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Défense des enfants international
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Mettre fin aux châtiments corporels envers les enfants: ce que dit la Convention
  
[ Bulletin DEI, décembre 1998 Vol 4 No 4 p. I, II, III, IV ]

Par Judith Karp vice-présidente du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies*




Les enfants battus, giflés et tapés sont encore très nombreux. Et pourtant, le discours public a changé: la question des châtiments corporels est soulevée avec plus de clarté et de force et l’espoir existe d’améliorer réellement la condition des enfants maltraités. Les changements en vue sont le corollaire de la culture «droits de l’enfant» que promeut la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). Cette culture amène dans son sillage un nouveau langage: protéger les enfants contre les mauvais traitements n’est plus seulement une question de volonté politique ou un privilège que les gouvernements décideraient tout à coup d’accorder aux enfants; c’est une affaire de droits et d’obligations, de revendications et de devoirs.




*Traduction condensée d’un exposé présenté à la Conférence «Ending All Physical Punishment Of Children In Europe», Séminaire de Barcelone, 19 octobre 1997.

Le droit de l’enfant d’être protégé contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, de négligence et de mauvais traitements, ainsi que l’obligation parallèle des gouvernements de prendre toutes les mesures appropriées pour y parvenir découlent des articles 19 et 4 CDE. D’autres droits intéressent le champ de la maltraitance et obligent les gouvernements: interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants (art. 37), protection contre les atteintes illicites ou arbitraires à la vie privée et familiale (art. 16), garantie d’une discipline scolaire compatible avec la dignité de l’enfant (art. 28.2), droit de l’enfant maltraité ou abusé à des mesures de réadaptation et réinsertion (art. 39), traitement humain et respectueux dû à l’enfant privé de liberté ou poursuivi pour une atteinte à la loi pénale (art. 37.c et 40.1).

Le recours aux concepts de «droits» et «obligations» ne constitue pas seulement un changement de terminologie. C’est également une évolution de nature légale: les droits et obligations doivent être respectés et, s’ils ne le sont pas, il y a lieu d’agir et de remédier aux violations. Les Etats parties à la Convention ont l’obligation de réaliser et de renforcer les droits qu’elle énonce et le Comité des droits de l’enfant a été établi pour surveiller la mise en oeuvre de cette obligation.

La Convention relative aux droits de l’enfant promeut la dignité humaine de l’enfant: cette dignité est la référence normative qui inspire tous les droits énoncés. […] Les quatre principes généraux animant la Convention, qui sont également formulés en tant que droits, découlent directement de ce droit de l’enfant à la protection de sa dignité : non discrimination (art. 2), intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), droit à la vie, à la survie et au développement (art. 6) et respect des opinions exprimées par l’enfant (art. 12). Le droit à un développement harmonieux est l’essence de la dignité humaine et tous les droits de l’enfant servent à sa réalisation. Il reflète la nouvelle image de l’enfant tel que la Convention le voit: ce n’est plus seulement un sujet vulnérable de protection, mais une personne humaine active, en plein développement et participante, possédant des capacités évolutives et ayant droit au respect de sa dignité humaine en tant qu’être autonome.

Les châtiments corporels sont une forme d’atteinte à la dignité humaine de l’enfant. Ils mettent en danger le droit de l’enfant à son intégrité personnelle. Ils portent atteinte également au droit de l’enfant à la protection de la sphère privée entourant sa personne. […] La ligne de démarcation entre les châtiments corporels et ce qui est appelé «punition raisonnable», celle qui sépare ces deux concepts des abus ou mauvais traitements physiques ou mentaux est trop fine pour être appliquée en pratique; en effet, elle ne peut protéger les enfants contre des risques pour leur personne. L’usage excessif de la force et la fréquence des blessures accidentelles sont une réalité concrète. Les dangers que recèle le passage des punitions corporelles aux abus et mauvais traitements sont corroborés par la recherche: plus de la moitié des abus se produisent dans la foulée des châtiments corporels.

Exposer les enfants à ces atteintes n’est pas compatible avec leur intérêt supérieur. De plus, les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, constituent une interférence qui peut nuire au développement harmonieux de l’enfant. Ils peuvent susciter chez lui un comportement agressif et un manque de respect pour la dignité de la personne et les libertés fondamentales d’autrui (voir sur ce point l’art. 40.1 CDE). Les châtiments corporels, aussi légers soient-ils, humilient. Ils minent l’estime de soi, le respect de soi et la confiance en soi. Ils reflètent une attitude dominante et non communicative. Ils négligent les opinions et les vues de l’enfant, l’empêchent d’accéder à la compréhension et à la logique, et nient son droit à la participation. […]

Les articles 19 et 37.a de la Convention visent tous deux la protection de l’enfant contre toutes les formes de violence physique et mentale. Les valeurs ici protégées constituent la base des normes pénales punissant les atteintes à la personne; elles sont valables pour toute personne humaine. Accepter de recourir à un prétendu «usage raisonnable de la force» envers les enfants alors que cela est interdit envers les adultes signifie que les enfants ne sont pas considérés comme des personnes égales et que leur personne a une valeur moindre que celle des adultes. Pourtant, la protection de l’intégrité personnelle de l’enfant et sa protection contre des traitements dégradants sont encore plus essentielles que cela n’est le cas pour les adultes, en raison de l’état de développement dans lequel l’enfant se trouve. […]

De trop nombreuses personnes dans de trop nombreux pays considèrent les châtiments corporels comme une «norme» éducative raisonnable, efficace et inoffensive, bien établie dans le temps et dans la tradition, universelle en somme. Elles sont convaincues que, même liés à l’usage de la force, ces châtiments ont une valeur de rachat et se situent hors du champ de la violence lorsqu’ils sont raisonnablement appliqués. Le Comité des droits de l’enfant défend des vues opposées: il se base pour cela sur l’approche holistique et sur l’indivisibilité des droits de l’enfant. Les experts qui le composent n’ont pas encore élaboré d’observation générale sur ce thème, mais ils ont entre les mains des lignes directrices, des rapports, le résultat des discussions lors des journées thématiques, les observations faites lors de la discussion des rapports étatiques et les observations et conclusions émises suite à l’examen de ces rapports. Tous ces éléments révèlent une approche claire et dépourvue d’équivoque qui conduit à renier et dénoncer les châtiments corporels.

Il faut admettre que le Comité des droits de l’enfant n’a pas abordé systématiquement cette question dans ses observations et recommandations aux Etats membres. Lors des huit sessions ici considérées (de la neuvième à la seizième, soit entre 1995 et 1997), il a soulevé le problème dans la moitié des rapports examinés, même si la situation prévalant dans les autres pays n’était pas substantiellement différente. Mais si le Comité n’a pas été cohérent face aux divers Etats, il l’a bel et bien été dans l’énoncé de ses commentaires, préoccupations et recommandations. Il a fait clairement savoir que, même légers, les châtiments corporels constituent une forme de violence prohibée; que, même légers, ils constituent une mesure disciplinaire ou éducative incompatible avec les termes et les principes généraux de la Convention; et que les Etats parties à la Convention ont l’obligation de prendre toutes les mesures pour combattre et prévenir cet usage et l’interdire par voie législative.

Les vues du Comité peuvent être résumées comme suit:

1. Le Comité a exprimé sa préoccupation face à la légalité des châtiments corporels à l’école et dans la famille. Il a remarqué que, en dépit d’une interdiction de la loi, les mesures disciplinaires infligées à l’école comprenaient souvent des peines corporelles et il a regretté que certains pays imposent des coups de fouet ou de bâton comme mesures éducatives ou punitives.

2. Le Comité s’est ému des dispositions légales qui permettent les châtiments raisonnables à l’intérieur de la famille: la nature imprécise d’une telle législation ouvre la porte aux interprétations hautement subjectives et arbitraires et laissent entendre que la violence à l’égard des enfants peut être, dans certains cas, justifiée.

3. Dans le cadre de son mandat, le Comité a accordé une importance particulière au droit de l’enfant à l’intégrité physique: tant ce droit-là que le nécessaire respect de la dignité de l’enfant et l’intérêt supérieur de l’enfant rendent la violence incompatible avec la Convention et notamment ses articles 3 (intérêt supérieur), 6 (droit à la vie et au développement), 19 (protection contre les mauvais traitements), 28.2 (discipline scolaire respectueuse), 37.a (interdiction de la torture), 39 (réhabilitation des enfants maltraités) et 40.1 (enfants en conflit avec la loi). Les châtiments corporels sont également incompatibles avec l’article 5 de la Convention qui reconnaît le droit, le devoir et la responsabilité des parents et des autres responsables de l’enfant de guider l’enfant dans l’exercice de ses droits; la violence ne peut être considérée comme étant une manière adéquate de donner des conseils et une orientation à un enfant.

4. Il est de la responsabilité des Etats parties de prendre les mesures adéquates pour s’attaquer au phénomène des mauvais traitements, même à l’intérieur de la famille, et d’adopter toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour éliminer les situations où l’intégrité physique de l’enfant peut être mise en danger.

5. Des études devraient être lancées pour permettre de mieux comprendre la violence et les abus envers les enfants et favoriser l’élaboration et la mise en oeuvre d’une politique nationale et de programmes sociaux de prévention.

6. Les Etats parties devraient re-voir leur législation et l’adapter aux termes de l’article 19 CDE; cela inclut le bannissement de toutes les formes de violence et l’interdiction des châtiments corporels dans la famille, par le biais de la loi civile.

7. Sont appelés à intervenir: la famille (comprenant les parents ayant la garde, les représentants légaux ou toute autre personne ayant la garde de l’enfant sous forme de placement familial ou autre), les institutions éducatives et autres lieux d’accueil, qu’ils relèvent du champ éducatif ou pénal (c.à.d. les établissements pénaux).

8. Des mesures suffisantes doivent être prises et des mécanismes établis pour que les autorités étatiques puissent agir et les enfants maltraités puissent bénéficier de programmes de réinsertion et réhabilitation (art. 39 CDE).

9. La prévention et l’éradication de la violence envers les enfants, y compris les châtiments corporels, requièrent des changements d’attitudes dans la société. Il est nécessaire de développer une information efficace, une prise de conscience et des campagnes éducatives, d’encourager les formes alternatives de discipline qui soient respectueuses de la dignité de l’enfant et conformes à la Convention.

10. Les gouvernements doivent agir en étroite coopération avec les chefs de communauté et les organisations non gouvernementales pour promouvoir des changements dans la perception négative persistante que certaines personnes ont des enfants.

11. Les mesures sociales de prévention doivent être renforcées en vue de former les parents à leurs responsabilités envers les enfants; l’éducation familiale doit souligner l’égalité des responsabilités des parents envers les enfants. Les parents doivent être aidés par le biais de centres d’orientation et de conseils.

12. La Convention doit être incluse dans les programmes de formation des groupes professionnels: enseignants, personnes en charge de faire respecter la loi, travailleurs sociaux et militaires sont particulièrement concernés.

13. Il faut faire connaître auprès des parents, enseignants et autres personnes en charge des enfants des formes positives et non violentes de discipline, de prise en charge et de traitement des enfants. La référence aux mesures disciplinaires impliquant un recours à la force physique, telles que les coups de canne, devrait être bannie des manuels de formation.

14. La Convention devrait servir d’instrument pour aiguiser le sens des responsabilités des personnes prenant soin des enfants.

15. Le Comité a en outre recommandé des mesures complémentaires de sauvegarde touchant à la protection des enfants. Elles comprennent:

a) les mécanismes de plainte ouverts aux enfants;

b) des lignes téléphoniques confidentielles et des services de conseil et d’orientation pour les enfants victimes de violences;

c) l’identification concrète des cas d’abus et des mesures efficaces de rapport, renvoi, enquête, application de sanctions aux abuseurs et la publicité des décisions prises dans de tels cas;

d) des mécanismes destinés à connaître l’étendue des formes de violence et des facteurs sociaux et autres qui y contribuent, ainsi que l’évaluation de l’efficacité des mesures mises en oeuvre.

16. Les autorités devraient solliciter une assistance technique internationale pour combattre la violence, les abus et les châtiments corporels.

Le Comité a émis des vues claires et complètes à cet égard. Cette liste d’indicateurs, qui se réfèrent tous aux articles 19 et 39 de la Convention, fixe les contours de ce qui, aux yeux du Comité, constitue une mise en oeuvre exemplaire de la Convention. […] Ces mesures reflètent l’approche holistique (c.à.d. globale) qui doit présider à l’application de la Convention. Ce souci de globalité a trois conséquences particulières:

• la mise en oeuvre de la Convention doit être guidée non seulement par la lettre de certains articles pris isolément, mais aussi par l’objet, le but et l’esprit de ce traité;

• chacune des obligations énoncées par la Convention doit être prise en considération de concert avec les autres obligations et compte tenu de l’indivisibilité des droits qu’elle consacre;

• la mise en oeuvre de la Convention doit induire un changement général d’attitudes dans lequel les gouvernements et le public dans son ensemble doivent être des partenaires.

Les gouvernements sont les premiers appelés à lancer ce processus de changement en donnant un message clair et net: la législation doit interdire toute forme de châtiment corporel […]. La décision de changer la loi, les attitudes et les pratiques éducatives n’est pas simplement une option politique parmi d’autres qui dépendrait de la volonté des gouvernement. C’est une obligation acceptée par les Etats parties de réaliser les droits énoncés, parmi lesquels se trouve celui de tout enfant d’être protégé contre toute forme de violence.

L’expérience des Etats européens qui ont promulgué une législation interdisant complètement les châtiments corporels, tels que les pays scandinaves et l’Autriche, indique que l’attitude face à cette question a connu une évolution positive. Les modifications législatives ont servi de catalyseurs. Les signaux officiels qui les ont accompagnées et les campagnes organisées ont eu un impact considérable sur l’attitude du public.

Ceci devrait à mon avis être le but principal. Car bien que la Convention lie les gouvernement et que l’on contrôle leur attitude au niveau international, ce qui importe n’est pas seulement la mesure dans laquelle l’Etat respecte la suppression des châtiments corporels.

La vraie mise en oeuvre est le fait des parents, enseignants et autres professionnels responsables des enfants qui doivent eux aussi respecter la lettre et l’esprit de la Convention et éviter toute forme de violence envers les enfants. Ceci n’est possible que si les gouvernements donnent suite à leur obligation d’informer le public quant à l’incompatibilité des châtiments corporels avec les termes de la Convention, de l’aider à assimiler les valeurs qui sous-tendent ce traité et à agir en conformité avec elles.






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