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Défense des enfants international
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La genèse de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la Convention relative aux droits de l’enfant
Par Nigel Cantwell

  
[ Bulletin DEI, September 2012 Band 18 Nr 1 S.I-II-II-IV ]




Dans cet article, Nigel Cantwell partage plusieurs des préoccupations et des interrogations soulevées quant aux répercussions de l’inclusion du concept de l’intérêt supérieur de l’enfant dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE).

Il est cependant beaucoup plus consterné par les tentatives délibérées de détourner la lettre et l’esprit de cette disposition que par le fait même qu’elle existe. Son analyse, fort pertinente, l’amène à expliquer pourquoi il en est question dans la CIDE, de relever les points forts des débats qui ont amené à la formulation actuelle de son article 3 en particulier, et de passer en revue certaines conséquences de cet état de fait.
1. Pourquoi l’intérêt supérieur figure-t-il dans la CIDE ?

La réponse à cette question réside tout d’abord dans le fait que le concept de «l’intérêt supérieur» figurait déjà dans la Déclaration des droits de l’enfant (DDE) de 1959. Vu que la substance de cette Déclaration a été reprise pratiquement mot pour mot dans la première proposition du texte de la Convention soumise par la Pologne en 1978, il était pour ainsi dire inévitable qu’il figure sous une forme ou une autre dans le texte final. La DDE en fait mention dans le cadre de deux dispositions :

«Principe 2 : L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante».
«Principe 7 : L’intérêt supérieur de l’enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents».

Ce projet de texte a été «renvoyé à l’auteur» pour une révision complète avant son examen par le groupe de travail mis sur pied par la Commission des droits de l’homme pour élaborer la Convention.

Pour des raisons que j’avoue ignorer, les références à l’intérêt supérieur ont été très largement développées dans la proposition polonaise ainsi révisée de 1979, celle, donc, qui inspire l’article 3.1 actuel de la CIDE : «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait de leurs parents ou représentants légaux, des institutions sociales ou étatiques, et notamment des tribunaux ou des autorités administratives, l’intérêt supérieur est la considération primordiale».

C’est ce texte qui a été adopté provisoirement en 1980 comme document de base pour le travail d’élaboration de la CIDE.

Il convient de souligner qu’à ce stade :
- les sujets des deux principes distincts de la DDE - d’un côté les autorités, de l’autre les parents - ont été regroupés dans un seul paragraphe;
- la notion de «l’adoption de lois» visant la protection et l’épanouissement de l’enfant a, quant à elle, tout d’un coup disparu, pour être remplacée par une liste d’acteurs qui, paradoxalement, ne comprenaient justement pas ceux qui adoptent les lois;
- l’intérêt supérieur reste«la»considération primordiale.

Nous verrons que, ni le principe, ni l’effet potentiel, de cet élargissement soudain et conséquent des domaines où l’intérêt supérieur devait s’imposer, ne seront débattus par le groupe de travail. Dès lors, la voie était effectivement libre pour une approche très globale de ce concept, avec ses conséquences souvent inattendues et contestées.

2. Les débats qui ont façonné le texte final

L’essentiel des décisions sur la formulation de cette disposition a été pris déjà en 1981, donc avant que les ONG ne se coordonnent pour affiner leurs propositions et optimiser leur impact. À l’époque, les gouvernements n’étaient guère motivés par l’exercice et, dès lors, leurs délégués auprès du groupe de travail étaient en général assez peu préparés. Qui plus est, la plupart de ces délégués étaient loin d’être spécialistes en matière de droits de l’enfant. Signalons en passant que la France, comme bien d’autres pays, ne semble pas avoir participé activement à ces débats.

Tout d’abord, certains délégués ont mis en cause l’opportunité d’attribuer, dans un traité, des obligations formelles aux parents et représentants légaux au même titre que de celles des tribunaux, par exemple. Il fallait donc que cette question de la responsabilité des parents soit renvoyée ailleurs dans la Convention.

Les États-Unis étaient parmi ceux qui souhaitaient restreindre la portée de cette disposition aux seules «décisions officielles, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux ou des autorités administratives», et parler de l’intérêt supérieur comme «une» considération primordiale».

Le groupe de travail a décidé de supprimer le terme «officielles», car redondant à son avis, mais d’utiliser dorénavant cette proposition américaine comme base.

Il est intéressant de noter en passant que, dans son deuxième alinéa, la proposition des États-Unis avait introduit une des bases de l’article 12 sur le droit de l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant.

La proposition polonaise révisée de 1979 contient l’autre base de cet article : le droit de l’enfant «d’exprimer son opinion sur les questions concernant sa propre personne – notamment le mariage, le choix d’un métier, le traitement médical, l’éducation et les activités récréatives».

La liaison implicite ainsi proposée entre l’intérêt supérieur et le droit de l’enfant d’être entendu a toute son importance pour l’interprétation des deux concepts, même s’ils figurent maintenant dans deux dispositions séparées dans lesquelles aucune allusion explicite n’est faite à une éventuelle relation entre les deux.

À la suite de ces débats de 1981, il n’a plus été question de cette disposition avant la première relecture de l’ensemble du texte, début 1988. Et lors de cette première relecture, elle est restée telle quelle.

Une évaluation technique du projet de texte a été effectuée par le Secrétariat de l’ONU en préparation de la dernière session du groupe de travail (fin 1988) qui était chargée de procéder à la deuxième lecture de l’ensemble du texte et à l’approbation de la version finale. Cette évaluation prôna la réintroduction de la référence initiale à l’adoption de lois. C’est ainsi que la mention des «organes législatifs» a été proposée et acceptée sans débat.

Cette évaluation technique posa aussi la question toujours en débat : faut-il que l’intérêt supérieur soit «une» ou «la» considération primordiale ?

À cet égard, certains préconisaient une référence à «la», en évoquant par exemple l’article 5 (b) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979).

Mais il a été signalé que dans ce cas, ainsi que dans d’autres instruments où figure «la» considération primordiale, les situations visées étaient bien plus limitées (p. ex. seulement l’adoption) que celles prévues dans l’article 3.1 de la CIDE. En outre, il a été souligné que d’autres intérêts (de la justice, de la société...) peuvent être au moins aussi importants dans certaines circonstances. Une proposition de la Finlande, selon laquelle il fallait retenir «la» mais seulement dans les décisions concernant le bien-être de l’enfant, a été rejetée, car limitant trop l’envergure de la protection.

Vu l’ampleur des réserves exprimées, il y eut consensus sur «une».

Presque tout le monde s’accordait sur le besoin de laisser vague la notion de l’intérêt supérieur, son interprétation pouvant varier selon le cadre et les circonstances. Seul le Venezuela exprimait clairement un doute à cet égard, en estimant qu’il s’agit d’un concept subjectif. Il regrettait l’absence de précision préalable sur le fait qu’il se réfère au développement global de l’enfant, c’est-à-dire, pour reprendre la DDE, sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social. Mais il n’a pas insisté sur ce point et a rejoint le consensus.

C’est ainsi que l’article 3.1 de la CIDE est formulé en ces termes : «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale».

À titre de comparaison, notons que la Charte africaine des droits et du bien- être de l’enfant (pourtant adoptée après la CIDE, en 1990) aborde la question de l’intérêt supérieur d’une façon qui rappelle fortement la proposition révisée de la Pologne en 1979. L’article 4 de cette Charte stipule que : «Dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale».

Nous aurions encore plus de peine à définir les responsabilités, capacités et critères en la matière, me semble-t-il, s’il fallait se baser sur un tel énoncé...

Dans les autres dispositions de la CIDE

Ailleurs dans la CIDE, il y a bien entendu des variations ad hoc dans la qualification de l’importance de l’intérêt supérieur.

Il devient ainsi le facteur déterminant pour déroger à un droit dans trois cas :
Art. 9 : « (...) que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins (...) que cette séparation ne soit nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (...)»;

Art. 37.c. : «Tout enfant privé de liberté (...) sera séparé des adultes, à moins que l’on n’estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant (...)»;

Art. 40.2.b.III. : «à ce que sa cause soit entendue sans retard par une autorité ou une instance judiciaire compétentes, indépendantes et impartiales, (...) en présence de son conseil juridique ou autre et, à moins que cela ne soit jugé contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant en raison notamment de son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux».

Il est vrai qu’il existe un risque d’application abusive de ces dérogations sur le seul critère, de surcroît indéfini, de l’intérêt supérieur. Toutefois, il est non moins vrai qu’il y a des situations où les autres droits de l’enfant – notamment la protection – pourraient être gravement compromis s’il fallait adhérer coûte que coûte aux obligations de base dans ces trois dispositions. En outre, rappelons que dans le domaine des droits de l’homme cette formule n’est pas une invention de la CIDE. Ainsi, le Pacte international des droits civils et politiques de 1966 stipule pour sa part que «tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l’intérêt de mineurs exige qu’il en soit autrement »
.
L’intérêt supérieur doit également être la considération déterminante en matière d’adoption :
Art. 21 : « (...) l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération primordiale en la matière (...)».

Et, comme nous l’avons déjà évoqué, il doit être la préoccupation fondamentale chez les parents :

Art. 18.1 : Les parents ou, le cas échéant, ses représentants légaux doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ces exceptions explicites à part, c’est donc l’intérêt supérieur de l’enfant comme «une considération primordiale» parmi d’autres qui s’applique par défaut.

3. L’esprit du texte et les répercussions du consensus

En analysant leurs contributions aux débats, il est difficile d’appréhender les intentions précises des rédacteurs gouvernementaux. Toutefois, il semble que leur souci principal ait été d’ajouter aux garanties contenues dans les droits et non pas d’en réduire la force ou l’applicabilité, et encore moins d’imposer une approche paternaliste de dernier ressort qui pourrait contrecarrer valablement le respect des droits dans le traité.

L’obligation des États selon l’article 3.1 est celle d’assurer qu’il soit tenu compte systématiquement de «l’intérêt supérieur» de l’enfant, parmi d’autres, dans tout processus de prise de décision par les entités mentionnées dans cette disposition. Or, soyons clairs, il va de soi que toute décision de ce genre doit nécessairement respecter l’ensemble des droits : ceux des enfants, certes, mais aussi ceux des autres.

À l’époque, on avait surtout à l’esprit la protection de l’intérêt de l’enfant dans des cas de divorce et de garde, où l’enfant risquait de faire les frais face aux exigences des parents, ou encore les décisions concernant le besoin de placer un enfant hors de sa famille. On parlait aussi des prises de décision lors de «conflits de droits», le besoin, voire le désir, de l’enfant de travailler par rapport à son droit à l’éducation, par exemple.

Depuis 1989, d’autres situations se sont fait reconnaître où l’intérêt de l’enfant peut guider utilement ceux qui ont une responsabilité décisionnelle. Quelle réponse faut-il appliquer, par exemple, à tel enfant chef de famille, à sa fratrie, ou aux enfants migrants ou réfugiés non accompagnés ? Plusieurs options, toutes en conformité avec leurs droits, se dessinent en théorie, et c’est bien l’intérêt de chaque enfant qui devrait en guider le choix. D’où l’heureuse initiative du Haut-commissariat pour les réfugiés qui a élaboré en 2008 son guide pour déterminer l’intérêt supérieur des enfants, pris individuellement, dont il a la responsabilité de par son mandat.

À part ce genre d’exceptions, il n’est pourtant pas évident, à mon sens, que le concept ait l’importance que l’on voudrait lui prêter généralement, dès lors que les autres droits de l’enfant sont maintenant codifiés et formellement acceptés. Il avait sûrement une signification plus grande – mais pas du tout nécessairement plus heureuse – au temps où ces droits n’étaient qu’au stade de déclarations ou de requêtes.

Avant, presque toute action pouvait être «justifiée» au nom de telle ou telle interprétation de cet «intérêt». Aujourd’hui, les droits établis servent à la fois de prescriptions et de garde-fous : l’utilité de la notion est donc ainsi limitée, en principe, aux seuls cas d’indécision bien-fondés face à deux ou plusieurs solutions qui seraient conformes aux instruments des droits de l’Homme.

Une inquiétude

C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis fort préoccupé par la décision du Comité des droits de l’enfant de désigner l’intérêt supérieur comme un des quatre principes généraux de la CIDE. Il a pris cette décision unilatérale lors d’une de ses premières séances – en 1991 – vouée spécifiquement à l’élaboration de son guide pour les États qui doivent rédiger leurs rapports à l’intention du Comité.

À partir de ce modeste début, il semble être devenu quasi obligatoire de considérer les quatre droits concernés, dont l’intérêt supérieur, comme revêtant une importance singulière à chaque fois que l’on invoque la CIDE.

Il y a déjà un danger manifeste lorsqu’on «élève» tel ou tel droit humain à une position spéciale : ce faisant on tend à créer une espèce de hiérarchie qui va à l’encontre même de la conception des droits humains. Ce danger est d’autant plus aigu lorsqu’il s’agit d’une disposition dont la portée voulue n’aurait sûrement jamais dû être perçue d’une façon aussi générale.
 Cette initiative a peut-être malheureusement contribué au développement de certaines interprétations particulièrement mesquines de la disposition sur l’intérêt supérieur, et c’est ici que le vrai problème se pose. Selon ces interprétations, «l’intérêt supérieur» constitue désormais une espèce de carte atout, une sorte de super droit qui permettrait de bafouer d’autres droits «pour le bien de l’enfant» : comprenez par là, en général, carte blanche pour le déplacer.

Sur cette base, on promeut, par exemple, l’évacuation d’enfants en situations de catastrophe sans se préoccuper des procédures établies pour protéger leurs droits, des adoptions pour donner de «meilleures conditions matérielles de vie» à un enfant qui a pourtant une famille... et tant d’autres réactions consistant à «sortir les enfants à tout prix et peu importe les conséquences». Effectivement, ce genre d’approche n’a rien à voir avec les droits humains de l’enfant, et tout à voir avec le paternalisme charitable d’antan, de l’époque où la CIDE n’existait pas...

Pour conclure, il semble évident que personne n’avait vraiment songé aux implications possibles de l’élargissement soudain, de par la CIDE, du champ couvert par le principe de l’intérêt supérieur, alors que, auparavant, il était assez bien ciblé. En plus, si la CIDE précise plus ou moins les responsabilités pour l’application du principe, elle ne donne aucune indication quant aux éléments qui permettraient de déterminer adéquatement son application au cas par cas.

Mais le besoin implicite d’un processus clair pour déterminer l’intérêt des enfants, des mineurs, est reconnu depuis longtemps – nous l’avons vu – dans les instruments des droits humains. Et justement, maintenant on s’active, à raison, surtout à identifier les éléments pour la détermination de «l’intérêt supérieur» – y compris la place à accorder aux opinions et désirs exprimés par l’enfant concerné – plutôt qu’à essayer de définir des solutions fixes et passe-partout qui seraient soi-disant conformes à cet «intérêt». C’est le sens de l’initiative de DEI-France et c’est sûrement ainsi que nous nous sortirons le mieux de ce dilemme.












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