’exécution d’une peine ou d’une mesure; en effet, les procédures pénales cantonales ne prescrivent pas et, le cas échéant, ne respectent pas toutes ce principe. A Genève, en particulier, un rapport publié en 1999 par GEODE5 dénonce la présence croissante de mineurs dans les prisons pour adultes et l’inadéquation de cette situation avec les normes internationales.

La Suisse a émis deux réserves à ce sujet: la première porte sur l’article 10.2.b du Pacte, garantissant la séparation entre jeunes prévenus et prévenus adultes; la seconde touche l’article 37.c, CDE qui prévoit en particulier que «tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant…». Un retrait de ces réserves pourra être envisagé; le projet prescrit en effet que la privation de liberté doit être exécutée dans des établissements destinés à accueillir uniquement des mineurs. Ceux-ci doivent obligatoirement être séparés des détenus adultes à tous les stades de la détention (art. 6 al.2; art. 14 al.1; art. 26 al.2). Pour réaliser cet objectif et construire les établissements nécessaires, les cantons disposent d’un délai de 10 ans (art. 47).


3. Le droit inconditionnel à une assistance juridique ou à toute assistance appropriée


Ce droit n’est pas encore entièrement garanti par la Suisse qui a formulé une réserve à l’égard de l’article 40.2.b.ii CDE, qui instaure le droit du mineur à bénéficier d’une assistance juridique. Le futur article 39 ne répondra que partiellement à ces exigences: en effet, le droit à un défenseur d’office dans tous les cas n’est pas assuré (voir lettre F).


4. Le droit du mineur à un tribunal impartial et indépendant


La réserve portant sur l’article 40.2. b.iii CDE, instaurant le droit d’avoir sa cause entendue sans retard par un tribunal indépendant et impartial est plus problématique. Selon le Conseil fédéral6, la séparation sur le plan personnel et organisationnel des juridictions d’instruction et des juridictions de jugement ne correspond pas à la conception suisse traditionnelle de la procédure pénale des mineurs. Il est vrai que de nombreux cantons, comme le canton de Genève, appliquent le système de l’union personnelle au niveau des autorités d’instruction et de jugement. Curieusement, ce système, qui est également incompatible avec l’article 6.1 CEDH, n’a pas encore été mis en cause par les organes européens.

En conclusion, ce projet de loi répond en partie aux préoccupations et raisons qui ont motivé son élaboration: élévation du seuil de la responsabilité pénale; réponse à l’augmentation des infractions graves commises par des mineurs; possibilité de combiner une mesure de protection et une peine et création de garanties minimales portant sur les voies de recours et l’assistance juridique pour les mineurs. Des améliorations devraient encore être apportées en matière d’assistance juridique et d’accès à un tribunal impartial et indépendant.

1 Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse, du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, in Feuille fédérale, 1999, pp. 1787 et ss. Voir également Bulletin suisse des droits de l’enfant, vol. 2, n° 1/2, février 1996.

2 cf. Bulletin suisse des droits de l’enfant, vol. 2, n° 1/2, page 4.

3 Message, pp. 214 et ss. et 295 et ss.

4 Recueil systématique 0.103.2

5 Groupe d’Etude et d’Observation des Droits de l’Enfant, «Droits de l’enfant en prison. La situation des mineur(e)s détenu(e)s à Genève», Cahiers des droits de l’enfant, vol. 6, 1999. Voir aussi le Dossier du Bulletin suisse des droits de l'enfant, Vol. 5, n° 1/2.

6 Message, p. 297.






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