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Défense des enfants international
section suisse
 
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La pauvreté en Suisse : une affaire d’enfants
Par Clara Balestra, Fondation Sarah Oberson

  
[ Bulletin DEI, September 2010 Band 16 Nr 3 S.I ]



En 2006, la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse (CFEJ) tire la sonnette d’alarme en dénonçant «la précarisation matérielle croissante d'une frange aussi importante qu'inattendue de la population : (…) près de 45% des personnes à l'aide sociale sont des enfants et des jeunes. » (1) Avec cette annonce, la CFEJ met en lumière un problème qui jusque là était resté caché du fait de la catégorisation des statistiques, dérivée de la conception de l’enfant (2) en tant que membre de la famille uniquement. « Pour éclairer cette réalité préoccupante et largement méconnue, la CFEJ a centré son approche sur les enfants et les jeunes, considérés pour eux-mêmes et non plus simplement comme membres d'une famille pauvre.» (1) Depuis lors, l’éradication de la pauvreté des enfants apparaît dans l’agenda politique fédéral.



Les statistiques rendues publiques en avril 2010 par l’Office fédéral de la Statistique(OFS), indiquent que la situation reste préoccupante. En 2008, le 4,4% des enfants entre 0 et 17 ans est bénéficiaire de l’aide sociale, représentant ainsi la catégorie d’âge la plus touchée par la pauvreté. En effet, pour l’ensemble de la population ce taux se réduit à 3,7 % (OFS, avril 2010, p. 10).

Dans sa Stratégie globale de la Suisse en matière de lutte contre la pauvreté, présentée le 30.03.2010, le Conseil fédéral prend en considération cette situation. La priorité est clairement donnée à l’enfant. « C’est précisément l’aspect de la limitation du potentiel de développement qui revêt, chez les enfants, davantage d’importance que chez les autres groupes de population menacés par la pauvreté, car elle compromet aussi leurs chances futures dans la vie en général ».

Ainsi, le Conseil fédéral propose, dans les deux premiers chapitres (Enfants de familles touchées par la pauvreté, Transition école-formation et formation-emploi), des mesures pour améliorer la situation des enfants eux-mêmes. Dans le 3e chapitre, il dresse des recommandations au bénéfice des familles en situation de précarité en considérant ainsi tous les aspects de la vie des enfants.

En saluant cette priorisation, il est important de constater que, dans cette conception, l’enfant n’est considéré que dans son aspect d’être en développement, d’adulte en devenir. Cette conception de l’enfant tronque l’analyse de la problématique en occultant le vécu actuel de l’enfant : comment cette situation de précarité influence-t-elle sa vie présente et comment l’affronte-t-il. L’enfant membre de la société n’est pas envisagé dans son présent.

Ainsi, pour élaborer sa stratégie, le Conseil fédéral a eu recours aux personnes vivant dans la pauvreté. ATD-Quart monde a coordonné cette consultation. Grâce à cette démarche, leur point de vue et leur vécu, tout comme plusieurs de leurs revendications ont été prises en considération (Communiqué de presse ATD-Quart Monde, 31.03.2010). Toutefois, le Conseil fédéral, dans cette enquête, n’a pas demandé l’avis des enfants concernés, comme l’exige la Convention des droits de l’enfant (CDE). Seul un groupe de jeunes a été consulté, et encore de manière indirecte (3).
En ratifiant la CDE, la Suisse a souligné sa volonté de célébrer l’enfant comme une personne à part entière, un sujet de droits. Ce traité international consacre ce nouveau statut en donnant notamment à l’enfant le droit de participer, selon son âge et sa maturité, aux décisions qui le concernent. «La relation entre l’art. 3 (intérêt supérieur de l’enfant) et l’article 12 (droit d’être écouté) ouvre la nécessité de consulter les enfants (…) sur les sujets qui les touchent. Le fait que l’article 3 exprime également que les organes législatifs doivent se préoccuper de l’intérêt supérieur de l’enfant démontre que la consultation (rôle actif du sujet de droit) touche tous les enfants sur tous les sujets.» (4). Ainsi, du point de vue normatif, la Suisse est contrainte à se soumettre à cet exercice participatif. A cet effet, la pauvreté est un des arguments probants car les mineurs de moins de 18 ans, comme mentionné plus haut, appartiennent à la catégorie d’âge la plus touchée par ce phénomène.
Du point de vue empirique, deux conceptions de l’enfance (homme en devenir ou sujet de droit) et deux approches (déterministe ou compréhensive) s’opposent sur la nécessité ou non de consulter les enfants sur l’élaboration de politiques et de programmes de lutte contre la pauvreté. Si l’on considère l’enfant comme un adulte en devenir, c’est l’adulte qui peut définir les nécessités à combler qui lui permettront d’atteindre la maturité. Consulter les enfants devient donc superflu. Si l’on considère l’enfant comme un membre à part entière de la société, c’est lui-même qui devient l’être compétent qui peut nous instruire sur ses intérêts. Le consulter devient alors indispensable pour dessiner des objectifs qui permettront d’améliorer efficacement sa situation.
De plus, quand on estime que des facteurs objectifs influencent de manière déterminante les individus, comme le théorise l’approche déterministe, on planifie des actions en ciblant des causes sociales et/ou structurelles. Le vécu et l’opinion des individus qui sont confrontés à la situation qu’on veut améliorer ne sont pas probants. La participation de ces personnes s’en tiendra donc à la mise en œuvre de projets ou programmes planifiés ailleurs.
Au contraire, dans l’approche compréhensive, la perception que l’individu a d’une situation donnée fait partie intégrante de la situation elle-même. Dans ce cas, l’intervention qui vise à construire une nouvelle réalité implique une modification de la perception de cette réalité. La participation des individus dont on veut améliorer le quotidien devient alors essentielle car leur perception est partie intégrante de la réalité que les intervenants veulent corriger.

Selon Stoecklin, « (l)a réalité n’est ni un pur déterminisme ni une pure construction personnelle. Les situations sont des reconstructions subjectives de données objectives : elles sont façonnées dans les interactions. C’est ainsi que l’on peut dire que toute situation est « socialement construite ». Il s’agit donc d’intégrer l’enfant comme participant à la définition même de la situation vécue. » (5)

Par conséquent, la participation n’est pas uniquement quelque chose de désirable du point de vue de l’émancipation des enfants, mais il s’agit d’un droit inscrit dans la CDE (normatif) qui a des profondes conséquences sur l’élaboration et l’application des politiques publiques (empirique) (6).

La participation des enfants à l’élaboration de mesures de lutte contre la pauvreté est ainsi essentielle. Permettre à ces enfants d’exprimer leur vécu, la manière dont la pauvreté les affecte, leur point de vue sur de possibles solutions, contribue à une meilleure compréhension du problème et des différences existant entre les individus ou les situations. Il n’existe pas Une pauvreté et Une manière de la vivre et de l’affronter, mais différentes facettes d’une même problématique. De même, chaque enfant met en place, dans sa vie de tous les jours, des mécanismes qui l’aident à faire face à cette situation. De l’étude de ces mécanismes, des facteurs protecteurs et des facteurs de risque peuvent être dégagés. Des mesures sociales renforçant les facteurs protecteurs et minimisant l’impact des facteurs de risque peuvent alors être extrapolées en rendant plus efficace la stratégie de lutte (7).

La CFEJ, en 2006, dans son rapport Jeune et pauvre : un tabou à briser!, donne la parole aux enfants vivant dans la pauvreté. Ce qui en ressort est une vision de l’enfant différente de la victime passive qu’on imagine : « Ces propos illustrent bien le fait que nombre des enfants et des jeunes interrogés ne se sentent pas, eux-mêmes, «pauvres». Ceux qui se sont exprimés (…) soulignent souvent, au contraire, les ressources et les potentiels qui leur permettent de résister à la pire adversité. » (p. 17)

Dès lors, la Stratégie globale de la Suisse en matière de lutte contre la pauvreté constitue une grande avancée dans la prise en charge de la pauvreté en général et de l’image véhiculée de l’enfant : une personne qui a des intérêts politiques, sociaux, économiques et juridiques pouvant différer de ceux de sa famille. Le pas suivant sera d’intégrer leur participation, selon leur âge et leur maturité, dans l’élaboration des politiques et des programmes qui les concernent. Ceci permettra de considérer l’enfant non seulement comme un adulte en devenir, mais aussi comme une personne du présent, agent actif de la société, qui grâce à sa participation permet d’affiner l’efficacité de ces mesures.

Clara Balestra, 10.08.2010

(1) CFEJ, La pauvreté des enfants et des jeunes : une bombe sociale à retardement !, Communiqué de presse du 28 août 2007. In http://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/9368.pdf
(2) Le mot « enfant » désigne toute personne de moins de 18 ans (art. 1 CDE).
(3) Les Jeunes de Suisse Romande de ATD-Quart monde ont participé à la rédaction du dossier que des représentants de personnes vivant dans la pauvreté de toute la Suisse ont réalisé en 2007 à l’occasion de la « Journée mondiale du refus de la misère », à l’attention de la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey. Ce document a notamment été pris en considération dans la Stratégie suisse contre la pauvreté.
(4) Zermatten Jean (2009), ‘ Le droit de l’enfant d’exprimer son opinion et d’être entendu (art.12 CDE)’, in Jean Zermatten et Daniel Stoecklin, Le droit des enfants de participer, Institut international des Droits de l’Enfant, Sion, p.38.
(5) Stoecklin Daniel (2009), ‘L’enfant acteur et l’approche participative ‘, in Jean Zermatten et Daniel Stoecklin, Le droit des enfants de participer, Institut international des Droits de l’Enfant, Sion, p.54 et 56.
(6) Sepùlveda Carmona Magdalena (2009),’The Human Rights Approach to Public Policy in addressing Child Poverty’, in J.E.Doek, A.K.Shiva Kumar, D. Mugawe, S. Tsegaye, Child Poverty : Afrikan and International Perspectives, The African Child Policy Forum, Intersentia, p. 32-33.
(7) Van der Hoek Tamara (2005), Trough Children’s Eyes : An Initial Study of Children’s Personal Experiences and Coping Strategies Growing Up Poor in a Affluent Netherlands, Innocenti Working Paper No 2005-05, Firenze, UNICEF Innocenti Research Centre, 2005, in http://www.unicef-irc.org/publications/pdf/IWP_2005_06_final.pdf







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