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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Les adolescents sous la loupe : quelles représentations dans les médias ?
  
[ Bulletin DEI, Dezember 11 Band 17 Nr 4 S.I-II-III ]




Blagena Ramoni, assistante-doctorante à l’Unité d’enseignement et de recherche en droits de l’enfant de l’Institut Universitaire Kurt Bösch, et Sébastien Poscio, animateur socioculturel.

Quelles sont les représentations des adolescents d’aujourd’hui ? Premièrement, une littérature féconde, depuis les travaux de Peter Blos et Erik Erikson, a permis de construire les bases des connaissances scientifiques de l’adolescence. Deuxièmement, les discours médiatiques ont, eux aussi, joué un rôle important et fortement influencé l’opinion publique. Le phénomène s’est très nettement accentué aux cours des dernières décennies (notamment à cause de la démocratisation de l’accès aux divers supports médiatiques).

En effet, l’adolescence a souvent été décrite comme une période de crise et de bouleversement, caractérisée par une évolution rapide sur les plans bio-psycho-sociaux. Cette étape est ponctuée de rites de passage, à valeur symbolique, pour accompagner la transition entre l’enfance et l’âge adulte. En d’autres termes, c’est une période capitale, comportant des enjeux majeurs dans la construction de l’identité, tout en opérant une ouverture sur le monde, à travers l’augmentation de nombreux échanges sociaux.

En passant en revue la littérature scientifique, les recherches sur l’adolescence se sont majoritairement centrées sur des dimensions négatives comme les troubles du comportement, la délinquance juvénile, les problèmes de dépendance, en explorant peu les aspects positifs comme le bien-être, la « capabilité »1 et les ressources des individus. Or, comme l’affirme Cloutier (2008), 95% des adolescents traversent cette période sans séquelle durable et peuvent fonctionner pleinement comme jeune adulte. Autrement dit, en majorité, les adolescents se développent plutôt bien et seuls 5% cumulent des problèmes psychosociaux. Les actions de ces derniers se retrouvent d’ailleurs continuellement sous le feu des projecteurs, notamment dans la presse écrite et les médias audio-visuels.

Pendant la Conférence européenne sur la surveillance de la mise en œuvre des droits de l’enfant, Casas postule que les enfants et les adolescents restent trop souvent « invisibles dans notre conscience collective (ou inconscient) » (Van Loos, 1996). En effet, si l’on compare la visibilité des enfants dans les médias aux données sociodémographiques, la visibilité reste faible (Korac & Vranjesevic, 2003). A partir de ce constat, quelle est la part de visible et d’invisible que rapportent les médias romands ? Autrement dit, certains actes négatifs semblent abondamment couverts par les médias (comme la violence, les déprédations, les problèmes de consommation, l’endettement, etc.). A l’inverse, les réussites des adolescents, comme les initiatives positives, l’engagement dans différents domaines de la société, restent encore largement invisibles. Dès lors, dans quelle mesure les représentations des adolescents véhiculées spécifiquement par la presse écrite, participent-elles à et/ou renforcent-elles l’élaboration d’une vision négative de la jeunesse actuelle ?

Les médias ont une fonction importante et jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l’information. Lors de sa journée de discussion générale « enfant et média », en octobre 2006, le Comité des droits de l’enfant s’est dit préoccupé par « l’image potentiellement négative des adolescents donnée par les médias ». Puis en 2011, dans le Commentaire Général n° 13, le Comité met en garde face à la tendance de certains médias de masse à « utiliser des événements choquants, et par conséquent créer une image stéréotypée et biaisée des enfants, en particulier des enfants défavorisés ou adolescents, qui sont souvent dépeints comme violents ou délinquants simplement parce qu'ils peuvent se comporter ou s'habiller d'une manière différente » 2 (CRC/C/GC/13, 2011).

Quelle est la situation en Suisse romande ? Une enquête succincte de trois quotidiens romands sur douze mois (d’octobre 2010 à octobre 2011) permet l’analyse de cette thématique. Le choix s’est porté sur « 20 minutes », « Le Matin » et « 24 Heures », car ils sont actuellement les quotidiens les plus lus en Suisse romande (respectivement 461'000, 266'000 et 223'000 lecteurs). D’autre part, ils sont représentatifs des journaux consultés par les adolescents eux-mêmes (le « 20 minutes », gratuit, ressort clairement en tête des sondages).

Les mêmes critères de sélection ont été appliqués pour les trois journaux, et au total, 454 articles ont été recueillis sur une période d’une année. Puis, 20 catégories ont été identifiées pour classer les articles en fonction des sujets (école/apprentissage, santé, sexualité, politique, prévention, internet, justice, délinquance, actes de violence à l’encontre d’adolescents, accidents, dépendance et consommation, suicide, discrimination, cinéma, histoire/parcours de vie, héros (ou exemples positifs), coutume et tradition, mode, people, et autres). Cette classification, inspirée des analyses multinationales du réseau sud-américain ANDI (red ANDI latina america et ANDI Agência de Noticias dos Diretos da Infância3), a permis d’esquisser des premiers éléments de réponses sur l’image de l’adolescence rapportée dans la presse écrite.

Les résultats sont sans appel (sans pour autant être strictement scientifiques), ils confirment que, majoritairement, les adolescents sont mis en scène dans deux rôles distincts. Le premier les place sous les traits de victimes d’actes de violence (25,6%) ou d’accidents (14,3%), et le second, en tant qu’auteurs d’actes de délinquance (21,8%). Autrement dit, plus d’un article sur deux positionne l’adolescent dans un scénario empreint de violence et un sur cinq le désigne comme son auteur. Selon Guéniat (2007), il semble pertinent de se questionner sur la « surmédiatisation » des actes de violence qui contribue à l’augmentation du sentiment d’insécurité, puisque la violence apparaît alors comme omniprésente.

En effet, les thèmes développés dans ces pourcentages sont le reflet de toute une palette de comportements, présentant divers degrés de gravité (de la conduite sans permis aux cambriolages, aux bagarres, aux agressions sexuelles, jusqu’au meurtre). Le risque de généralisation de ces comportements à l’ensemble de la jeunesse est important alors qu’ils incombent à une minorité de jeunes pour des faits souvent individualisés. Cette focalisation sur les actes de violence participe à la construction de stéréotypes en défaveur des adolescents, à travers une approche sensationnaliste ou superficielle. En d’autres termes, il y a fréquemment, à tort, une cristallisation des représentations et des filtres de lectures pour bon nombre de personnes du grand public. Et par conséquent, ces préjugés peuvent se répercuter directement sur l’attitude des adultes, leurs décisions et leurs actions envers les adolescents.

Finalement, il est essentiel de noter que ces situations de violence sont hautement préoccupantes, mais, qu’elles reflètent une image trop partielle de la jeunesse actuelle. Pour le Comité des droits de l’enfant, l’image de l’enfant donnée par les médias peut « soit créer et transmettre le respect des enfants et des jeunes ou à l’inverse participer à la propagation de préjugés et de stéréotypes qui pourraient influencer négativement l’opinion publique et les politiciens » 4 (CRC/C/15/Add. 65).

Des sujets tels que la santé des adolescents (2,8%), l’école/apprentissage (4,5%), et la sexualité (2,2%) sont quantitativement moins fréquents. Mais leur contenu révèle bien la complexité des enjeux liés à cet âge et toutes les nuances qu’il s’agit d’y apporter. Il n’y a pas une adolescence, mais bien au contraire de multiples façons de vivre cette période.

En référence aux 95% des adolescents qui se développe plutôt bien, leurs réussites restent encore trop peu visibles dans le traitement médiatique (2,5%). Et le récit de ces expériences bénéfiques pourrait renforcer positivement la construction de l’identité des jeunes.

Conscients de ce phénomène, les médias de masse doivent nuancer davantage l’image des adolescents, même si les articles choquants sont vendeurs. Il existe des directives et principes nationaux et internationaux sur les droits de l’enfant et les médias. Plusieurs initiatives ont d’ailleurs été réalisées pour créer des espaces de discussion entre les journalistes et les spécialistes des droits de l’enfant (par exemple, les formations organisées par l’Institut international des droits de l’enfant, ou encore l’Université d’été 2011 à Louvain en partenariat avec différentes organisations).

Au vu de cette analyse, il ressort que les médias suisses, malgré les codes déontologiques et éthiques, positionnent souvent l’adolescent dans une posture négative. Ainsi, la stigmatisation de l’image des jeunes auprès du grand public est renforcée. Néanmoins, à ce stade, il serait très intéressant d’interviewer les adolescents pour connaître leur point de vue sur cette question. En effet, il paraît indispensable qu’ils prennent part directement à la discussion afin d’apporter un éclairage sur leur sentiment face à la presse locale, dans le but de compléter cette étude.

Finalement, un exemple positif de sensibilisation auprès des médias, au niveau international, mérite d’être cité. Il s’agit du réseau ANDI, qui a contribué et réussi à améliorer la qualité de la couverture médiatique des reportages concernant les enfants et adolescents en Amérique latine. Ainsi, l'ANDI a participé directement à la promotion des droits des enfants et au respect de l’image médiatique des enfants et adolescents. Dès lors, un tel réseau n’aurait-il pas lieu de se développer en Europe ? Dans tous les cas, la situation peut s’améliorer dans les pays européens en se basant sur l’expérience de l’Amérique latine. Reste à savoir si les pays « riches et développés » accepteront de se baser sur un modèle en provenance de pays émergents.

Références bibliographiques :
Blos, P. (1966). On adolescence : A psychoanalytic interpretation. New York : Free Press Paperback Edition.
Cloutier, R., Drapeau, S. (2008). Psychologie de l’adolescence. (3e éd.) Montréal: Gaëtan Morin.
Erikson, E. H. (1994). Adolescence et crise: La quête de l’identité. Paris: Flammarion.
Guéniat, O. (2007). La délinquance des jeunes : L’insécurité en question. Lausanne : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
Institut international des droits de l’enfant. (2006, janvier). Droits des enfants respectés par les médias? Séminaire de formation organisé par l’Institut international des droits de l’enfant en collaboration avec le Centre romand de formation des journalistes.
Korac, N. & Vranjesevic, J. (2003). A roughly mapped terra incognita : Image of the child in adult-oriented media contents. Psychologija, 36 (4), pp. 451-469.
Van Loos, H. (1996). Synthesis of the Discussion at the European Conference on Monitoring Children’s rights. In E. Verhellen (Ed.), Monitoring Children’s rights (pp. 212-223). The Hague : Martinus Nijhoff Publishers.









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