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Défense des enfants international
section suisse
 
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Entretien avec Anne Tursz : la prévalence des carences psychoaffectives dans la maltraitance
  
[ Bulletin DEI, Dezember 11 Band 17 Nr 4 S.III-IV ]




Directrice de recherche à l’INSERM1, pédiatre et épidémiologiste, Anne Tursz2 a étudié auprès d’hôpitaux et de tribunaux de trois régions françaises toutes les morts suspectes de nourrisson de moins de un an survenues durant 5 ans, soit 247 cas. Les statistiques officielles attribuent la majorité de ces décès à une mort subite, à des causes médicales naturelles ou inconnues, à des accidents ou encore à des traumatismes de cause indéterminée. Mais ces diagnostics ne s’appuient que sur de rares examens, dont très peu d’autopsies. Selon les registres, 27 cas sont des homicides, alors que d’après la justice, 80 décès sont très suspects.
La violence est devenue depuis peu une question de santé publique, pourquoi ?
Variant de 1‰ à 1%, les chiffres sur la maltraitance infantile en France sont très éloignés de ceux du Royaume-Uni ou des Etats-Unis où l’on estime, à partir de données plus fiables, qu’un enfant sur 10 est maltraité dans les pays occidentaux. La violence a d’ailleurs longtemps été considérée comme ne relevant que de la justice et de la police en France, sous l’angle de la répression des auteurs. A la suite des études sur le syndrome de stress post traumatique (PTSD), la victimologie a été importée des Etats-Unis. La violence est alors peu à peu entrée dans le domaine de la santé.
Qu’est-ce qui justifiait l’élaboration de votre enquête ?
Un fait statistique commun dans tous les pays : le pic du taux de décès dû à un homicide s’observe avant l’âge de un an. A ce fait s’ajoute une hypothèse relayée par la littérature internationale : sous certains diagnostics, par exemple par mort naturelle ou par mort subite du nourrisson, se cache en réalité une autre cause, l’homicide.
Comment avez-vous procédé pour mener cette enquête ?
Le CépiDc3 recense l’ensemble des décès survenus et connus (donc pas tous les néonaticides, c’est-à-dire les homicides au cours des premières 24 heures de la vie) pour établir des statistiques nationales de mortalité ; il procède également au codage des causes de décès selon la classification de l’OMS, sur la base des certificats médicaux dressés par les médecins. Or ces certificats peuvent être entachés d’erreur, comme nous avons pu le remarquer en croisant les données issues des dossiers judiciaires avec celles des statistiques officielles de mortalité. Bien souvent les homicides étaient classés dans une cause différente.
Quelles sont les conclusions de l’enquête4 ?
La première est la sous-estimation massive du problème. Selon les statistiques officielles du CépiDc, le nombre d’enfants morts par homicide en moyenne sur les 5 ans de notre enquête au niveau national s’élève à 17 par an. Avec le correctif que nous avons établi à partir de l’enquête hospitalière, ce chiffre serait plutôt de 255. Je ne sais pas très bien où se situe la réalité, mais sûrement plus du côté des 255 que des 17, et cela uniquement chez les moins de un an. De la même manière, le taux annuel des néonaticides découlant des statistiques est 5,4 fois inférieur à celui des tribunaux.
La maltraitance traverse par ailleurs toutes les classes sociales, ce que l’on peut constater de manière tout à fait flagrante dans les cas de syndrome du bébé secoué (SBS). Ensuite, la maltraitance n’est pas un fait isolé, accidentel, mais empreint de répétition5 : les enfants de l’enquête sont morts pour la plupart après plusieurs mois de maltraitance chronique avec des lésions d’âge différents.
Enfin, si les facteurs socio-économiques ne jouent pas un grand rôle, les facteurs psychoaffectifs sont eux en revanche massivement déterminants. Presque aucuns des parents dans notre recherche n’est un malade mental. Mise à part 6 individus qui sont des cas de schizophrénie ou de délire, les 74 autres auteurs ont des personnalités fragiles mais pas pathologiques. Ils ont souvent subi eux-mêmes soit de la maltraitance, soit des carences affectives pendant l’enfance. Leur personnalité est mal structurée si bien qu’ils ne supportent pas la frustration ou les exigences d’un petit enfant, et n’ont pas pu nouer de lien affectif avec le bébé à sa naissance, encore moins en cas de prématurité ou d’hospitalisation.
La maltraitance est-elle si difficile à détecter6 ?
Pas selon le tableau de Silverman lequel décrit brûlures, coups, bleus, fractures etc7. Mais un enfant maltraité réunit rarement tous ces éléments, sans compter qu’il faut pouvoir l’examiner. Les médecins ne sont pas toujours prêts à constater la maltraitance, voire cherchent à se convaincre que les lésions observées ne sont qu’accidentelles. La maltraitance est insoutenable et elle interroge sur la famille. Il faut ajouter qu’en France les enfants sont de moins en moins pris en charge par des pédiatres, mais par des généralistes qui n’ont pas été formés aux questions spécifiques à l’enfant. Ils ne sont pas toujours aptes à reconnaître qu’un bébé est triste. Et ce n’est pas du tout évident de faire le lien avec la maltraitance, surtout si l’on ne veut pas y penser, ce qui est le cas de presque tous les médecins, et pas uniquement en France. On vit dans une société qui ne valorise plus les enfants et qui, pour des raisons économiques et politiques, tient un discours populiste envers les familles8. Le travail social n’est pas valorisé, le travail médical n’est pas valorisé, l’enfant n’est pas valorisé. S’ajoute encore le problème de la rentabilité financière des interventions de protection. Certes, certains se mobilisent, mais on ne remplace plus les gens qui partent à la retraite, la PMI9 est en passe de devenir exsangue, la médecine scolaire est complètement déstructurée. Nous vivons une crise très grave, qui n’a rien à voir avec la crise financière. Au nom du libéralisme on a détricoté la protection sociale des plus faibles, notamment des enfants.
Avez-vous un exemple sur le lien de causalité entre ce type de politique et la maltraitance ?
On raccourci toujours plus les séjours en maternité après accouchement, parce qu’il faut libérer les lits. Le départ d’une maman fatiguée, qui n’a pas eu le temps d’apprendre le mode d’emploi de son bébé, est un facteur de risque. On voit se développer des associations comme « Maman blues » ou « Allo parents-bébé », où les parents appellent complétement paniqués en disant qu’ils ne savent absolument pas quoi ni comment faire.
Quels sont les clichés à éviter ?
L’un d’eux est l’association précarité – maltraitance. La base de la maltraitance est l’incapacité à aimer. Or ce n’est pas l’argent qui conditionne cette capacité à aimer. Pourtant ce cliché ne rate jamais. Les professionnels ont beau le savoir, le naturel revient au galop.
Quelle est la priorité pour combattre la maltraitance infantile ?
Agir en amont sur la mentalité des parents, par le biais des programmes d’éducation à la sexualité à l’école. Ceux-ci ne sont pas toujours faits, et lorsqu’ils le sont, ils devraient comporter une partie sur l’affectivité, la parentalité. De même que le plan de périnatalité de 2005 proposait un entretien au 4e mois de grossesse avec les couples et les sages femmes pour dépister une fragilité éventuelle du couple, et dont la mise en place est rarissime.









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