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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Quelles perspectives pour les jeunes sans-papiers
Interview de Alessandro de Filippo
Collectif de soutien aux sans-papiers de Genève

  
[ Bulletin DEI, März 2012 Band 18 Nr 1 S.11-12 ]




– BSDE: Qui est «sans-papiers»?

– Alessandro De Filippo: Le terme désigne toute personne dépourvue de statut légal, donc de titre de séjour l’autorisant à vivre en Suisse; cela ne l’empêche pas de posséder des documents d’identité établis par son pays d’origine. Lorsqu’un immigrant ne provient pas de la zone européenne, il ne bénéficie pas de la liberté d’établissement, et les chances d’obtenir un permis sont infimes. Plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents vivent sans statut légal en Suisse: enfants de travailleurs immigrés sans permis de séjour, de requérants d’asile déboutés, de ressortissants européens à qui le regroupement familial a été refusé.

– Quelle est la mission du Collectif ?

– Notre Collectif poursuit trois missions. Primo, nous informons les personnes qui vivent dans la clandestinité sur différentes problématiques: permis de travail, scolarisation et formation professionnelle, mariage, santé et assurance maladie, etc. Ceci lors des permanences mais nous nous dé- plaçons aussi plusieurs fois par année pour animer des séances et des stands d’information dans les églises, les maisons de quartiers ou lors d’événements typiques de certaines communautés, afin de toucher des gens qui n’oseraient pas venir jusqu’à nous. Nous éditons également une brochure «Vivre à Genève» contenant une liste d’adresses utiles. Secundo, en tant qu’organisation faîtière dont la raison d’être est de porter une demande de régularisation globale des sans-papiers, le Collectif effectue un travail politique auprès des autorités locales et fédérales, à l’occasion de campagnes nationales entre autre. Tertio, nous sensibilisons le public, les médias, et les différentes institutions ou organisations à cette réalité: les sans- papiers sont en Suisse pour travailler parce qu’il y a une réelle demande de main d’œuvre. Ils vivent ici depuis de nombreuses années, ont des enfants scolarisés qui sont intégrés, et restent pourtant dans une très grande précarité. Nous essayons de casser l’image de criminalité toujours liée à la clandestinité.
– Les enfants sans-papiers peuvent-ils recevoir une formation dans l’enseignement post-obligatoire?
– L’article 28 CDE dispose du droit de tous les enfants de recevoir une éducation et d’accéder à une formation, ceci au titre de l’égalité des chances.
L’apprentissage pose un grand problème puisqu’il nécessite de signer avec un maître de stage un contrat de travail validé par l’Office cantonal de la population. Une autorisation de séjour valable est requise, alors que l’on est déjà en infraction avec la Loi sur les étrangers (ci-après LEtr)3. Aujourd’hui, une fois la formation obligatoire terminée, les jeunes sans-papiers peuvent continuer une formation post-obligatoire uniquement en école: au collège, à l’Ecole de culture générale, à l’école de commerce, ou dans certains cantons une formation professionnelle en école. L’accès à un apprentissage classique
n’est pas ouvert. C’est l’objectif à atteindre pour la campagne «Aucun enfant n’est illégal »4, pour laquelle une étape importante a été l’adoption en 2010 de la motion Barthassat5 par le Conseil national et par le Conseil des Etats. L’interdiction de la discrimination et l’égalité de traitement militent en faveur de l’accès à l’apprentissage. Pour deux enfants aux compétences similaires qui auraient suivi la même scolarité, l’un avec et l’autre sans statut légal, quand chacun trouve un maître de stage, l’un peut accéder à la formation, mais l’autre non en l’absence de titre de séjour? A cela s’ajoute une logique économique et sociale, selon laquelle tout le monde est gagnant à laisser un jeune achever sa formation, trouver un emploi et cotiser, plu- tôt que de le laisser dans la rue. La motion Barthassat donne donc mandat au Conseil fédéral de proposer un projet de loi permettant aux jeunes sans-papiers ayant suivi leur scolarité en Suisse d’accéder à cette formation professionnelle. Le texte est assez général et l’incertitude subsiste quant à la solution que choisira l’exécutif. Le projet devrait paraître au printemps 2012.
– Comment l’adoption de cette motion a-t-elle été accueillie?
– Les collectivités locales ont été nombreuses à prendre position sur la question de l’apprentissage. Des municipalités se sont dites prêtes à engager des jeunes sans-papiers. Si ceci n’est pas encore réalisé, l’évolution du débat est encourageante. Pourtant, même si une solution est trouvée pour l’apprentissage, le problème restera identique après l’éducation post-obligatoire, toutes filières confondues. Que faire, une fois le diplôme obtenu, face à l’impossibilité d’obtenir une autorisation de travail ?
– Comment les jeunes vivent-ils cette situation ?

– L’accès au marché du travail légal est une dure réalité qu’ils subissent de plein fouet, un obstacle quasi insurmontable. Beaucoup d’entre eux ont effectué une grande partie ou toute leur scolarité obligatoire en Suisse. Alors que leurs conditions d’étude sont souvent difficiles 6, leur cursus scolaire s’est généralement très bien passé et se poursuit dans l’enseigne- ment post-obligatoire. C’est décourageant de savoir que malgré tous ces efforts, les compétences acquises ne seront probable- ment d’aucune utilité. Sans oublier qu’il est difficile de se motiver quand
le risque d’être contrôlé et expulsé est permanent, et que la perspective d’avenir principale est de ne faire que des «p’tits boulots» au noir. Au fil de la
scolarité, la pression toujours plus forte de l’absence de statut assombrit l’avenir professionnel, et certains explosent en cours de formation; ils ne voient plus que le choix entre travailler au noir ou ne rien faire et donc baissent les bras ou entrent dans un état dépressif. La conscience de vivre une situation différente de celle des camarades ayant un statut est belle et bien présente. L’état de stress et de tension ainsi que le sentiment d’insécurité sont permanents. La représentation des personnes sans-papiers comme étant une population criminelle et profiteuse est non seulement fausse, mais encore intensifie cette pression sociale sur les jeunes. Ceux-ci doivent lutter contre les «étiquettes» qui leur collent à la peau. La campagne nationale contre les criminels étrangers en 2010 a fait des ravages pour l’image des sans-papiers, lesquels ne sont paradoxalement pas concernés par la réforme puisqu’ils sont clandestins donc déjà susceptibles de renvoi. De plus, on ne rencontre pratiquement aucun problème de type pénal avec ces personnes, qui font de la discrétion le leitmotiv de leurs vies. Elles se rendent cependant très bien compte du climat qui règne.

– Que répondez-vous à ceux qui redoutent un appel d’air en cas de régularisation ?

– Contextualisons: évaluer le nombre de sans-papiers est une tâche difficile et les chiffres oscillent entre cent et trois cent mille personnes. La seule certitude est que cette population est bel est bien réelle et qu’il faut en reconnaître les individus, car c’est l’unique moyen d’endiguer la précarité de ces personnes: les régulariser. Un appel d’air est tout à fait improbable. L’histoire le prouve. A la fin des années 90, un manque de main-d’œuvre a touché le secteur porteur pour les sans-papiers, celui de l’économie domestique (ménage, garde d’enfants, accompagnement de personnes dans le besoin, etc). Ces emplois avaient d’abord été typiquement exercés par les épouses de travailleurs saisonniers d’origine espagnole, italienne, portugaise. Lorsque ces dernières ont obtenu un titre de séjour en vertu des accords bilatéraux, elles ont pu accéder à d’autres postes et le secteur a connu un vide que la main d’œuvre locale ne comblait pas. Un appel d’air s’est alors observé, pour s’enrayer dès les places libres repourvues. Appel d’air il n’y a, que proportionnellement au besoin de main d’œuvre, grâce à une autorégulation du marché qui s’explique tout simplement: tout potentiel migrant met en balance les avantages et les risques/inconvénients
qu’il peut raisonnablement anticiper. Si les obstacles sont trop forts, notamment à cause d’un marché saturé, il renonce à partir ou porte son choix ailleurs. On se déplace rarement en choisissant une destination au hasard, encore moins pour établir son centre de vie. Le fait d’avoir déjà un réseau sur place, ne serait-ce que pour recevoir un hébergement, est une condition presque indispensable pour permettre le départ. Les amis ou la famille qui sont sur place peuvent informer le candidat à l’immigration, qui renoncera si les avis sont unanimes et qu’il n’y a pas de travail. Or, toutes les associations en contact régulier avec les sans-papiers ont pu constater que le phénomène d’appel d’air a pris fin après les années 2005- 2006, tout simplement parce que les places de travail étaient prises. Agiter le risque d’appel d’air à toute demande de régularisation c’est ignorer une réalité bien présente. Un sans-papiers n’ayant droit à aucune aide de l’Etat, il ne restera pas s’il ne trouve pas de travail. Depuis la crise financière de 2009, les emplois dans le secteur domestique se sont stabilisés, voire ont diminué. Une régularisation doit être accompagnée de mesures d’accompagnements (obligation de déclaration aux assurances sociale, salaires respectant les contrats-types, suivi et contrôle par l’état de la situation de l’emploi dans le secteur économique concerné). S’il existe des sans-papiers, c’est parce qu’il existe une demande du marché, même en temps de crise économique. Notre évolution démographique nécessite en outre d’assurer un équilibre entre cotisants et rentiers, d’où une grave perte de revenus en cas de travail au noir.

Dans le prochain bulletin, nous ferons le point avec Alessandro De Filippo sur l’accès aux soins et à l’assurance maladie pour les jeunes sans-papiers ainsi que l’accès au marché du travail et la possibilité de cotiser pour les assurances sociales malgré l’absence de permis de séjour grâce à l’organisme Chèque-service.

1. http://www.sans-papiers.ch/site/index.php? id=10&L=4
2. Les substantifs s’entendent le cas échéant en féminin comme au masculin.
3. RS 142.20
4. Les quatre revendications majeures de la campagne sont: la reconnaissance du droit à la formation depuis le niveau pré-scolaire jusqu’à la fin du niveau post-obligatoire, que ce soit en école ou en apprentissage; la fin de la détention des mineurs dans le cadre des mesures de contrainte; une régularisation facilitée des enfants et de leur famille; le respect de la CDE par les services administratifs suisses.
5. Objet parlementaire N° 08.3616.
6. Un jeune m’a expliqué un jour qu’il faisait ses devoirs sur une planche de bois posé sur la baignoire, faute de place et de silence ailleurs.






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