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Défense des enfants international
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Les requérants d’asile mineurs non accompagnés et la Suisse
  
[ Bulletin DEI, septembre 2002 Vol 8 No 3 p. 15, 16, 17, 18 ]

par Laurence Naville, Avocate


Première partie: aspects juridiques


Introduction


Chaque jour des mineurs non accompagnés se présentent aux frontières de la Suisse. Au-delà des raisons et des motifs très divers qui poussent ces jeunes à quitter leur pays pour trouver refuge chez nous, une réponse sociale et juridique doit être trouvée au problème de ce flux migratoire qui s’amplifie d’année en année.

Parallèlement et en complément à l’article de Jean-Luc Rongé intitulé «Les mineurs non accompagnés aux frontières de l’Europe», nous effectuons une première analyse des aspects juridiques de cette problématique. Une seconde analyse, qui paraîtra dans le prochain bulletin, traitera de l’assistance juridique et sociale apportée au mineur dans le canton où il est hébergé, pendant la durée de la procédure d’asile.

Seul sera traité le cas du mineur non accompagné qui doit être considéré comme «tout mineur qui n’est pas pourvu d’un représentant légal, que ce soit le détenteur de l’autorité parentale, un tuteur ou, en cas d’empêchement de ces derniers, un curateur». 1

Le cas d’un mineur qui entre en Suisse accompagné par un ou deux de ses parents est moins complexe. Celui-ci est en principe englobé dans la demande d’asile des parents, sauf s’il décide de présenter une demande individuelle, basée sur des motifs personnels. Si les parents obtiennent le statut de réfugié ou sont admis provisoirement, le mineur bénéficie du «regroupement familial».

En matière de protection des mineurs requérants d’asile, l’entrée en vigueur dans notre pays, en mars 1997, de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) a été «un élément détonateur» comme le souligne Philippe Tinguely; il précise que «l’accès à la procédure d’asile pour tout requérant mineur indépendamment de son âge, que ce soit personnellement ou par l’intermédiaire d’un représentant, constitue l’un des principes fondamentaux régissant ce domaine en Suisse». 2

Ainsi, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, directement applicable dans toute décision de l’autorité qui touche l’enfant (art. 3 CDE), le principe de non-discrimination (art. 2 CDE) et le droit d’exprimer librement son opinion et d’être entendu dans toute procédure (art. 12 CDE), ont été déterminants dans l’adoption de nouvelles normes protectrices en matière d’asile. Les mineurs étrangers, qu’ils pénètrent de manière légale ou illégale sur notre territoire, doivent être protégés de manière prioritaire. Comme le relève Marie-Françoise Lücker-Babel, «Il ne fait pas de doute que l’enfant étranger se trouvant sur le territoire d’un Etat partie à la Convention relève à un titre ou à un autre de sa juridiction. La sujétion ne doit être ni totale, ni légitime pour justifier la jouissance des droits de l’enfant». 3

Dans ce contexte, les recommandations du Comité des droits de l’enfant émises à l’intention de la Suisse en juin 2002 doivent être rappelées: une simplification et une accélération de la procédure d’asile, qui tiennent compte des besoins des enfants, notamment les enfants non accompagnés, l’accès aux soins et à la santé et un système de réunification familiale plus adéquat. 4


1. Quelques chiffres


L’ampleur du problème soulevé par l’arrivée de mineurs requérants se mesure en chiffres, même si ces chiffres ne couvrent pas forcément tous les mineurs hébergés en Suisse, certains vivant dans la clandestinité. De même, les mineurs arrivant accompagnés de leur famille au sens large n’entrent pas dans cette statistique.

Au cours de l’année 2001, 1387 mineurs non accompagnés (RMNA) ont déposé une demande d’asile; seulement 10 d’entre eux ont obtenu le statut de réfugié et 104 ont été admis à titre provisoire. Les RMNA constituent le 6,7 % du nombre total de requérants d’asile pour la Suisse et la majorité est formée d’adolescents âgés de 15 à 18 ans (96 %). Le pourcentage de jeunes de sexe masculin est nettement plus élevé que celui des jeunes filles, 88,9 % contre 11,1 %. Les pays d’origine de ces requérants sont bien sûr très variés; si la Yougoslavie arrivait en tête en 1999, en 2001, la Guinée et la Sierra Leone regroupaient environ le tiers de l’effectif total, suivies par l’Algérie, la Somalie, la Yougoslavie et l’Irak. 5


2. Le cadre juridique international et national


2.1. Au plan international, hormis les principes de base de la CDE mentionnés plus haut, d’autres dispositions entrent en considération:

• l’article 20 CDE portant sur l’enfant privé temporairement ou définitivement de son milieu familial;

• l’article 22 CDE sur l’assistance et la protection due à l’enfant cherchant à obtenir le statut de réfugié; en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies, toute recherche doit être faite pour retrouver la famille de l’enfant et réunir ce dernier à ses parents;

• l’article 10 alinéa 1 CDE sur l’obligation de l’Etat partie de considérer dans un esprit positif et avec humanité et diligence, toute demande d’un enfant d’entrer sur le territoire aux fins de retrouver ses parents.

Par ailleurs, la Suisse est liée et guidée par différents instruments internationaux, notamment la Convention de l’ONU de 1951 relative au statut des réfugiés, dite Convention de Genève, et les principes directeurs relatifs à la protection, à l’assistance ainsi qu’à la procédure s’appliquant aux enfants réfugiés, adoptés par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR).

2.2. Au plan fédéral, toute demande d’asile est régie par la Loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi) et l’Ordonnance 1 sur l’asile relative à la procédure du 11 août 1999 (OA 1), en particulier par les normes suivantes:

• l’article 17 alinéa 2 et alinéa 3 LAsi (qui renvoie à l’art. 7 OA 1) relatif aux dispositions de procédure particulières à la situation des femmes et des mineurs et au principe de la nomination d’une personne de confiance qui assiste le mineur non accompagné;

• l’article 7 OA 1 prévoyant que tout mineur non accompagné et dont le représentant légal ne se trouve pas en Suisse, doit être pourvu d’un tuteur ou d’un curateur, nommé par l’autorité cantonale; si cette nomination ne peut être faite dans l’immédiat, une personne de confiance sera désignée.

Les autorités appliqueront également les dispositions du Code civil suisse sur la tutelle et la curatelle 6et celles de la Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE).

En outre, l’Office fédéral des réfugiés (ODR) a élaboré une directive relative aux demandes d’asile émanant de requérants mineurs non accompagnés, qui a pour objectif d’informer les autorités sur les aspects spécifiques de ces demandes et d’établir une pratique uniforme dans ce domaine.

2.3. Tout mineur défini comme quiconque n’a pas encore 18 ans révolus conformément à l’article 14 CCS (art. 1 lit. d OA 1), peut déposer seul, s’il est capable de discernement, une demande d’asile; le dépôt de cette demande est en effet considéré comme l’exercice d’un droit strictement personnel au sens de l’article 19 alinéa 2 CCS. Si le mineur est incapable de discernement, son représentant légal effectuera les démarches nécessaires. En pratique, le mineur non accompagné va se présenter à un poste frontière et déposer sa demande d’asile auprès de l’autorité de police cantonale, qui le dirige vers un centre d’enregistrement (CERA) géré par l’ODF (art. 26 LAsi). Il est prévu par la loi que le centre recueille les données personnelles du requérant, relève ses empreintes digitales, le photographie et l’interroge sommairement sur les motifs qui l’ont fait quitter son pays et sur l’itinéraire emprunté. Dans le cas où, au cours de l’interrogatoire, un doute naît sur la capacité de discernement du mineur, le CERA informe l’autorité cantonale qui prendra les mesures protectrices nécessaires.

On peut estimer très regrettable que ce premier interrogatoire ne se déroule pas en présence d’une personne représentant le mineur. Comme le relève avec pertinence Sylvie Cossy en parlant de la situation du mineur hébergé au CERA: «Son séjour au centre d’enregistrement doit être le plus court possible et les mesures d’instruction limitées au strict nécessaire car il n’y bénéficie d’aucune mesure de protection; il ne doit pas y subir d’entretien sur ses motifs d’asile» 7. Si l’ODR autorise le mineur à entrer, il peut en principe séjourner en Suisse jusqu’à la fin de la procédure, sauf si l’exécution immédiate de son renvoi a été ordonnée (art. 42 al.2 LAsi et art.112 LAsi).

2.4. Lorsque le mineur ne possède pas de papier et qu’il y a une incertitude sur son âge, la question épineuse de la détermination de la minorité va se poser 8. Le requérant déclaré majeur ne bénéficiera en effet d’aucune des mesures protectrices du code civil suisse et se verra refuser l’entrée en matière sur sa demande d’asile (art. 32 lit.b LAsi). L’ODR a l’autorisation de recourir à des méthodes scientifiques pour établir l’âge biologique du mineur (art. 7 al. 1 OA 1). Ces dernières années, le recours fréquent à la radiographie osseuse du poignet a été critiqué et a d’ailleurs fait l’objet d’une jurisprudence de la Commission fédérale de recours qui a considéré cet examen peu fiable 9.

2.5. Le premier interrogatoire du mineur terminé, on détermine le canton qui le prendra en charge (art. 27 LAsi); l’autorité cantonale alors désignée devra nommer soit un curateur ou un tuteur, ou une personne de confiance si des mesures tutélaires ne sont pas possibles immédiatement Le mineur sera donc accompagné et soutenu pour la durée de la procédure d’asile et de renvoi (Art. 7 OA 1 al. 2, 3 et 5). La Commission de recours en matière d’asile a posé certains critères que devraient remplir cette personne de confiance: avoir des connaissances et des compétences juridiques en matière de procédure d’asile et bénéficier d’une expérience dans le domaine de l’asile.

2.6. La suite de la procédure a lieu dans le canton d’attribution, qui organisera l’encadrement et l’hébergement du mineur dans un centre pour requérant ou dans une famille d’accueil. La police cantonale des étrangers procédera à l’audition du mineur sur les raisons et les craintes qui ont motivé son départ; le curateur ou tuteur désigné y assistera, de même qu’un interprète et un observateur neutre membre d’une œuvre d’aide aux réfugiés (art. 29 LAsi). La personne chargée de l’audition devra tenir compte des «caractéristiques de la minorité» et récoltera des informations sur les motifs de l’expatriation du mineur, sur son identité (nom, prénom, âge, état civil et ethnie), ses attaches familiales et les motifs de l’asile (art. 7 al. 7 OA 1).

2.7. Si le mineur arrive par avion et dépose une demande dans un aéroport suisse, la procédure est plus complexe. L’ODR n’a en effet pas toujours la possibilité de déterminer immédiatement si les conditions d’une autorisation d’entrée sur le territoire sont réalisées. En général, un refus provisoire d’entrée sera notifié au mineur et il devra séjourner à l’aéroport pour quinze jours au plus; une personne de confiance sera aussitôt désignée (art. 7 al .4 OA 1 et art. 21 et ss. LAsi).


3. L’octroi de l’asile au mineur requérant


L’octroi de l’asile est une décision formelle relevant de la compétence de la Confédération (art. 121 Constitution fédérale); conformément à l’article 49 LAsi, l’asile n’est octroyé qu’à une personne qualifiée de «réfugié» au sens de l’article 3 LAsi 10; ainsi, le requérant mineur devra prouver sa qualité de réfugié ou la rendre vraisemblable (art. 7 LAsi). S’il y parvient lors de l’audition par l’autorité cantonale et si aucune autre mesure d’instruction n’est nécessaire, il pourra obtenir l’asile, et par là même le droit de résider en Suisse (art. 2 LAsi).

Une distinction importante doit être faite ici entre le statut de réfugié et l’octroi de l’asile; une personne qui a le statut de «réfugié» ne bénéficiera pas automatiquement de l’asile, car celu-ici est soumis à certaines conditions; à titre exemplatif, l’asile ne sera pas accordé à une personne qui peut se rendre dans un Etat tiers où vivent de proches parents. Par contre, toute personne réfugiée bénéficie d’une garantie constitutionnelle de «nonrefoulement» sur le territoire d’un Etat dans lequel elle est persécutée (art. 25 al. 3 Cst. fédérale et art. 5 LAsi).


4. Le rejet de la demande, le renvoi et l’admission provisoire


Dans le cas où l’ODR rejette la demande d’asile ou n’entre pas en matière, il examine d’office la question du renvoi du mineur dans son pays d’origine et également de l’exécution de ce renvoi (art. 44 LAsi); il devra tenir compte notamment de l’intérêt supérieur de l’enfant, de l’âge, du degré de maturité et de dépendance du mineur, des possibilités et des obstacles à une réintégration dans le pays d’origine. Des recherches sont effectuées dans le pays d’origine, avec l’aide du Comité International de la Croix-Rouge et du Haut Commissariat pour les Réfugiés, pour localiser la famille du mineur.

Si l’ODF estime finalement que l’exécution du renvoi n’est pas possible, n’est pas licite 11ou ne peut raisonnablement être exigée, il prononce une admission provisoire d’une durée de douze mois, ce qui permettra au mineur de poursuivre son séjour en Suisse (art. 44 LAsi et art. 14 LSEE). Dans le cas contraire, le mineur a la possibilité de faire recours contre la décision de renvoi de l’ODF (art. 103 et 104 LAsi).


5. Le mineur requérant détenu


Une fois que la décision de renvoi a été notifiée ou pendant la «phase préparatoire» de la prise de décision l’autorité cantonale peut ordonner, à certaines conditions et pour une durée de trois mois, la détention d’un mineur de plus de quinze ans révolus, afin d’assurer le bon déroulement de la procédure de renvoi (art. 13a et ss. LSEE). Cette privation de liberté de nature administrative, introduite en 1994 par la Loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, a pour objectif d’éviter que le mineur se soustraie au renvoi dans son pays. Selon Marie-Françoise Lücker-Babel, la légitimité de cette détention est très discutable face aux exigences de l’article 37.b. de la Convention de 1989, qui fait de cette mesure une mesure de dernier ressort. 12

Fin de la première partie

1. Cossy Sylvie (2000) Le statut du requérant d’asile mineur non accompagné dans la procédure d’asile. p. 78 Thèse de licence et de doctorat. Université de Lausanne. Editions BIS ET TER. Lausanne.

2. Tinguely Philippe (2001) Le statut de l’enfant migrant: l’avancée des pratiques. La problématique des requérants d’asile mineurs en Suisse in Etrangers, migrants, réfugiés, requérants, clandestins… et les droits de l’enfant. Institut international des droits de l’enfant c/o Institut Universitaire Kurt Bösch. Sion. Suisse.

3, Lücker-Babel Marie-Françoise (2001) Les enfants migrants vus au travers de la Convention des droits de l’enfant in Etrangers, migrants, réfugiés, clandestins… et les droits de l’enfant. Institut international des droits de l’enfant c/o Institut Universitaire Kurt Bösch, Sion, Suisse.

4. Dossier publié dans ce Bulletin.

5. Données fournies par l’Office fédéral des réfugiés.

6. Art. 368 et ss. Et 392 ch.3 Code civil Suisse.

7. Cossy Sylvie, op. cit. p. 301.

8. Article de François Bochud, juriste au Bureau de consultation juridique pour requérants d’asile à Caritas Suisse: «La détermination de l’âge des requérants d’asile mineurs non accompagnés et ses conséquences juridiques», Bulletin suisse des droits de l’enfant, Vol. 6, no 2, juin 2000.

9. Décision de la Commission suisse de recours en matière d’asile du 12 septembre 2000.

10. Article 3 LAsi alinéa 1: «Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d’origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l’être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques.»

11. Art. 14 LSEE «L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son Etat d’origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international».

12. Lücker-Babel Marie-Françoise, op. cit. p.85 et l’art. 37.b CDE «Les Etats parties veillent à ce que… nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible».






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