Les yeux tristes, le regard évasif, Jean-Paul M., 16 ans aujourd'hui, raconte sur un ton monocorde sa vie de Craps. «Lorsque les rebelles ont attaqué Kigali, ma famille a été tuée et j'ai rejoint un bataillon de l'armée qui m'a enrôlé pour transporter des munitions. Mais, après quelques jours, ils ont donné des fusils aux jeunes qui le désiraient. J'ai pris le mien et j'ai participé aux combats».

A-t-il tué? Après un long silence il répond: «Je ne sais pas…c'est possible…». A-t-il eu peur? « Une fois j'ai eu très peur lors d'une embuscade. Nous étions encerclés et les tirs fusaient de tous les côtés. A ce moment-là, j'aurais aimé être un oiseau afin de me sauver». Jean-Paul affirme s'ennuyer dans le camps de réfugiés dans lequel il vit depuis douze mois au Sud-Kivu: «Je ne retournerai au Rwanda qu'avec les armes», affirme-t-il avec conviction.

Béatrice N., 15 ans, ne veut plus entendre parler de l'armée et des militaires. Enrôlée de force durant le printemps 1994 par la femme d'un haut gradé de l'ancienne armée gouvernementale alors qu'elle recherchait sa famille, elle a travaillé comme aide cuisinière.

«On m'a souvent maltraitée», dit-elle d'une voix hésitante. «La plupart des filles Craps de moins de quinze ans ont été violées par les militaires. Moi, j'ai souvent été sollicitée…».