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Défense des enfants international
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Enfants-miroirs : quelques interrogations à propos de l’érotisation précoce par Gérard Salem, psychiatre, Lausanne (www.consyl.ch)
  
[ Bulletin DEI, Dezember 11 Band 17 Nr 4 S.11 ]




Il faut tout un village pour élever un enfant.
Proverbe africain.

Depuis le début des années 2000, une des préoccupations majeures des professions concernées par l’enfance est le phénomène de l’érotisation précoce des enfants et des jeunes en général. Ce phénomène, encore appelé hypersexualisation, désigne l’extension des codes érotiques des adultes au domaine de l’enfance. Il fait référence aux modes vestimentaires, mais aussi aux comportements sexuels des adolescents.

Quelque peu méfiant envers les affirmations empesées, souvent hasardeuses et rarement exemptes d’idéologie, je préfère pour ma part aborder ce sujet sous forme de questions qui renvoient les unes aux autres. Nous verrons que ces questions nous renvoient aussi à notre embarras de professionnels et de parents ou de grands-parents.

Comment, par exemple, admettre – ou même comprendre – que des tenues vestimentaires du type string avec minijupe ou jean taille basse puissent être portées par des fillettes de huit ou dix ans ? Que dire aussi des fillettes qui se maquillent dès l’âge de sept ans ? Et de celles qu’on laisse poser de façon aguicheuse dans des magazines de mode ? Cela signifie-t-il que le syndrome de Lolita est désormais chose banale ? Un tel fait dénote-t-il quelque chose de pervers ou de pathologique sur le plan personnel, familial ou social ? Faut-il s’en prendre aux parents de ces fillettes, en les considérant comme irresponsables ? Faut-il plutôt fustiger l’indolence de la justice face aux stratégies subreptices et néanmoins triomphantes de l’industrie du porno ? Faut-il dénoncer les mercenaires favoris de cette même industrie, en particulier la télévision, Internet, les magazines et les vidéoclips qui ont pris les jeunes pour cibles commerciales ?

Comment interpréter ce besoin, si pressant pour nombre d’adolescents, d’emblématiser leur corps, en le scarifiant, le tatouant, le perçant, le remodelant, à la manière des bombes sexuelles qui font florès autant sur Youtube que dans les talkshows émoustillés d’une télé singulièrement bêtifiante ? Et comment raisonnent les mères qui emmènent leurs filles mineures avec elles pour une séance commune d’épilation définitive, ou de botox, quand ce n’est pas pour une opération de chirurgie plastique visant à augmenter les seins, ou au contraire à les réduire ? En vue de quelle société d’avenir sont-elles en train de les « équiper » et avec quel espoir supposé ? Le combat féministe aurait-il vraiment fait naufrage, désormais hanté par les questions de gender trouble à la Judy Butler – en jetant les enfants avec l’eau du bain ?

Et convient-il de s’émouvoir des observations relevées par des enquêtes de terrain, qui mettent en scène, chez un certain nombre d’enfants et adolescents, une forme d’hypersexualité d’orientation carrément pornographique ? Est-il sans importance que ces stéréotypes sexuels apparaissent dans leur langage, dans les photos et les films qu’ils échangent à la récré, et jusque dans leurs conduites amoureuses intimes?

Et si le commerce pornographique est le réel moteur de cette évolution (comme chacun est tenté de le penser, à juste titre), comment expliquer que nous ayons si mal protégé nos enfants contre les aigrefins du marketing ? Est-il donc vrai que nous avons tous embarqué pour Cythère, et que nous vivons désormais dans une ère d’excitation généralisée ? Est-il vraiment attesté que les codes de la pornographie colonisent dorénavant les représentations de la geste amoureuse ? Nos adolescents n’auront-ils jamais connaissance d’histoires d’amour à la Tristan et Yseult, ou à la Paul et Virginie, ou à la Héloïse et Abélard ? L’amour courtois est-il à jamais relégué à de ringardes oubliettes ?

Nous croyons savoir, aujourd’hui mieux qu’hier, à quel point nos enfants grandissent d’abord grâce à des processus d’imitation et d’identification. Dès que leurs neurones miroirs sont prêts à fonctionner, dans la zone préfrontale de leur cerveau, ils ont tendance à apprendre à se comporter en imitant d’un côté les autres enfants, de l’autre les adultes qui les élèvent. Et plus que nous ne l’imaginons, ils restent nos miroirs. Or, du fait des avancées technologiques, par le truchement de leurs téléphones mobiles, de leurs écrans d’ordinateurs, de leurs télés, de leurs magazines online, nos enfants disposent désormais d’un choix déconcertant de modèles à imiter (modèles auxquels ni eux ni leurs parents n’étaient franchement préparés, s’il existe même une façon de s’y préparer). Notamment pour tout ce qui concerne l’amour et le sexe. Et nos petites nymphettes apprennent précocement à se sentir des objets de désir, sans rien connaître de la nature de ce désir. Elles sont condamnées à une extériorité durable, qui ne leur appartient guère. Elles sont réifiées, dirait peut-être Axel Honneth.

Mais par qui ? Par les chevaliers d’industrie au brushing impeccable ? Par les politiciens qui banalisent ces questions ou par ceux qui s’en gargarisent sans jamais rien faire ? Par les parents, trop absorbés dans leurs soucis d’adultes pour songer à leur progéniture ? Par une évolution sans précédent des mœurs sexuelles au détriment du sentiment amoureux ? Et comment traiter de ces questions sans mauvaise humeur et surtout, sans jouer les Savonarole ?










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