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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les incidences des droits de l’enfant sur la privation de liberté des mineurs en Suisse
Frédérique Bütikofer Repond, lectrice. Chaire de droit pénal et criminologie. Faculté
de droit de l’Université de Fribourg

  
[ Bulletin DEI, September 2007 Band 13 Nr 3 S.I-II ]


La mise en œuvre des droits de l’enfant en Suisse ne se fait pas sans difficultés, en particulier pour les mineurs en détention. En effet, le respect de leurs droits peut se heurter non seulement à une réticence particulière vis-à-vis d’enfants jugés déviants, mais aussi à une réserve plus générale sur la mise en œuvre globale des droits de l’enfant. Dix ans après la reconnaissance en Suisse de droits aux enfants, il est intéressant de faire le point sur les défis qui se rattachent à la privation de liberté des mineurs.

Parmi les réserves émises par la Suisse lors de la ratification de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE) il y a 10 ans, deux concernent la justice des mineurs:
– la séparation entre mineurs et adultes privés de liberté n’est pas garantie sans exception (cf. art. 37 let. c CDE);
– la procédure pénale suisse des mineurs ne garantit ni le droit inconditionnel à une assistance, ni la séparation au niveau personnel et organisationnel entre autorité d’instruction et autorité de jugement, ni le droit de recours à une juridiction supérieure lorsque l’intéressé a été jugé en première instance par la plus haute juridiction (cf. art. 40 CDE).
Nous ne savons pas si cela est dû à la délégation de compétence aux cantons ou au manque de volonté politique mais, en Suisse, et plus spécialement en Suisse romande, on constate une absence de cohérence dans la prise en charge des jeunes délinquants en raison d’un nombre insuffisant d’établissements d’accueil. Au 1er septembre 2004, nous dénombrions 86 mineurs détenus en Suisse dans des établissements carcéraux réservés aux adultes, dont 44 en détention préventive et 42 en détention après jugement . A la lecture des résultats de l’enquête sur la situation des mineurs en détention avant jugement effectuée en 2005 par l’Office fédéral de la justice , nous constatons que:
– les _ des mineurs détenus avant jugement sont placés dans des prisons;
– seules 9 prisons sur les 33 établissements accueillant des mineurs et ayant répondu au questionnaire de l’enquête disposent d’une séparation entre mineurs et adultes sur le plan architectural, sous la forme d’une division ou d’un étage réservé à l’une ou l’autre catégorie de détenus;
– 21 établissements de détention (sur 33) reconnaissent ne pouvoir garantir en tout temps une séparation entre mineurs et adultes détenus dans leur gestion de l’établissement au quotidien;
– seules 3 prisons (sur 33) sont en mesure d’assurer un programme socio-éducatif adéquat.
Au début de l’année 2006, le Tribunal fédéral a dû se pencher sur la question des conditions de détention des mineurs privés de liberté. Il relève que le placement d’un mineur dans une prison pour adultes n’est autorisé que pour une période transitoire face à une situation de crise ou à défaut de place disponible dans un établissement réservé aux mineurs. Un séjour qui se prolonge de longs mois n’est pas admissible, même si le mineur a donné son accord (cf. arrêt du TF non publié 6A.20/2006).
La détention de mineurs dans des établissements pour adultes contrevient aux principes de l’ultima ratio de la privation de liberté des mineurs et de la séparation des mineurs et adultes détenus, au droit à un traitement humain et digne, à des relations familiales régulières, à une assistance juridique appropriée, ainsi qu’au principe de non-discrimination, énoncé aux articles 2 CDE et 4 des Règles de la Havane. Elle a également pour conséquence la violation de plusieurs autres droits de l’enfant. En effet, au sein de la Convention, certains droits jouent un rôle plus fondamental pour les mineurs privés de liberté, en assurant le respect de leur personnalité et la protection de leur développement personnel et en facilitant leur réinsertion dans la société. Nous pensons:
– au droit au contact avec la famille, au droit à l’éducation, au droit au repos et aux loisirs, au droit à la santé et au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion qui portent sur les prestations auxquelles peuvent prétendre les mineurs privés de liberté;
– au droit à une attention médicale et socio-éducative spécialisée, au droit à la dignité humaine et à l’intégrité personnelle, au droit à la vie privée qui couvrent la protection dont doivent bénéficier ces mineurs en situation de vulnérabilité;
– au droit d’être entendu et d’accéder à toute information et au droit à la protection juridique avant, pendant et après la privation de liberté qui abordent la question de la participation du mineur privé de liberté à toute décision le concernant.
Les établissements carcéraux réservés aux adultes ne sont ni aménagés ni équipés pour la détention d’adolescent(e)s. Ils ne possèdent pas l’encadrement éducatif et curatif nécessaire (éducateurs, professeurs, conseillers en orientation, maîtres d’apprentissage, travailleurs sociaux, pédopsychiatres et psychologues) permettant d’éviter l’influence néfaste de la prison sur des mineurs (cf. al. 3 du Préambule des Règles de la Havane). Les détenus mineurs ne peuvent pas non plus exercer pleinement leur droit aux loisirs ou à l’éducation, étant le plus souvent confinés dans leur cellule 23 heures sur 24 afin d’éviter les contacts avec les détenus adultes. Ces contraintes réduisent les loisirs à une heure de promenade par jour et à l’exercice d’une activité physique une fois par semaine à des heures inhabituelles. Sur le plan éducatif, le cadre de la détention ne se prête pas à la réalisation d’un projet scolaire ou d’une formation professionnelle, voire à des activités utiles pour l’avenir. L’accès à la bibliothèque de la prison est également rendu difficile. Les mineurs d’origine étrangère ne peuvent le plus souvent pas avoir accès à une formation dans leur langue maternelle. Ils sont alors le plus souvent traités comme des adultes, en faisant fi des besoins de leur âge comme l’exigent l’article 37 CDE et les Règles de la Havane. Outre la violation de ces droits, le passage dans une prison pour adultes peut exercer sur certains mineurs un attrait mythique qui les conforte dans leur rôle de délinquants.
Incorporant les principales exigences du droit international en matière de privation de liberté des mineurs, la nouvelle loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin), entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a des implications positives sur les conditions de détention avant et après jugement des jeunes délinquants en Suisse .
Conformément à l’article 25 alinéa 1 DPMin, seuls les adolescents âgés de 15 ans révolus à moins de 18 ans peuvent être condamnés à une peine privative de liberté. Elle constitue une sanction de dernier recours et sa durée est de 1 jour à 1 an. Cependant, une peine privative de liberté d’une durée de quatre ans au maximum peut être prononcée à l’égard de mineurs âgés de 16 ans révolus qui ont commis des infractions particulièrement graves (cf. art. 25 al. 2 DPMin). En outre, la loi réglemente la détention avant jugement, sans toutefois fixer ni d’âge minimum ni de durée maximale. (cf. art. 6 DPMin).
Quant aux mesures de placement en établissement au sens de l’article 15 DPMin, elles sont prononcées pour une durée indéterminée et ne prennent fin que lorsque les objectifs de protection et d’éducation sont atteints. Elles sont définitivement levées quel que soit leur succès, lorsque le jeune délinquant a atteint l’âge de 22 ans (cf. art. 19 DPMin).
Aux articles 6 alinéa 2 et 27 alinéa 2, la nouvelle loi fédérale comporte l’exigence d’une privation de liberté séparée des adultes, c’est-à-dire soit dans un établissement à part (solution à privilégier), soit dans un quartier d’un établissement pour adultes qui leur est strictement réservé. De plus, une prise en charge éducative appropriée doit être garantie pour prévenir tout isolement dommageable de ces mineurs et permettre leur réintégration dans la société.
La nouvelle loi fédérale pose également l’exigence d’une séparation nette entre les établissements assurant l’exécution des peines privatives de liberté et ceux accueillant des mineurs placés en institution. Cette exigence de séparation se justifie par des prises en charge fort différentes. Cette confusion malheureuse que créait l’article 95 chiffre 3 al. 1a CP devrait enfin disparaître!
L’exigence légale d’établissements séparés de ceux des adultes et destinés exclusivement à l’exécution soit d’un placement, soit d’une privation de liberté, lance ainsi un défi d’importance qu’il appartient aux cantons de relever dans un délai de 10 ans (cf. art. 48 DPMin).
Les cantons latins ont pris les devants et étudié les questions liées à l’exécution de ces deux sanctions sur leur territoire. Au terme de cette étude, la Conférence latine des chefs de Départements de justice et police a mis sur pied un concordat sur l’exécution de la détention pénale des mineurs. Ce concordat latin prévoit la construction d’un établissement polyvalent (filles et garçons) pour détention avant jugement, détention après jugement et sanctions disciplinaires pour adolescents dans le canton de Vaud et la réalisation d’un établissement fermé pour filles à Neuchâtel. L’agrandissement de la maison d’éducation au travail de Pramont, dans le canton du Valais, a déjà été réalisé et permet d’accueillir des mineurs au bénéfice d’une mesure de placement institutionnel fermé. En revanche, on a renoncé à l’ouverture d’un établissement psychiatrique fermé pour mineurs.
La «concordatisation» de l’exécution de la peine privative de liberté en Suisse romande aura pour corollaire un éloignement familial pour un certain nombre de mineurs. Si, dans certaines situations, cette distance peut être bénéfique pour le jeune délinquant, il appartiendra toutefois à l’autorité d’exécution d’être attentive au respect du droit de l’enfant à avoir des contacts réguliers avec sa famille. Il conviendra également de marquer un effort certain dans le domaine du personnel. La prise en charge de mineurs délinquants nécessite en effet un encadrement approprié par des spécialistes pouvant assurer à la fois la sécurité et une activité éducative.
En Suisse alémanique, la situation est moins préoccupante. En effet, la palette des établissements fermés est plus importante que dans les cantons latins. Par conséquent, les cantons suisses alémaniques n’ont pas mis sur pied de concordat sur l’exécution de la détention des mineurs en vue de l’entrée en vigueur de la loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs.
Confrontées au non-respect des droits de l’enfant privé de liberté lors de la procédure de ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant et de l’examen du rapport préliminaire par le Comité des droits de l’enfant, les autorités suisses ont travaillé à la mise en œuvre d’une politique cohérente qui devrait conduire à la création de nouvelles places d’accueil et à une prise en charge respectueuse de la personnalité et du développement personnel et professionnel des mineurs privés de liberté. Nous espérons toutefois que la Suisse n’attendra pas encore 10 ans pour se conformer à ses engagements internationaux et retirer la réserve formulée à l’article 37 let. c de la CDE (détention séparée des mineurs et des adultes) .
Il est finalement important de souligner que la création de ces nouveaux lieux d’accueil ne devra pas inciter la justice des mineurs suisse à augmenter le nombre et la durée des privations de liberté prononcées à l’encontre de mineurs délinquants. Nous tomberions alors dans un travers qui irait également à l’encontre des textes internationaux qui prônent le développement de solutions alternatives à la privation de liberté des mineurs et le recours à cette sanction grave in ultima ratio!







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