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Défense des enfants international
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La situation des mineurs non accompagnés en Suisse

Par Martine Lachat Clerc *

  
[ Bulletin DEI, März 2007 Band 13 Nr 1 S.I ]


I. Le contexte de la migration



Le 24 septembre 2006, le peuple suisse se prononçait en faveur de la nouvelle loi sur les étrangers et de la révision de la loi sur l’asile. Par ce double oui, la politique migratoire de notre pays est devenue l’une des plus restrictives d’Europe. Ce durcissement crée, à notre avis, une multitude de migrants illégaux, vivant dans des conditions précaires, privés de droits et de protection tant juridique que sociale, et donc exploitables à merci. De plus, les enfants ne bénéficient d’aucun cadre légal favorable. Dans ces circonstances, il est nécessaire de se questionner sur la place de la protection et du respect des droits de l’enfant dans notre pays.

II. La notion de Mineurs non accompagnés (MNA)


1. La définition


En Suisse, est mineur « quiconque n’a pas atteint 18 ans révolu »(1), et est considéré comme non accompagné, le mineur « qui n’est pas accompagné par son représentant légal et dont le représentant légal ne se trouve pas en Suisse »(2) Bien que certains d’entre eux semblent « accompagnés » lorsqu’ils arrivent dans notre pays, les adultes qui sont avec eux ne sont pas nécessairement en mesure d’assumer leurs responsabilités.

2. Les raisons et les moyens de la migration des MNA


La population des MNA est très diversifiée. Certains tentent de fuir des situations de violence dans leur pays. D’autres viennent tenter leur chance en Europe et espèrent pouvoir envoyer de l’argent à la famille restée au pays. Dans certains cas, les MNA viennent en Suisse avec l’envie précise de suivre des études, espérant ainsi obtenir un statut dans la société. Il arrive aussi que des enfants soient victimes de trafic ou d’exploitation.(3)

Certains MNA sont invités par des membres de leur famille ou par des proches vivant en Suisse et y entrent généralement avec un visa de touriste. D’autres arrivent par le biais de « passeurs» qui, moyennant rémunération, apportent leur concours pour franchir les frontières. Quant aux victimes de trafic, elles sont introduites en Suisse de manière légale ou illégale et sont ensuite mises en situation de dépendance et exploitées.(4)

Les motivations de ces jeunes migrants répondent à des besoins difficilement comparables. Toute réponse politique à ce phénomène devrait tenir compte de ces différences. La seule procédure d’asile ne permet donc pas de couvrir toutes ces particularités.

II. Le séjour des MNA en Suisse


1. L’asile ou la clandestinité


Bien que certains mineurs aient vraiment besoin d’une protection au sens du droit d’asile(5), d’autres cherchent simplement un moyen de rester légalement dans le pays en abusant de ce droit, puisqu’aucun autre choix légal ne s’offre à eux. En effet, les MNA qui arrivent en Suisse ne bénéficient que de deux possibilités : l’asile ou la clandestinité. Comme l’obtention du statut de réfugié est toujours plus difficile à acquérir en Suisse, beaucoup de MNA ne demandent pas l’asile ou disparaissent lorsqu’ils comprennent que la procédure dans laquelle ils se sont engagés ne les aidera pas. Les statistiques démontrent une nette diminution des demandes d’asile. Mais ces chiffres ne sont pas représentatifs de la réelle situation sur le terrain. Si les étrangers ont renoncé à demander l’asile, ils n’ont pas pour autant renoncé à la migration.(6)


2. La prise en charge des mineurs non accompagnés en Suisse


a. La protection


Lorsqu’un MNA est attribué à un canton, ce dernier doit ordonner des mesures tutélaires conformément au Code Civil.(9) La nomination d’une personne de confiance est subsidiaire et transitoire.(10)Bien que la jurisprudence de la Commission de recours en matière d’asile(11) définisse cette dernière comme la personne chargée de soutenir le mineur pour les questions administratives et organisationnelles et de l’accompagner tout au long de la procédure d’asile, son rôle exact reste vague. Les cantons sont ainsi libres d’interpréter ces normes à leur façon et nous constatons de nombreuses disparités à travers la Suisse. La mise en place des mesures tutélaires n’est pas systématique partout, ce qui est contraire au principe de la non-discrimination.(12)

b. L’assistance


Les cantons peuvent placer les MNA dans des familles d’accueil, ce qui se fait en général pour les plus jeunes d’entre eux, dans des institutions spécialisées ou dans des centres pour requérants d’asile. Chaque canton ne bénéficie pas de structure particulière et parfois, les situations dans lesquelles sont laissés ces jeunes migrants sont alarmantes et non-conformes à la CDE(13). Dans certains cantons, les MNA sont logés avec des adultes et il arrive parfois qu’ils partagent le même dortoir.

En Suisse, les requérants d’asile, les personnes admises à titre provisoire, les personnes à protéger et les réfugiés reçoivent l’aide sociale.(14)C’est-à-dire qu’ils touchent un minimum vital d’existence et sont assurés en cas de maladie. Les requérants déboutés et ceux qui ont fait l’objet d’une non-entrée en matière, quant à eux, reçoivent une assistance réduite au minimum, appelée aide d’urgence, selon l’art. 12 de la Constitution fédérale (Cst).(15) À ce sujet, l’Office Fédéral de la Justice estime qu’il y a lieu d’apprécier, en fonction des circonstances, si les prestations visées à l’art. 12 Cst. Garantissent à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être exigés par la CDE ou si des mesures de soutien complémentaires s’imposent. (16)À notre avis, les prestations de l’aide d’urgence sont de toute façon insuffisantes. Elles ne correspondent pas aux exigences de la CDE.(17) Il ne s’agit pas d’apprécier chaque cas en particulier, mais plutôt de prévoir systématiquement des prestations complémentaires pour les enfants concernés.(18) La Confédération devrait édicter des directives claires à ce sujet, afin que les MNA ne soient pas soumis à des régimes complètement différents dus aux divergences d’appréciation de chaque canton.

c. La formation


L’éducation, de manière globale, est de la compétence des cantons(19). Dans tous les cantons, l’école est obligatoire jusqu’à 15 ans au moins, y compris pour les MNA(20). En général, ces derniers sont intégrés au système scolaire primaire et secondaire ou, si cela n’est pas possible, sont placés dans des classes d’intégration. La formation des MNA n’est pas toujours adaptée à leur âge, leur maturité ou leur niveau de scolarité et elle est parfois source d’instabilité. Il arrive aussi que des mineurs doivent attendre près d’un an avant d’être scolarisés,(21)ou qu’ils ne soient pas scolarisés du tout, si une décision négative a été rendue à leur égard et si le renvoi peut être effectué à court terme.(22)

En ce qui concerne les MNA qui ont dépassé l’âge de la scolarité obligatoire, ils peuvent bénéficier de programmes d’occupation ou de formation en vue de faciliter leur réinsertion et de renforcer leurs perspectives professionnelles.(23) La fréquentation de ces programmes est très variable selon les cantons. Les MNA ont aussi la possibilité d’effectuer un apprentissage professionnel. Ils ont toutefois besoin d’une autorisation pour pouvoir accéder à une telle formation. Là aussi, il y a une grande différence entre les cantons. Alors que certains distribuent ces autorisations de façon généreuse, d’autres se montrent beaucoup plus restrictifs, spécialement lorsqu’un mineur a reçu une réponse négative à sa demande d’asile.

3. Les problèmes rencontrés


Dans l’attente d’une réponse à leur demande d’asile, il est fréquent que les MNA souffrent de troubles psychologiques. Comme il est plus commode de renvoyer des adultes que des enfants, les autorités attendent souvent que ces jeunes aient 18 ans pour leur donner une réponse négative ou l’ordre de quitter le pays. Le fait de ne pas savoir ce qui va leur arriver, alors qu’ils essaient de s’intégrer, est extrêmement perturbant pour eux. Ils craignent de devoir rentrer dans un pays oĂą ils n’ont souvent plus de contacts ou d’affinités.

Perturbés, angoissés, parfois désĹ“uvrés, livrés à eux-mêmes, ces mineurs sont vulnérables et faciles à manipuler. Ayant peu de moyens financiers et devant faire face à notre société de consommation, certains se laissent entraîner par des trafiquants de drogue ou commencent à commettre de petits délits. Les filles, moins nombreuses, sont des proies faciles pour le marché du sexe ou pour le travail domestique.

Ne voyant aucune issue encourageante dans la voie légale, il arrive que des MNA disparaissent on ne sait oĂą et les autorités s’en accommodent. « Sans cette soupape, la politique d’asile devraient assumer un fardeau social et financier qu’elle ne pourrait pas porter ».(24) Si certains continuent leur route ou rejoignent des proches, d’autres risquent d’être récupérés par des réseaux de trafiquants.

III. La non-conformité des lois et des pratiques suisses avec la Convention relative aux droits de l’enfant.


1. La décision de non-entrée en matière


Selon la loi, les demandeurs d’asile ont 48h pour remettre leur document d’identité.(25)Dans le cas contraire, ils font l’objet d’une décision de non-entrée en matière. Bien que l’Office des migrations ait décidé de prendre en considération dans la pratique la situation des mineurs venant de pays oĂą les naissances ne sont pas enregistrées, et assuré que chaque cas sera minutieusement examiné,(26) nous considérons que ce manque de considération relative à la situation particulière des mineurs dans la loi elle-même est choquante. À ce sujet, le Comité des droits de l’enfant affirme que « pour prendre une décision fondée, en accord avec l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut pouvoir établir au préalable clairement et complètement l’identité de l’enfant, y compris sa nationalité, son niveau d’éducation, le contexte ethnique, culturel et linguistique dans lequel il se trouve, ainsi que ses besoins spécifiques et la protection qu’il lui faut… ». Or ceci ne peut pas être fait sans entrer en matière sur la demande du mineur.

2. Les mesures de contraintes


Les nouvelles mesures de contrainte autorisent la mise en détention administrative des mineurs étrangers entre 15 et 18 ans jusqu’à 12 mois.(27)Ces mesures sont clairement contraires à l’art. 37 al. B CDE qui exige que la détention d’un enfant ne soit qu’une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible. De plus, nous pensons qu’un enfant ne devrait pas être enfermé parce qu’il est non-accompagné et étranger ou parce que son seul tort est de se trouver sans raison valable, selon la loi, sur un territoire.

3. La réunification familiale


La Suisse ne tolère pas la réunification familiale dans tous les cas. En effet, l’art. 10 CDE fait l’objet d’une réserve. Bien que la nouvelle loi sur les étrangers améliore quelque peu la situation, elle ne garantit toujours pas le regroupement familial dans tous les cas. De plus, certains obstacles, tels que les différentes conditions imposées à la réunification et le régime des délais entravent le regroupement familial.(28) Cette réserve ne correspond pas, à notre avis, à l’esprit de la CDE et en particulier à son art. 3. En effet, ce dernier s’applique aussi aux décisions prises par les organes législatifs. Autrement dit, lorsque le législateur suisse légifère en matière de regroupement familial, il doit veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale. À partir du moment oĂą il est admis que la famille constitue une unité fondamentale de la société et le milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, qu’elle doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté, et que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension(29), les difficultés qui entravent le regroupement familial ne répondent pas à l’exigence selon laquelle « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».(30)

IV. Conclusion


La situation des MNA en Suisse est préoccupante. En effet, les MNA sont « placés » dans des centres ou des familles d’accueil en attendant qu’ils soient majeurs et qu’ils puissent être renvoyés chez eux. Leur état psychologique et leur sort ne nous affectent guère et l’on s’accommode sans problème de leur disparition. Le problème est complexe et il n’existe pas de solution facile, mais la Suisse doit se donner les moyens d’y réfléchir et doit considérer les MNA avant tout comme des ENFANTS.



* Martine Lachat Clerc, licenciée en droit de l’université de Fribourg et titulaire d’un master en droits de l’enfant, est juriste au secteur Droits de l’Enfant à la Fondation Terre des hommes – aide à l’enfance à Lausanne. Après avoir mené une recherche sur la situation des MNA en Suisse, elle est actuellement en charge d’un programme concernant les mineurs migrants.


Coordonnées :
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En Budron C8
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+41 21 654 66 19
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mlc@tdh.ch

(1)

* Art. 14 CC. Voir aussi art. 1 let. d OA1.
(2) Art. 7 al. 2 OA1.
(3) WATA AIMÉ, La situation des mineurs non accompagnés en Suisse, étude organisée par l’Institut international des Droits de l’Enfant et la fondation Terre des hommes, Sion et Lausanne, septembre 2003, p 5 – 15.
(4) Idem.
(5) Art. 3 al. 1 LAsi : « Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. »
(6) OFFICE FÉDÉRAL DES RÉFUGIÉS, Rapport sur la migration illégale, Berne-Wabern, juin 2004, p. 5 : « L’ampleur de la migration clandestine est difficile à chiffrer. Les estimations du nombre de clandestins vivant en Suisse vont de 50'000 à 300’00 personnes ».
(9) Art. 17 al. 3 LAsi et art. 7 al. 2 OA1.
(10) Art. 7 al. 3 OA1.
(11) JICRA, 1998/13, 2003/1.
(12) Art. 2 CDE.
(13) Art. 20 CDE.
(14) Art. 81 LAsi.
(15) Art. 82 LAsi.
(16) BUNDESAMT FĂśR JUSTIZ, Rechtsgutachten über die Anforderungen der Kinderrechtskonvention an die Ausgestaltung der Hilfe in Notlagen (Art. 12 BV), 25. Februar 2005.
(17) Art. 26 et 27 CDE.
(18) VITTE SYLVAIN, La situation des mineurs non accompagnés en Suisse, Conférence régionale sur « les migrations des mineurs non accompagnés : agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant », Torremolinos, Málaga, du 27 au 28 octobre 2005, p. 21.
(19) Art. 62 Cst.
(20) Recommandations concernant la scolarisation des enfants de langue étrangère du 24 octobre 1991 de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique, (CDIP).
(21) ONG SUISSES, Rapport complémentaire au rapport officiel du gouvernement suisse soumis au Comité de l’ONU pour les droits de l’enfant, 2001, p. 21.
(22) GOUVERNEMENT SUISSE, Rapport initial de la Suisse, devant être soumis en 1999, CRC/C/78/Add.3, 19 octobre 2001, par. 627.
(23) Idem.
(24) OFFICE FÉDÉRAL DES RÉFUGIÉS, L’Afrique en Suisse ; Asile et migration : Eléments d’analyse et de politique, Berne, octobre 2002, p. 7.
(25) Art. 32 al. 2a LAsi.
(26) OFFICE DES MIGRATIONS, communiqué de presse du 1er septembre 2006, « Les lois sur l’asile et les étrangers ne contreviennent pas aux droits de l’enfant ».
(27) Art. 75 à 79 LEtr.
(28) Art. 44 – 47 LEtr.
(29) Voir : préambule de la CDE.
(30) MARGUERAT SYLVIE, NGUYEN MINH SON, ZERMATTEN JEAN, La loi sur les étrangers et la loi sur l’asile révisées à la lumière de la Convention relative aux droits de l’enfant, exposé analytique de la conformité des nouvelles lois fédérales avec la Convention internationale des droits de l’enfant, Fondation Terre des hommes – aide à l’enfance, Lausanne, 2006, p. 41.











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