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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


De la poursuite universelle des crimes organisés envers les enfants ...
Par Bernard Boëton

  
[ Bulletin DEI, Dezember 2012 Band 18 Nr 1 S.4-5 ]




Depuis plusieurs décennies déjà, les organisations non gouvernementales ont intégré le droit, national ou international, comme instrument d’action au service des bénéficiaires de leur action. Ni élus ni mandatés pour interférer dans le domaine législatif, les ONG estiment cependant que le droit est l’expression des valeurs d’une société civile et que ni le législateur ni les juristes n’ont le monopole du débat juridique.

De quel droit les ONG interviennent-elles ? De ce dont elles témoignent sur le terrain, de ce que personne ne peut taire ou laisser passer, de ce monde d’ « en-bas » qui est parfois celui du « sous- sol".... "Le malheur des hommes ne doit jamais être le reste muet de la politique", disait Michel Foucault, qui ajoutait : « Il existe une citoyenneté internationale qui a ses droits et ses devoirs".

Mais la légitimité de la contribution des ONG au débat législatif a pour contrainte le respect de certaines règles :
1) Une indépendance totale de tout pouvoir institué, politique ou idéologique : il ne s’agit ni de promouvoir une vision du monde, ni de « créer du droit » pour le plaisir, ni de se positionner dans les médias, mais de faire vivre la dialectique du droit et de la réalité : soit le droit est excellent, mais il n’est pas - ou mal - appliqué ; soit, face à des situations de nature ou d'ampleur nouvelles, le droit est insuffisant ;
2) Une capacité d’argumentation juridique ne doit jamais exprimer une volonté de surenchère moralisatrice ou de surfer, par démagogie, sur l’émotion, même légitime de l’opinion publique ;
3) Une ONG ne doit jamais prétendre se substituer au législateur, ni à la justice, ni aux victimes, et encore moins parler en leur nom : il faut donner la parole aux victimes qui exigent leur droit, mais en aucun cas s’exprimer à leur place.

Lors de la Conférence de Rome (1998) portant création de la COUR PENALE INTERNATIONALE (C.P.I.), les statuts définissent des crimes spécifiques contre les enfants, entrant dans la compétence de la CPI :
- le transfert forcé d’enfants est un acte de génocide ;
- l’enrôlement forcé des enfants de moins de 15 ans par des Etats ou d’autres groupes ou les utiliser dans des conflits nationaux ou internationaux est un crime de guerre ;
- l’esclavage et le trafic d’enfants, les viols, violences sexuelles, prostitution, grossesse ou stérilisation forcées sur mineurs, sont des crimes contre l’humanité ;
- l’attaque en connaissance de cause sur les populations civiles, dont les institutions d’éducation, sera poursuivie ;
Par ailleurs, la CPI prévoit d’autres formes de protection :
- les enfants de moins de 18 ans sont exempts de poursuites par la CPI. Il faut noter ici la jurisprudence créée par le Secrétaire Général de l’ONU (K.Annan en octobre 2000) demandant que la Cour Spéciale pour la Sierra Leone n’engage pas de poursuites judiciaires contre les mineurs enrôlés dans les combats et responsables de crimes pendant la guerre civile, mais que tous les efforts se concentrent sur leur réhabilitation et leur réintégration.
- les Juges doivent compter parmi eux des experts de la violence contre les enfants ;
- la Division des Victimes et Témoins donnera conseils, protection et soutien par l’intermédiaire de spécialistes des traumatismes ; le Procureur devra prendre des mesures pour assurer la sécurité et le bien-être des témoins mineurs pendant les enquêtes et procès.
- il faut rappeler aussi que la CPI dispose d’une procédure de collaboration entre les ONG et le Procureur.

Au-delà des Statuts de la Cour Pénale Internationale, il est alors légitime de poser la question suivante : certaines formes de criminalité organisée contre les enfants ne justifient-elles pas la qualification, la poursuite et la condamnation au titre de « Crime contre l’humanité » ? Rien, en effet, ne s’oppose à ce que cette qualification soit utilisée hors des situations de conflits armés. Or, il existe une criminalité organisée envers les enfants parce que ce sont des enfants, et parce qu’ils disposent, selon leur âge et leur maturité, d’une capacité relative de d’exprimer, de discerner et de se défendre - ce qui légitime la question d’une qualification aggravée.

Autour de cette criminalité organisée et systématique visant à, ou aboutissant, en connaissance de cause, à la destruction physique et/ou psychologique irréversible des enfants, s’ajoute, dans certaines situations, une responsabilité de l’Etat, par complicité active ou passive.

L’idée d’une responsabilité pénale de l’Etat fait sourire, parce qu’on ne peut pas mettre un Etat en prison : c’est là un aspect du problème de la compétence universelle, en ce sens qu’il n’y a pas de criminalité organisée à grande échelle contre des enfants sans que, le plus souvent et d’une manière ou d’une autre, l’Etat n’ait une responsabilité. Or on voit mal un Etat, à la fois source et garant du droit, engager la poursuite d’auteurs d’une criminalité qu’il a initiée ou couverte.

L'expérience de terrain montre :
- que si la compétence universelle est problématique du point de vue juridique, les faits, les crimes et les souffrances sont, eux, vraiment universels; ils sont de même nature, révèlent et répètent universellement les même données, les mêmes défaillances, les mêmes incuries et impunités.
- que dans la poursuite de ces crimes, le cadre juridique national, comme la volonté politique, sont le plus souvent insuffisants ; les juges et procureurs savent à quel point, dans certains pays, c'est la demande de coopération judiciaire internationale qui enclenche - ou réveille - des procédures et des poursuites au niveau national ;
- que certaines formes de criminalité organisée envers les enfants ne sont pas moins graves si elles s'exercent en-dehors de tout conflit armé, et que dans un monde économiquement globalisé, l'intérêt économique face à des populations démunies engendre au moins autant de violations graves des droits de l'enfant que les conflits armés.
Nous sommes en effet – et de manière irréversible – dans un monde où la souveraineté d’un Etat s’exerce désormais aussi dans un cadre juridique universel face à des crimes dont il ne peut se prétendre à l’abri, de même qu’aucun Etat ne peut se permettre d’être un sanctuaire d’impunité pour une catégorie de criminels qui savent jongler de la diversité et du cloisonnement des lois nationales.

La souffrance des enfants est universelle, les témoignages sont universels, l'émotion publique est universelle, les valeurs de référence sont universelles, les formes de criminalité organisée sont, elles aussi, universelles : il n'y a que les procédures et compétences judiciaires qui ne le sont pas...

On peut s'étonner que la controverse sur la compétence universelle soit jugée légitime - et passionnante - lorsqu'il s'agit de la poursuite de Chefs d'Etats ou de dictateurs sanguinaires, et qu'elle soit considérée comme pusillanime lorsqu'il s'agit de criminalité organisée envers une multitude d'enfants assassinés, violés, exploités.
A quel degré de cruauté et de barbarie de masse sur les enfants faudra-t-il arriver pour que la question de la qualification de la criminalité organisée envers les enfants soit prise au sérieux au titre de crime contre l’humanité ?







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