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Défense des enfants international
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La protection de l’enfant maltraité par ses parents
Par Virginie Jaquiery, doctorante à la Faculté de droit, Université de Genève

  
[ Bulletin DEI, Juni 2008 Band 14 Nr 2 P.I ]


Si le terme de maltraitance(1) est relativement récent, la réalité qu’il recouvre est très ancienne et existe dans le monde entier. Pendant des siècles, l’enfant, considéré comme la propriété du père de famille, est soumis au bon vouloir de ce dernier. L’usage de la violence à l’encontre d’un enfant, l’abandon d’enfant de même que la négligence envers celui-ci demeurent largement acceptés et même parfois encouragés par la société. Les châtiments corporels ou l’utilisation de la peur comme moyens éducatifs ne sont pas rares.

Une prise de conscience tardive


L’idée selon laquelle l’enfant, en raison de son manque de maturité et de sa vulnérabilité, doit faire l’objet d’une protection particulière de la part des adultes ne s’est imposée qu’à la fin du 19ème siècle. Au fil du temps, la position de l’enfant au sein de la famille, de même que le rôle des parents par rapport à l’enfant se sont modifiés. Ces changements ont abouti à une meilleure prise en compte par les parents des intérêts de l’enfant et de ses besoins(2 ). Les comportements violents envers les enfants ne disparaissent pas pour autant. Peu à peu, les Etats européens ont adopté des législations autorisant l’intervention des autorités étatiques dans la sphère familiale et permettant de limiter les pouvoirs parentaux sur l’enfant en cas d’abus, de sévices ou/et de négligences(3 ). C’est à cette époque que se dégage la notion de bien de l’enfant. Toutefois, la société ne prend réellement conscience des dangers liés à la maltraitance infantile que tardivement. En Suisse, il faut attendre les années septante pour que ce phénomène soit reconnu en tant que « problème social »(4) contre lequel il faut impérativement agir. De 1988 à 1992, un groupe de travail institué par le Département fédéral de l’intérieur, a été chargé de réaliser un rapport afin de faire le point sur la situation relative à la problématique liée à la maltraitance infantile en Suisse(5).

Une notion difficile à cerner


Le concept de maltraitance ne peut être défini de manière absolue car il évolue avec le temps et dépend du contexte culturel au sein duquel il s’insère. Le terme « maltraitance » englobe ainsi l’ensemble des comportements perçus comme intolérables dans une société donnée à un moment précis(6). Il apparaît toutefois opportun de déterminer le contenu de cette notion pour garantir au mieux le développement physique, psychique et sexuel de l’enfant. Afin de déterminer si un acte relève de la maltraitance ou non, il faut prendre en considération les conséquences dommageables de ce comportement sur l’enfant(7). En revanche, la question de savoir si le parent agit avec intention ou non ne doit pas entrer en ligne de compte(8).
La maltraitance est un phénomène complexe qui concerne autant le domaine du droit que celui de la médecine. La notion de maltraitance doit donc être définie à la lumière des connaissances médicales développées à ce sujet, y compris les découvertes relatives à la psychologie du développement de l’enfant.

Les différentes formes de maltraitance


On distingue généralement quatre formes de maltraitance : la violence physique, psychique, les négligences ainsi que les abus sexuels.
La violence physique englobe l’ensemble des actes qui ont pour résultat de porter préjudice à l’enfant ou qui pourraient engendrer un tel dommage(9). Elle peut se manifester de diverses manières : outre les coups portés avec la main ou moyennant un objet, le parent maltraitant peut par exemple forcer l’enfant à inhaler de la fumée ou encore le brûler à l’aide d’une cigarette. La maltraitance physique peut occasionner de graves blessures chez l’enfant, voire entraîner son décès. Laissant le plus souvent des traces visibles sur l’enfant, les sévices physiques sont plus aisés à détecter que les autres formes de maltraitance. Toutefois, l’origine des lésions causées à l’enfant est parfois difficile à identifier par le médecin. Les conséquences liées à la maltraitance physique peuvent également avoir une dimension psychologique, laquelle ne doit pas être ignorée.
Dans certains pays, l’utilisation par le parent de la violence physique à l’encontre de l’enfant est parfois considérée comme une méthode éducative admissible tant sur le plan social que légal. En d’autres termes, les coups infligés à l’enfant seraient légitimes dans la mesure où ils auraient pour but de discipliner l’enfant. Le châtiment corporel dont l’intensité est telle qu’il en résulte des lésions doit incontestablement être qualifié de maltraitance. En revanche, le fait de fesser, de gifler un enfant, dans la mesure où cette conduite ne cause pas de lésions à celui-ci et que le parent agit dans un but éducatif, i.e. « pour le bien de l’enfant », ne serait pas constitutif de maltraitance, sous réserve d’un recours systématique à ce type de corrections. Les recherches scientifiques effectuées dans ce domaine démontrent toutefois qu’un tel comportement est contraire au bien-être physique et psychique de l’enfant car il est contre-productif et dangereux pour la santé de celui-ci(10).

La violence psychologique consiste à ne pas procurer à l’enfant un environnement stable et propice à son bon développement psychique ou à agir de façon à porter préjudice à sa santé affective(11). Elle est plus ardue à détecter. En effet, l’enfant victime de violences psychologiques n’arbore que rarement des blessures apparentes. Pourtant, le fait d’humilier, de rabaisser, de rejeter, de dénigrer ou encore de menacer inlassablement l’enfant peut par exemple engendrer chez lui un état d’épuisement psychologique grave pouvant aller jusqu’à la dépression.

L’enfant est négligé lorsque le parent ne satisfait pas à ses besoins affectifs ou physiologiques. L’absence de soins à l’enfant atteste du fait que le parent ne le protège pas de manière adéquate. Cette attitude peut par exemple générer chez l’enfant des retards dans son développement psychomoteur.

Les abus sexuels se réfèrent à l’ensemble des actes accomplis par le parent en vue d’en retirer un plaisir sexuel(12).

Dans son rapport sur « l’enfance maltraitée », le groupe d’experts a défini le concept de maltraitance de la manière suivante : « les mauvais traitements envers enfants sont, […], les effets d'interactions violentes et/ou négligentes entre des personnes (parents […]) […] et des mineurs, générant des atteintes à la santé physique et psychique, des arrêts de développement, des invalidités et parfois la mort. Ils recouvrent aussi toutes les formes d'exploitation sexuelle des enfants par des adultes »(13). Cette définition couvre l’ensemble des violences décrites ci-dessus.

Législation internationale et nationale


De nombreuses normes tant internationales que suisses assurent à l’enfant une protection contre la maltraitance. La question est de savoir si celles-ci sont suffisamment efficaces.

En droit international, la maltraitance constitue une violation des droits humains de l’enfant. La maltraitance contrevient notamment à l’article 6 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE)(14) qui garantit à l’enfant un droit inhérent à la vie, à la survie et à un bon développement. Par ailleurs, l’article 19 CDE stipule que « les Etats parties prennent toutes les mesures législatives […] appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, […] ». L’article 19 ne décrit toutefois pas avec précision ce que recoupent ces différents phénomènes, laissant ainsi aux Etats une marge d’appréciation importante. L’art. 19 CDE doit être interprété à la lumière du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant tel que prévu à l’art. 3 CDE et conformément au sens et à l’esprit de la Convention. Pour cette raison, le Comité des droits de l’enfant recommande aux Etats de promouvoir une éducation affranchie de toute violence(15).

En droit suisse, outre l’art. 11 de la Constitution fédérale(16), les dispositions visant à protéger l’enfant sont contenues pour l’essentiel dans le Code civil (CC)(17)et dans le Code pénal. Seule la protection offerte par les articles 307 et suivants du CC va nous intéresser ici.

Les parents, titulaires de l’autorité parentale(18), ont la responsabilité et le pouvoir d’éduquer l’enfant comme ils l’entendent. Toutefois, l’art. 301 CC « rappelle que le bien de l’enfant constitue la finalité de toute action éducative »(19). Si les parents manquent à leur obligation de respecter le bien de l’enfant, l’autorité est autorisée à prendre les mesures de protection prévues aux art. 307 ss CC.

L’application des mesures protectrices prévues aux art. 307 ss est subordonnée à la condition de l’existence d’un danger pour le bien de l’enfant. La loi ne fait aucune mention du terme maltraitance. Le concept de bien de l’enfant constitue le critère essentiel du système de protection de l’enfant. Pourtant, la loi ne définit pas de manière précise le contenu de cette notion. L’art. 302 CC indique toutefois que les parents doivent favoriser et protéger le développement intellectuel, corporel et moral de l’enfant. Mais ceci ne contribue pas vraiment à diminuer le caractère imprécis de cette notion. Pour cette raison, il est souvent malaisé de déterminer avec exactitude s’il y a ou non danger pour le bien de l’enfant.


L’intervention étatique doit être interdisciplinaire


Il importe ici de savoir quel degré de mise en danger du bien de l’enfant est susceptible de déclencher l’intervention des autorités étatiques sur la base des art. 307 ss. Selon la doctrine, l’autorité n’est habilitée à prendre les mesures énoncées aux art. 307 ss que si le danger pour le bien de l’enfant est sérieux(20). Un comportement parental violent doit être observé du point de vue des conséquences sur le développement de la personnalité de l’enfant (21). En pratique, tout acte violent qui menace sérieusement le bien-être de l’enfant doit être prohibé, y compris une gifle administrée à titre éducatif(22).

Le choix de la mesure est régi par le principe de proportionnalité. Le droit suisse prévoit une gradation des mesures(23) qui va du rappel aux parents à leurs devoirs au retrait de l’autorité parentale. En cas de maltraitance, la gravité des sévices, leur intensité ainsi que la fréquence à laquelle les parents y recourent sont des éléments à prendre en considération pour déterminer la mesure adéquate. L’autorité doit avoir les outils nécessaires pour définir d’une part si le bien de l’enfant est menacé et d’autre part quelle est la mesure appropriée dans le cas d’espèce. Il est donc essentiel que les membres qui la composent soient qualifiés dans des domaines tels que la médecine. Elle doit posséder un caractère interdisciplinaire. Malheureusement, tel n’est pas toujours le cas. Le prononcé des mesures énoncées aux art. 307 ss CC ressort en principe de la compétence des autorités de tutelle. Celles-ci sont désignées par les cantons et peuvent être des autorités judiciaires ou administratives. Dans certains cantons, l’organisation des autorités de tutelle est locale, non interdisciplinaire et dépendante du pouvoir politique en place. L’absence de personnes spécialisées dans les domaines tels que la médecine et le droit au sein de ces autorités est tout à fait insatisfaisante au regard de la complexité des cas d’enfants en situation de maltraitance. Pour cette raison l’art. 440 du projet de révision du droit relatif à la protection de l’adulte, du droit des personnes et du droit la filiation, prévoit que l’autorité de protection de l’enfant désignée par les cantons sera interdisciplinaire(24).


Le terme « maltraitance » comme celui de « bien de l’enfant » ne sont pas des concepts figés et impliquent des connaissances qui vont au-delà du droit. C’est à la fois leur force et leur faiblesse. En effet, ces concepts évoluent avec le temps en fonction des nouvelles connaissances scientifiques relatives au développement de l’enfant. La capacité d’adaptation de ces notions permet de protéger l’enfant de manière plus efficace. Paradoxalement, le manque de précision relatif à ces notions les rend difficiles à appréhender par les autorités chargées d’appliquer les mesures de protection de l’enfant énoncée aux art. 307 ss CC. Afin d’améliorer le dispositif juridique de protection de l’enfant maltraité par ses parents, il est important de délimiter et de préciser le contenu de ces concepts à l’aide des théories élaborées dans les domaines de la médecine et de la psychologie en rapport avec l’enfant.


1. Comme son titre l’indique, cette contribution ne traite que de la maltraitance exercée par les parents à l’encontre de l’enfant, à l’exclusion des violences institutionnelles, étatiques et par des tiers.
2. BRAUCHLI Andreas, Das Kindeswohl als Maxime des Rechts, thèse, Zurich 1992, p. 147.
3. En Suisse, les différentes législations cantonales contenaient déjà des normes visant à assurer la protection de l’enfant. Cf. notamment, WYTTENBACH Judith, Das Kindeswohl, der Staat und die Defintionmacht der Eltern aus grund- und menschenrechtlicher Sicht, in : Kindeswohl, eine interdisziplinäre Sicht-Le bien de l’enfant, une approche interdisciplinaire, KAUFMANN Claudia/ZIEGLER Franz (éd.), Zurich 2003, p. 81.
4. SCHULTHEIS Franz/FRAUENFELDER Arnaud/DELEY Christophe, Maltraitance: Contribution à une sociologie de l’intolérable, Paris 2007, p. 42. DÄPPEN-MÜLLER Silvia, Kindsmisshandlung und –vernachlässigung aus Straf- und zivilrechtlicher Sicht, thèse, Zurich 1998, p. 14.
5. Rapport Enfance maltraitée en Suisse, FF 1995 IV 53, 57 s.
6. FERRAGUT Eliane, Agressions et maltraitances, Issy-les-Moulineaux 2006, p. 104.
7. Rapport enfance maltraitée en Suisse, FF 1995 IV 53, 76.
8. GOSSET Didier/HÉDOUIN Valéry/REVUELTA Eric/DESURMONT Marie, Maltraitance à enfants, Paris 1996, p. 4.
9. RUNYAN Desmond/WATTAM Corrine/IKEDA Robin/HASSAN Fatma/RAMIRO Laurie, La maltraitance des enfants et le manque de soins de la part des parents ou des tuteurs, in : Rapport mondial sur la violence et la santé, KRUG Etienne G./DAHLBERG Linda L./MERCY James A./ZWI Anthony/LOZANO-ASCENCIO Rafael (éd.), Organisation mondiale de la santé 2002, p. 66 ; disponible sur : www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/en/full_fr.pdf (consulté le 12 mai 2008).
10. Pour plus de détails, cf. HART Stuart N. (éd.), Eliminating corporal punishment, the way forward to constructing child discipline, p. 14.
11. RUNYAN/WATTAM//IKEDA/HASSAN/RAMIRO (n. 9), p. 71 s.
12. RUNYAN/WATTAM//IKEDA/HASSAN/RAMIRO (n. 9), p. 66.
13. Rapport enfance maltraitée en Suisse, FF 1995 IV 1, 67.
14. Conventions des Nations unies relative aux droits de l’enfant, Rés. 44/25, Assemblée générale des Nations unies, U.N. Doc. A/44/25 (1989).
15. Cf. notamment, Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 8, CRC/C/GC/8, 2006, p. 1ss.
16. RS 101, L’art 11 prévoit que « les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement ».
17. RS 210
18. Cf. art. 301 ss CC.
19. MEIER Philippe/STETTLER Martin, Droit de la filiation, tome II : Effets de la filiation (art. 270 à 327 CC), 3ème éd. complétée et mise à jour, Genève, Zurich, Bâle 2006, p. 248.
20. Cf. notamment DÄPPEN-MÜLLER (n. 4), p. 72.
21. HÄFELI Christoph, Der zivilrechtliche Kindeschutz (Art. 307-317 ZGB) als Garant des Kindeswohl, in: Kindeswohl, eine interdisziplinäre Sicht-Le bien de l’enfant, une approche interdisciplinaire, KAUFMANN Claudia/ZIEGLER Franz (éd.), Zurich 2003, p. 131.
22. Pour plus de détails sur le droit de correction en Suisse, cf. FASSBIND Patrick, Züchtigungsrecht contra Gewaltverbot bei der Ausübung der elterlichen Personensorge, PJA/AJP 2007, p. 547 ss.
23. MEIER/STETTLER (n. 19), p. 362 s.
24. Cf. Conseil Fédéral, Message concernant la révision du Code civil suisse (Protection de l’adulte, droit des personnes et droit de la filiation) du 28 juin 2006, FF 2006 6635, 6705 s.









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