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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Compte rendu de la Conférence Internationale de L’Observatoire International de Justice Juvénile
La justice juvénile en Europe : un cadre pour l’intégration
Par Marie CHARLES* et Gwennaëlle DE GOLS**

  
[ Bulletin DEI, Dezember 2006 Band 12 Nr 4 S.5 ]


La délinquance juvénile et la justice des mineurs sont des questions au cœur du débat dans notre société. Elles suscitent une grande préoccupation au sein des institutions et des citoyens européens, allant souvent au delà du domaine de compétence des Etats.

Les mineurs en conflits avec la loi en Europe ont donc été au centre des préoccupations ces 24 et 25 octobre derniers lors d'une conférence internationale organisée par l'Observatoire International de Justice Juvénile -OIJJ-, organisme appartenant à la Fondation Diagrama. L'Observatoire tente, depuis sa création, de rendre l'opinion publique plus informée, plus consciente et plus exigeante concernant les droits de ces mineurs.

L'Observatoire International de Justice Juvénile

Créé en 2003, l’Observatoire International de Justice Juvénile s'est donné pour objectif principal de promouvoir une justice juvénile sans frontière, ayant pour référence la Convention des droits de l’enfant adoptée en 1989 par les Nations Unies et les Règles de Beijing concernant l’administration de la justice pour les mineurs, approuvées en 1985.

Sa mission est d'apporter une vision internationale et interdisciplinaire de la justice juvénile et de stimuler à travers celle-ci la connaissance ainsi que le développement international de politiques, de législations et de méthodes d'intervention adéquates. L’OIJJ a donc pour but de contribuer à l’avancée et à l’amélioration des législations nationales ainsi que de favoriser le développement de nouveaux programmes d’intervention éducative et de recherche relatives aux mineurs en risque d’exclusion sociale.

A cette fin, l’OIJJ organise tous les deux ans une Conférence Internationale pour permettre la rencontre de professionnels, de membres d’organismes publics et d’institutions ainsi que d’universitaires poursuivant le même objectif, celui de développer une justice juvénile globale. Les conférences sont un lieu privilégié d'analyse et d'échange de connaissances et d'expériences sur la législation, sur les modèles d'intervention et sur les recherches liées à la problématique de la délinquance juvénile.

Dans le but de poursuivre les avancées obtenues à la première Conférence de l’OIJJ (Salamanque 2004), un avis sur « La prévention de la délinquance juvénile, les modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs dans l’Union européenne » a été présenté au Comité Economique et Social Européen. Son projet a été adopté le 15 mars 2006. Celui-ci défend un modèle de justice réparatrice et conclut notamment à la nécessité d’élaborer des normes et des orientations communes afin de progresser dans l’application des normes des Nations Unies.

« La justice juvénile en Europe : un cadre pour l’intégration »

Le thème de cette deuxième édition « La justice juvénile en Europe : un cadre pour l’intégration » est né de la volonté de promouvoir une réflexion sur l’harmonisation des législations, ainsi que sur la création de lignes d’action communes en terme de politique de prévention, d’insertion et d’approche de la délinquance juvénile.

L'analyse s'est centrée sur 4 axes principaux : les stratégies de prévention de la délinquance juvénile; le système de justice juvénile et les possibles améliorations; les nouvelles approches des délinquants en institution; l'intégration et l'accompagnement.

Le président de l’OIJJ, Monsieur Francisco Legaz, a ouvert la conférence en faisant part de son questionnement relatif au durcissement actuel des sanctions appliquées aux mineurs en Europe. Poussés par un motif sécuritaire, les gouvernements se crispent face à la délinquance juvénile en augmentant les mesures d’enfermement et en développant des infrastructures en opposition avec les principes réductionnistes prônés il y a vingt ans. Au niveau des politiques publiques également, il existe un profond décalage entre l’intention et la pratique. On cède à la pression de l’urgence, au lieu de porter l’attention nécessaire aux besoins réels et aux réalités de travail. Monsieur Legaz note que face à l’inquiétude sociale actuelle, il est l’heure de transmettre un message d’espérance à ces jeunes en conflit avec la loi.

Au cours des débats, l’accent a été mis à plusieurs reprises sur l’influence des médias. Des faits divers emblématiques viennent influencer la transformation de la législation et l'on assiste à une sorte de "populisme pénal".
Les médias véhiculent à outrance une image de la société dans laquelle la violence juvénile serait en forte augmentation. Selon de nombreux intervenants, cela ne correspond néanmoins pas à la réalité (citons Dr. Josine Junger-Tas, Prof. Dr. Rod Morgan,…). Les réactions des autorités face aux actes délictueux des jeunes apparaissent disproportionnées. Les jeunes sont de plus en plus condamnés pour des délits mineurs. Le terme de « comportement anti-social » vient se substituer à celui de « criminalité ».

Nous traversons actuellement une période de transition entre le modèle éducatif du bien-être et celui néo-libéral davantage punitif. La remise en cause du modèle "welfare" est liée à celle de l’Etat social. L’Etat se dégage de sa responsabilité dans un certain nombre de domaines. La responsabilité individuelle doit faire face aux aléas de la vie. La société ne doit plus prendre en charge les causes collectives des déviances individuelles, mais uniquement ses effets. La priorité de l’Etat est, aujourd'hui, de garantir la sécurité des biens et des personnes et non la réhabilitation ou la diminution des inégalités. Les politiques de prévention sont dites de réduction des risques et la dialectique de la responsabilité - responsabilité individuelle du mineur face à l’acte délinquant et responsabilité collective du point de vue de l’éducation et des conditions de vie du jeune - ne fonctionne plus. On ne met plus en avant que la responsabilité du mineur.
A l’exception de l’Italie, l’attention jadis centrée sur l’intégration de l’enfant se transforme en une intolérance sociale par rapport au mineur perçu comme un problème social, une figure à risque.

Cette transition s’observe également au niveau des sanctions. Par la mise en place croissante de mesures réparatrices et de médiation, toute l’attention est centrée sur le mineur. Il devient alors le gestionnaire responsable de sa propre trajectoire. La société se désinvestit aujourd'hui de son rôle de surveillance, celle-ci devant dorénavant incomber aux familles et aux communautés ethniques considérées comme responsables de la délinquance juvénile de leurs membres.

La question de l'enfermement des mineurs

On constate actuellement une nette tendance à un durcissement des mesures prévues par les gouvernements. En cause, le nouveau règne du sentiment d'impunité. Les effets dommageables des « boot camps » (camps « para commando »), où l’accent est mis sur la dissuasion pour éviter la récidive, répandus aux Etats-Unis, ainsi que de l’usage de l’enfermement comme choc carcéral court ont été constatés. Ces pratiques, répondant d’avantage à une réaction sociale en chaîne dictée par l'opinion publique, semblent se solder, au contraire, par une recrudescence de la criminalité.

Peut-on traiter sans pénaliser le mineur ?

De récentes études au Royaume-Uni ont démontré que les interventions moins punitives donnaient de meilleurs résultats. Lorsque les jeunes peuvent être confrontés aux conséquences directes de leurs actes, ils ont plus de chance de ne pas récidiver.

Les détenus sont souvent originaires des fractions les plus pauvres de la population et en échec scolaire. C’est pourquoi il faut agir au niveau de la famille du jeune, du voisinage, de l’école,…. Il faut également privilégier les centres ouverts et les interventions pré-judiciaires qui permettent, notamment, de maintenir le jeune dans un environnement scolaire.

Dans les centres fermés, l’axe fondamental de la réinsertion doit être renforcé. Il faut y développer d’avantage l’apprentissage scolaire et professionnel ainsi que le projet de sortie progressive du jeune (réinsertion - réintégration - réinstallation). Rappelons que la discipline ne consiste pas en un instrument de l’institution mais bien d’apprentissage du jeune au droit.

La prévention doit dès lors s'axer sur un travail d'éducation. Il est primordial de travailler pour et non contre les jeunes. Ceci nécessite des personnes ressources au quotidien, dans une pratique multidisciplinaire, armées d’une formation de qualité.

Une intervention originale a été proposée par le Dr. Bruce Abramson, consultant en justice juvénile suisse. Il soulève une marginalisation dont seraient victimes les garçons, contrairement à leurs homologues féminins, dans les politiques de prévention actuelles. Celles-ci ne pourront être effectives que par la mise en exergue des éléments présents dans la vie des garçons étant à l’origine de leur sur-représentation dans les lieux de détention.

Les centre fermés ne doivent pas servir de "fourre tout". Le mélange entre les mineurs étrangers non accompagnés, les mineurs en danger et les personnes souffrant de troubles psychiatriques est à proscrire. Il risque en effet d'exacerber l'identité du jeune comme criminel.

Ces propos ont été nuancés par M. Philippe Million, Directeur Général du Service de la Ville de Colombes en France. Ce dernier réaffirme l’augmentation de la délinquance juvénile. Le renforcement des sanctions lui paraît inévitable, l’avertissement étant selon lui dépourvu d’effet.

Vers des règles minimales communes au sein du Conseil de l’Europe ?

M. Frieder Duenkel, Professeur de Criminologie de l’Université de Greifswald en Allemagne, nous a éclairé sur les travaux en cours. Il existe un projet de ‘Standards minima Européens pour mineurs privés de liberté et mineurs soumis à des sanctions en milieu ouvert’. Son contenu n’en est qu’au stade des réflexions. Celui-ci se diviserait en deux parties :

1. Privation de liberté :
La philosophie sera celle de l’intégration sociale, de la formation et de l’éducation. Les sanctions auront pour objectifs la réparation et la dissuasion. On retrouvera parmi les principes de base ceux de l’intérêt de l’enfant et de la proportionnalité.
La privation de liberté y sera définie de manière très large. Elle devra être prononcée en dernier recours et être aussi brève que possible. Le régime de l’incarcération évitera d’aggraver la souffrance inhérente à la privation de liberté.
La réinsertion et la réhabilitation devront être les axes centraux de la privation de liberté. Selon les experts travaillant actuellement sur le projet, il n’existe pas d’opposition entre la sécurité qui doit être assurée à tous par l’Etat et le principe de réhabilitation du jeune détenu.

2. Sanctions de la communauté.
Dans ce domaine, il est nécessaire d’aboutir à une stratégie claire qui ne nuise pas aux droits de l’Homme. Plusieurs principes sont à respecter, notamment la présomption d’innocence (le consentement du mineur doit être central) ; l’interdiction du travail forcé ; le consentement des parents dans certains cas ; la proportionnalité ; l’interdiction d’humiliation des jeunes délinquants ; l’interdiction de suivis particulièrement envahissants ; la possibilité d’appel.

Quelques inquiétudes ont été émises concernant les sanctions restauratrices : Quid des personnes les plus défavorisées avec lesquelles la communication s’avère plus difficile ? Existe-t-il un risque d’aspiration des plus vulnérables vers les sanctions les plus sévères ?

En guise de conclusion

Le but de ces deux journées fut de tenter la mise en place de nouvelles réponses à l'échelle européenne en privilégiant une coordination interinstitutionnelle, en vue de développer une politique commune de prévention de la délinquance juvénile et d'élaborer un guide de bonnes pratiques facilitant une mise en pratique uniforme en Europe.

Si l'on peut en retirer l'enseignement qu'un recours minimum à l'intervention judiciaire est nécessaire, les mesures de faible intensité ayant fait leurs preuves, tous s'accordent à clamer la nécessité d'une stratégie d'intervention commune entre les pays.

Diverses réflexions et pratiques spécifiques à certains Etats, régions et institutions ont également été présentées. Ces quelques réflexions ne relatent pas l’ensemble du contenu de la Conférence, celle-ci ayant été structurée en séance plénière ainsi qu’en divers ateliers auxquels nous n'avons pu participer que partiellement.

* Juriste, bénévole au sein de DEI-Belgique
** Etudiante en Criminologie ; stagiaire au Service droit des jeunes de Bruxelles







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