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Défense des enfants international
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La réalité suisse en matière d’accueil de la petite enfance : un décalage entre les principes et les faits
  
[ Bulletin DEI, Dezember 2003 Band 9 Nr 4 S. 14, 15, 16 ]

Par Gil Meyer et Annelyse Spack

Ecole d’Etude Sociales et Pédagogiques, Lausanne

L’éducation de l’enfant en âge préscolaire relève-t-elle exclusivement de la sphère familiale? Les psychologues ont des avis contrastés, les représentants des milieux politiques ou économiques aussi, les commentaires scientifiques et idéologiques varient: le débat demeure vif. Nous n’entrerons pas dans cette polémique, mais nous mettrons l’accent sur l’évidence sociologique: les structures de garde ne sont plus guère assimilées à des institutions à vocation caritative destinées aux familles en détresse; elles se sont banalisées et sont désormais «prises au sérieux». D’abord parce que les travaux des psychologues ont permis de comprendre que le petit enfant est un être doté de compétences qu’il s’agit de stimuler grâce à un environnement adéquat. Ensuite, parce que de plus en plus de femmes professionnellement actives le demeurent après la naissance de leur enfant, soit par nécessité financière, soit par choix personnel ou encore pour valoriser leur formation. La question de la prise en charge extra-familiale se pose donc de manière accrue.

Le monde politique a également commencé à prendre la question de l’accueil du jeune enfant au sérieux. Pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de l’Ordonnance de 1977 régissant le placement d’enfants, la Confédération s’est penchée sur la question et le Parlement a voté, en 2002, un programme d’impulsion dit des «100 millions» pour lutter contre la pénurie de places d’accueil pour la petite enfance. Ce programme est destiné à favoriser la création ou le développement de structures d’accueil. Malheureusement, les restrictions budgétaires fédérales actuelles risquent d’aboutir à une diminution du montant total alloué. Ce programme d’impulsion pose l’exigence d’un accueil de qualité, une qualité que les experts s’accordent à définir par des critères tels que le taux d’encadrement, la formation et les conditions de travail du personnel éducatif, et les caractéristiques de l’environnement proposé par la structure éducative 1. Voici pour les principes. Examinons quelques faits.

Des législations cantonales découlant de l’application de l’Ordonnance fédérale de 1977 sont désormais en vigueur. Certaines sont récentes, comme celles des cantons de Fribourg, du Jura ou du Valais et d’autres, comme celles des cantons de Genève et de Vaud, sont en voie de réactualisation et d’adaptation, notamment face à l’accroissement de la demande. Ces législations imposent, entre autres, aux communes de dresser un état des lieux en matière de besoins de placement, ou encouragent, par le biais de subventions des salaires notamment, le recrutement d’un personnel qualifié (sans pour autant que la nature de la qualification soit toujours explicitée).

Dans les faits, faut-il le rappeler, la Suisse ne s’est pas dotée d’une politique sociale et familiale concertée. Affaire de fédéralisme sans doute. Cela n’est pas sans conséquences sur le plan des institutions destinées à la petite enfance. Bien souvent, les structures de garde existantes ont vu le jour et se maintiennent avec l’appui des autorités compétentes, mais aussi souvent grâce à l’engagement de personnes privées.

Il prévaut, en toile de fond, une situation de pénurie: pénurie de places d’accueil et pénurie de personnel qualifié. En dépit d’un effort considérable consenti par certaines villes romandes, comme Genève ou Lausanne, la pénurie de places d’accueil concerne plus particulièrement les enfants de moins de deux ans, pour qui les critères d’encadrement sont plus contraignants. La pénurie de personnel qualifié s’explique, du moins en Suisse romande, par une capacité de formation insuffisante des écoles professionnelles délivrant un titre reconnu (la demande en formation est pourtant pressante: nombre de jeunes souhaitent s’orienter vers le métier d’éducateur de la petite enfance) et aussi par des salaires peu convaincants comparés à d’autres secteurs de l’éducation.

Il faut également relever que de profondes disparités existent en Suisse en matière de développement des institutions pour la petite enfance. On ne saurait en expliquer l’origine uniquement par les situations financières des collectivités publiques ou par une masse critique suffisante en termes de population résidente. Les facteurs sont autres et nous en dressons ici une liste non exhaustive :

•Les régions centrales sont mieux équipées que les régions périphériques, de même que les grandes villes par rapport aux plus petites. On ne s’en étonnera pas. Mais il faut avoir à l’esprit que nombre de familles, pour des raisons de confort de vie, s’établissent dans des petites communes. A cet égard, il faut relever que le mode de calcul des pensions prétérite les familles qui ne résident pas dans la commune d’implantation de la crèche-garderie;

•Le mode de financement des institutions est fortement variable;

•Les prestations horaires des institutions sont également variables;

•Le niveau objectif de formation du personnel éducatif est plus élevé en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. La politique de recrutement de personnel qualifié varie d’un canton à l’autre, d’une commune à l’autre, voire d’un comité à l’autre pour ce qui est des institutions privées subventionnées.

Il reste donc encore beaucoup à mettre en œuvre pour passer des principes aux faits. En particulier, il importe de mieux connaître la situation et les besoins en matière de structures pour la petite enfance, connaissance qui reste pour l’instant lacunaire :

•Il serait nécessaire de procéder à un relevé systématique du rapport entre l’offre et la demande de placement, comme celui réalisé à Genève par l’observatoire de la petite enfance. Mais cette initiative exige des instruments et des moyens adéquats.

•Il faudrait procéder à une classification raisonnée des lieux d’accueil. Jusqu’à maintenant, la prolifération des dénominations est source de confusion: au gré des cantons romands, il est question de «crèche», de «garderie», de «crèche-garderie», de «jardin d’enfants», de «halte-garderie», d’«espace de vie enfantine», de «centre de vie enfantine», de «halte-jeux», etc.! Une tentative de clarification a déjà été tentée 2. Elle divise les institutions en deux catégories: les institutions dites à «temps d’ouverture élargi» (TOE), dont les prestations horaires correspondent à la journée (avec repas de midi), à la semaine et à l’année de travail de l’adulte, et auxquelles viennent s’adjoindre les réseaux de mamans de jour; et les autres institutions, dites à «temps d’ouverture restreint» (TOR). Cette catégorisation a eu un certain écho auprès des diverses autorités cantonales romandes compétentes, puisque la plupart d’entre elles l’ont adoptée et répercutée dans leur documentation. Toutefois, les critères définissant ce qui relève du TOE restent fluctuants selon tel ou tel canton.

Certes, le maintien et le développement de structures d’accueil sont onéreux: il faut compter en moyenne plus de 100 francs par jour plein et par enfant dans une structure de garde. Mais outre le fait que le droit à un accueil de qualité mérite d’être considéré et qu’il est revendiqué par nombre de familles (cf. Richard-De Paolis et al., op. cit.), des études économétriques menées à Zürich et prenant quelques exemples de crèches en Suisse romande, ont montré que «la crèche est rentable, c’est son absence qui coûte» 3.Ces études affirment, calculs de coûts et bénéfices à l’appui, que c’est l’ensemble de la collectivité y compris les pouvoirs publics, et pas seulement les familles ou le personnel éducatif concernés, qui tirent profit des investissements consacrés aux crèches-garderies.

Le «droit de l’enfant» à un accueil socio-éducatif de qualité n’est donc pas seulement une affaire de volontarisme ou de bons sentiments; il implique des décisions politiques, qui passent par une meilleure connaissance des modes de vie des familles.

1. Voir par exemple les recommandations formulées par l’étude comparative internationale menée par l’OCDE, (2001), Petite enfance, grands défis: Education et structures d’accueil, Paris, OCDE. Pour la situation en Suisse, voir notre enquête, Meyer, G., Spack, A. et Schenk, S. (2002), Politique de l’éducation préscolaire et de l’accueil socioéducatif de la petite enfance, Lausanne, Cahiers de l’EESP N°33.

2. Voir Richard-De Paolis, P. et al. (1995), Petite enfance en Suisse romande,Lausanne, Réalités sociales.

3. Voir Mackenzie Oth, L. (2002), La crèche est rentable, c’est son absence qui coûte, Genève, Conférence latine des déléguées à l’égalité.






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