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Défense des enfants international
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Rencontre avec André Dunant, ancien juge des mineurs
« Entendre l’enfant et le responsabiliser est indispensable »

Par Anna Volz, Chargée du Programme de Justice pour mineurs, DEI-Secrétariat international

  
[ Bulletin DEI, März 2010 Band 16 Nr 1 S.5 ]


André Dunant a été juge des mineurs et Président du Tribunal de la jeunesse de Genève (Suisse) de 1965 à 1996. Passionné par la cause de la justice pour mineurs, ancien président de l’Association internationale des magistrats de la jeunesse et de la famille, il est actuellement consultant en justice pour mineurs. A ce jour, il a travaillé dans plus de 50 pays.
Il a accepté de répondre à quelques questions sur son expérience à Genève et à l’étranger concernant la participation de l’enfant dans les procédures judiciaires.



Pendant 31 ans, André Dunant a été juge des mineurs à Genève. A ses dires, les adolescents suisses commettent rarement des infractions vraiment graves – durant toute sa longue carrière, il n'a eu qu'un seul meurtre commis par un adolescent. « Quand j’ai raconté cela à un procureur de Californie s’occupant de mineurs, il ne pouvait pas le croire : en une seule année, il avait eu 19 cas de meurtre ! ». Les jeunes Suisses auraient plutôt tendance à commettre des « bêtises » plus ou moins graves, seuls ou en groupe (par exemple, des tags, des vols de mobylettes, des cambriolages, des incendies volontaires, etc.). Face au juge, ils semblent être conscients de ce qu’ils ont fait. Le taux de récidive est très bas et se situe entre 8 et 12% selon André Dunant.

En Suisse, un juge des mineurs peut dans certaines situations passer plusieurs heures à s'entretenir avec le jeune. L’objectif – et c’est inscrit dans le code pénal - est de mieux le connaître, comprendre ce qui l’a poussé à commettre l’infraction afin de pouvoir prendre les mesures appropriées. « Le juge pour adultes s’intéresse beaucoup plus aux faits (c’est-à-dire : combien de cambriolages, combien de dégâts, etc.) qu’au personnage. Alors que nous, nous constituons un « dossier de personnalité » complet, avec enquête sociale et, s’il le faut, expertise. La décision qu’on prendra sur la mesure dépendra essentiellement des besoins de l’adolescent et de sa personnalité, pas tellement des infractions qu’il a commises ». Ceci n’est pas forcément le cas dans d’autres pays : « J’ai fait un stage en France au Tribunal pour enfants de Paris et c’était très différent : ils prenaient 12 minutes en tout  pour voir un gamin, ses parents, les éducateurs et les plaignants! On ne peut écouter personne en 12 minutes… ».

Interrogé sur le concept de « participation » de l’enfant, André Dunant est très clair. Faire « participer » le jeune est essentiel. Ceci signifie dire au jeune qu’il est responsable de son avenir et l’écouter. « Je disais aux jeunes :  « Voilà, je suis juge des mineurs, je suis payé pour faire mon travail, alors qu’il y ait un cambriolage ou quarante, c’est la même chose, sauf qu'il serait de votre intérêt personnel de "vider votre sac" et de repartir sur de meilleures bases. Mais je ne peux rien faire pour vous sans vous, vous seul vous allez pouvoir construire votre avenir. Qu’en pensez-vous ? Quelles sont vos propositions ?’ ».

Aussi, il est très important que le jeune comprenne et accepte la mesure du juge. « Il y a 10-12 ans, à un congrès international, je racontais à des collègues britanniques comment je passais facilement une heure avec un mineur pour bien l’entendre. Les Britanniques n’en revenaient pas. Ils m’ont dit que chez eux cela ne se faisait pas, qu’ils n’avaient pas le droit de parler aux accusés. Chez eux, le magistrat doit ‘arriver vierge’ à l’audience, dire ‘guilty’ ou ‘not guilty’ sans jamais avoir vu l’accusé avant. Ils ne discutent pas du tout de son avenir mais prononcent la sentence. Je ne comprends pas comment ils peuvent prononcer une décision importante sans même avoir discuté avec lui ». Ceci semble avoir des implications importantes : citons à titre d'exemple le taux d’échec des travaux d'intérêt général (community service) : entre 1 et 2% en Suisse, ou en tout cas à Genève, et plus de 40% en Grande Bretagne.

André Dunant a suivi plusieurs formations continues sur l’écoute de l’enfant. « J’ai eu le grand privilège, comme beaucoup de collègues en Suisse, de pouvoir suivre des formations de base, formations continues, formations à l’écoute. J’ai aussi suivi des cours pendant deux semestres à la faculté des sciences de l’éducation et de psychologie de l’Université de Genève. Cela dit, au final, je pense qu’il s’agit avant tout d’une ‘attitude’ que le juge doit avoir. Les techniques sont certes importantes, mais viennent après. »

Quelle est la situation à l’étranger ? Est-ce que le juge entend l’enfant ? André Dunant est très clair : « Je suis allé dans un peu plus de 50 pays observer la justice pour mineurs. Cela varie beaucoup d’un pays à l’autre, mais dans une immense majorité des pays, il n’y a pas de dialogue, il n’y a pas d’écoute du mineur ». Il nous raconte une anecdote : « Une fois j’ai vu le juge, assis avec deux assesseurs à côté de lui, plein d’avocats devant lui en robe noire et, au fond de la salle bondée, des gamins de 14-15 ans. Il m’a invité à m’asseoir à côté de lui. Sans me désigner le gamin au fond de la salle, il me montrait le dossier et disait ‘Il a fait ci, il a fait ça, et maintenant il s’agit de savoir si on va prolonger sa détention ou non’. Je lui ai demandé où était le jeune, et il m’a répondu ‘Oh il doit être au fond de la salle. Mais son avocat est là’. J’ai demandé ‘ et puis sa famille ?’, ‘Il n’y a pas de place ici, ils sont sûrement dans le couloir’. Le mineur n’est même pas entendu. Le juge ne sait donc absolument pas qui est ce garçon. C’est affolant… ».

Est-ce qu’il y a des solutions, des recommandations pour améliorer ces situations qui bafouent le droit de l’enfant à être entendu ? André Dunant croit beaucoup à la force des formations pour les juges : «Il faut faire venir des intervenants différents, de divers pays avec différentes méthodes qui expliquent que l’intérêt du pays, c’est d’avoir le moins de gamins en prison, pour le moins longtemps possible et qu’il faut les écouter pour prendre la bonne mesure ». Les stages à l’étranger sont aussi très utiles selon lui. Pas forcément en Europe ou dans un pays du Nord, mais surtout d’un pays africain à l’autre, par exemple. « Les progrès sont millimétriques, mais cela en vaut la peine ! ».







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