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Défense des enfants international
section suisse
 
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QUAND LES OUTILS DE COMMUNICATION ISOLENT :
LE HARCELEMENT-CYBERHARCELEMENT !

  
[ Bulletin DEI, Juni 2014 Band 20 Nr 1 S.I-II-III ]




Parmi les dérives liées aux nouvelles technologies qui envahissent les gros titres de nos quotidiens, il en est une qui, depuis environ trois ans, prend une part de plus en plus grande : le cyberharcèlement, cyberbullying ou encore cybermobbing… Trois vocables pour désigner un seul et même phénomène.

Avant d’entrer dans la dimension « numérique » du phénomène, peut-être est-il intéressant de s’arrêter quelques secondes sur la définition plus large de la notion de harcèlement, plus particulièrement dans le cadre scolaire.

Qu’est-ce que le « harcèlement » ?

Dan Olweus, docteur en psychologie suédois précurseur, travaillant sur la problématique depuis le début des années 70, définit la notion de harcèlement de la manière suivante :

Il s’agit d’une forme de violence, habituellement perpétrée entre pairs, qui comprend :
- Une intention délibérée de nuire à quelqu'un sans raison identifiée ou identifiable,
- Une répétition régulière de l'agression envers une même personne,
- L'émergence d'une relation de pouvoir déséquilibrée entre l’auteur (ou les auteurs) et la victime.

Violence souvent « sourde » et banalisée, le harcèlement est rarement « visible », notamment aux yeux des adultes. Il peut se traduire concrètement par des insultes, des moqueries, des gestes obscènes, des rumeurs, des menaces, du racket, des coups, des bousculades, de l’ostracisme, des propos racistes ou homophobes… Cette liste n’étant bien évidemment pas exhaustive.

Dans une étude datant de 1996, le professeur Christina Salmivalli, actrice majeure du programme de prévention du harcèlement finlandais Kivu, décrit la complexité du processus de harcèlement, notamment par la pluralité des rôles qu’il implique. En effet, il serait très réducteur de penser que ce phénomène n’implique que deux acteurs : l’auteur et la victime. Dans une même situation de harcèlement on peut déceler un ou des "agresseurs meneurs", des "agresseurs suiveurs", des "agresseurs renforceurs" (qui, par leur comportement, renforcent l’agression, par la moquerie directe, par exemple), des "défenseurs", des "témoins" (qui ne prennent pas parti…), des "outsiders" (qui étaient à proximité mais n’ont pas compris la portée de ce qui se passait, des "victimes"… Pour ajouter à cette complexité, il n’est pas rare de voir se développer le phénomène d’"agressés-agresseurs", qui en viennent à harceler pour ne pas être harcelés eux-mêmes.

De nombreux chercheurs ont aussi mis en exergue le fait que l’auteur de harcèlement pouvait et devait aussi être considéré comme ayant autant besoin d’aide que sa victime et que laisser un enfant ou un adolescent entrer dans cette logique pouvait avoir des conséquences négatives très importantes sur son avenir.
Lorsque l’on lorgne du côté des lois, dans le cas particulier de la Suisse, et contrairement à pratiquement tous nos voisins européens, il est tout de même intéressant de noter qu’en termes juridiques et contrairement au harcèlement sexuel , il n’existe pas de disposition légale (en dehors de la loi du travail, qui ne s’applique généralement pas aux écoliers et étudiants) qui évoque le harcèlement moral. Nous ne disposons que de jurisprudence à ce propos.
Une « numérisation » du phénomène ?

L’avènement des réseaux sociaux et des appareils dits « nomades » (tablettes, smartphones,…) qui permettent de se connecter à tout moment et en toute situation, a grandement contribué à ce que les phénomènes de harcèlement se complexifient et deviennent encore plus pernicieux. Via son téléphone, son profil Facebook, un groupe What’s App ou un profil sur Ask.fm créé par un tiers, une victime peut voir sa réputation se salir, son image se dégrader ou son intimité livrée au monde entier, sans pratiquement rien pouvoir faire : c’est ce que l’on appelle aujourd’hui le cyberharcèlement.

Si les études les plus récentes démontrent qu’il n’y a généralement pas de cyberharcèlement sans harcèlement, il y a plusieurs dommages collatéraux spécifiques à la dimension numérique et qui rendent l’impact du harcèlement encore plus puissant :
- La fréquence : par les appareils mobiles, la victime peut être atteinte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, y compris dans des espaces qui restaient jusque là sécurisés : la maison, sa chambre, pendant les cours à l’école et ce de manière très intensive.
- L’audience : notamment par les réseaux sociaux, qui mettent en lien de nombreux cercles différents de contacts (amis, famille, connaissance, liens professionnels…), c’est potentiellement à 2 milliards d’Internautes qu’une information peut être accessible.
- La diffusion : il est très difficile d’imaginer à quel point une information circule vite et loin aujourd’hui. On relaie, on forwarde, on « like »… Lorsque l’on parle de « diffusion virale », on est encore bien loin du compte. C’est parfois une question de minutes…
- La permanence des informations véhiculées par Internet : une image, un « post », un commentaire ou un profil resteront indéfiniment en ligne et, même si une procédure légale est engagée, rien ne pourra garantir que l’une ou l’autre de ces publications ne réapparaîtra pas au moment le moins opportun, parfois des années plus tard.

Par ailleurs, de par sa nature « numérique », la dimension « cyber » du harcèlement rend le phénomène encore plus caché, encore plus invisible. En effet, apanage des nouvelles générations, les technologies de l’information et de la communication sont encore très souvent mal connues et mal maîtrisées par les adultes qui encadrent les jeunes, que ce soit les parents ou les enseignants. Difficile donc de se rendre compte de ce qui se passe, de faire des liens entre un changement de comportement chez un enfant et sa « vie numérique ». La plupart du temps, les jeunes, ayant conscience qu’il y a là un domaine peu connu et peu perceptible de la part des adultes, vont prendre grand soin de se taire.

Ainsi, le fameux « fossé technologique » ne fait pas qu’éloigner les générations, il peut aussi contribuer à isoler certains jeunes, qui, de peur de ne pas être compris, par sentiment de honte ou de peur de se voir supprimer les équipements dont ils disposent, vont s’enfermer dans le silence.

« Chez nous » aussi ?

Afin de permettre au lecteur de se rendre compte de l’ampleur du phénomène du harcèlement-cyberharcèlement en Suisse Romande, nous avons choisi d’évoquer ici deux études réalisées récemment en Suisse, l’une en Valais et l’autre à Genève.

- Selon l’étude valaisanne, menée par l’Institut Universitaire Kurt Bosch, de Sion au niveau de la division primaire, sur un échantillon de 4'000 élèves de 10 à 13 ans :
o 5% à 10% se disent fréquemment persécutés par des pairs
o 8,7% se disent victimes de violences verbales
o 5,5% se disent victimes de violences physiques
o 2,2% de cyber-harcèlement
- Selon l’étude genevoise, menée par le Service de Recherche en Education (SRED) auprès de 3000 élèves au cycle d’Orientation (13-15 ans) et au postobligatoire (16-20 ans), en 2012 :
- au CO (1200 élèves) :
o 8% se disent victimes de harcèlement ou de cyber harcèlement
o 2% se disent victimes de cyber-harcèlement
- au PO (1800 élèves)
o 4% se disent victimes de harcèlement ou de cyber harcèlement
o 2% se disent victimes de cyber-harcèlement

Pour Genève, on parle donc bien d’un total de près de 2000 élèves pour le CO et le PO qui sont victimes de harcèlement. Et c’est sans compter les élèves du primaire…
Le phénomène est donc suffisamment répandu pour que des mesures soient prises dans les plus brefs délais.

Agir et réagir !

Action Innocence s’engage dans ce sens puisque, suite à la deuxième enquête évoquée ci-dessus, le DIP nous a sollicités pour participer à son plan d’action contre le harcèlement et le cyberharcèlement.

Trois établissement du primaire, trois du secondaire et trois du postobligatoire constitueront la colonne vertébrale de la phase pilote d’un projet cantonal. Le Service de la Santé de l’Enfance et de la Jeunesse (SSEJ), le Service de Médiation Scolaire (SMS-Le Point) et Action Innocence associeront leurs compétences pour mettre sur pied un programme qui aura pour objectif principal de sensibiliser et de former les adultes afin d’améliorer la détection, l’intervention et la prévention en matière de harcèlement. Sur les années suivantes, le programme devrait se généraliser à tous les établissements du canton.

On pourrait se demander pourquoi ce sont les adultes qui sont prioritairement visés par ce programme. De très nombreuses études, dont celles d’Eric Debarbieux, Directeur de l’Observatoire International de la Violence à l’Ecole démontrent que le facteur le plus pertinent pour lutter contre le harcèlement entre pairs reste les adultes qui entourent les jeunes, que ce soient les parents ou les encadrants scolaires et éducatifs. Il nomme ainsi, au travers de ses ouvrages les facteurs de protection qui faciliteront une lutte active contre le harcèlement et les violences scolaires :

• L’activation d’un système disciplinaire clair et cohérent, non coercitif.
• L’absence de conflits au sein du personnel.
• Le travail de collaboration entre adultes.
• La stabilité des équipes éducatives et leur ancienneté.
• Les activités communautaires pratiquées avec l'Ecole.
• L’implication et la collaboration des parents.
• La présence bienveillante des adultes dans les couloirs (marque d'implication dans la vie des élèves).
• La qualité des relations enseignants/ enseignés.
• L’effectif des classes, l’efficience des petites structures.

On voit bien l’importance du rôle de l’adulte dans ce phénomène. Ainsi, il serait bon que les professionnels qui entourent les enfants et les adolescents soient capables de :

• Détecter de manière précoce les situations de harcèlement
• S’interposer en tant qu’adulte
• Le fait de repérer les enfants isolés
• Savoir écouter
• Être capable de distinguer les petites plaintes de la souffrance réelle
• Chercher à croiser les regards
• Contacter les parents
• Déconseiller fortement aux parents de régler seuls ces problèmes
• Apporter des réponses cohérentes
• Gagner le pari de la prévention.

Un pari ? Non… un challenge !

Et c’est la tâche à laquelle nous allons nous atteler. Il s’agit bien là d’un pari, d’un challenge, qui sera long, ardu et complexe, et qui imposera aux adultes de comprendre notamment les phénomènes liés aux nouvelles technologies et à leur impact sur la jeunesse. Il va s’agir pour nous de faire le lien entre « la vraie vie » et les mondes numériques et de passer par la case « éducation numérique », en abordant aussi bien le développement de l’esprit critique, le renforcement de la capacité à faire des choix éclairés, la citoyenneté (aussi bien « incarnée » que « numérique ») que le renforcement de la capacité d’autoprotection de chacun. Ce sont là les quatre axes fondamentaux de tous nos programmes de prévention des risques liés aux TIC .

Plus le temps passe, plus cet engagement est urgent : si nous n’avons pas aujourd’hui à déplorer (à notre connaissance) en Suisse de cas de suicide d’un mineur dû au harcèlement ou au cyberharcèlement, cela n’est pas le cas de nos voisins. N’attendons pas et… agissons !


Sébastien Gendre
Responsable Département Prévention et Formation
Action Innocence Suisse
www.actioninnocence.org








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