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Défense des enfants international
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«Mères fugitives» françaises: le Tribunal Fédéral se prononce pour l’extradition
  
[ Bulletin DEI, septembre 2002 Vol 8 No 4 p. 12, 13 ]

Par Marie-Françoise Lücker-Babel

Depuis le début de l’année, la question des «mères fugitives» françaises fait couler beaucoup d’encre en Suisse romande. Il s’agit de femmes, presque exclusivement, qui ont quitté leur pays et cherché refuge en Suisse pour échapper à l’exercice d’un droit de visite par le père de leurs enfants. Elles allèguent le risque que ces enfants courent, notamment quant à leur intégrité sexuelle, et l’incapacité de la justice française à tous les niveaux de les protéger contre des pères présentés comme des abuseurs. Dans certains cas, ces femmes en sont venues à demander l’asile politique pour elles-mêmes et leurs enfants, avec bien peu de chance de l’obtenir. Le canton de Vaud a été principalement affecté par ces arrivées; les services officiels ont pris en charge les enfants, sur le plan financier comme dans le cadre des mesures de protection de l’enfance, d’où l’enchevêtrement des procédures en cours.

Le cas d’une de ces mères est en train de faire école. En mars 2002, Mme A., accompagnée de sa fille de 5 ans, a déposé une demande d’asile politique. A la suite d’une démarche de la France, Mme A. a été placée en détention extraditionnelle le 11 juin 2002. Sa fillette a été confiée à une institution, un curateur lui a été nommé et les relations personnelles avec sa mère ont été aménagées sous forme de droit de visite. L’accusation française portait sur la «non présentation d’enfant à une personne ayant le droit de la réclamer» (c’est-à-dire le père de la fillette), dont Mme A. s’est rendue coupable entre octobre 2001 et janvier 2002; il s’agissait d’une récidive et la condamnation portait sur une année d’emprisonnement. Dans le même temps, la justice française réfutait l’accusation d’attouchements sexuels de la part du père. Mme A. a entamé une grève de la faim en juillet 2002 et elle a recouru contre l’extradition consentie par l’Office fédéral de la justice (OFJ) le 7 août 2002.

Le 8 octobre 2002, les juges fédéraux ont rejeté le recours de droit administratif formé par Mme A.. Sur le plan extraditionnel, la France et la Suisse sont liées par la Convention européenne d’extradition dont les conditions d’application sont en l’occurrence remplies. Mme A. contestait s’être rendue coupable d’enlèvement d’enfant au sens de l’art. 220 du Code pénal (CP) 1; elle soutenait que l’exigence de double punissabilité n’était pas remplie, du fait qu’en droit suisse, l’empêchement du droit de visite ne constituerait qu’une simple contravention (art. 292 CP) 2. Le Tribunal fédéral a plus particulièrement examiné la situation juridique de la fillette au regard du droit pénal:

«4. Selon la recourante, la condition de la double punissabilité ne serait pas réalisée. En droit suisse, l’exercice du droit de visite serait protégé uniquement par l’art. 292 CP, simple contravention, et non par l’art. 220 CP. […]

4.3 En droit suisse, l’art. 220 CP (enlèvement de mineur) protège avant tout l’exercice de l’autorité parentale mais aussi, dans une certaine mesure, la paix familiale et le bien de l’enfant [jurisprudence et doctrine]. Pour que le délit soit réalisé, il faut un acte ou une omission qui empêche le détenteur de l’autorité parentale ou le tuteur de décider du sort du mineur, soit de son lieu de résidence, de son éducation et de ses conditions de vie (ATF 101 III 103). Commet ce délit non seulement le conjoint qui emmène avec lui les enfants dont la garde a été confiée à l’autre conjoint, mais aussi celui des parents qui détient l’autorité parentale (ATF 125 IV 14 et 95 IV 67). […]

4.4 La jurisprudence précitée est fondée sur des considérations identiques, qui font de l’autorité parentale, avec toutes les prérogatives qui en découlent (art. 301 ss. CC), l’élément déterminant au sens de l’art. 220 CP. Rien ne justifie de s’écarter de cette pratique. L’entrave au droit de visite par enlèvement ou non présentation à un parent est donc susceptible de tomber sous le coup de l’art. 220 CP, pour autant que la victime dispose de l’autorité parentale. 4.5 En l’occurrence, les parents, quoique non mariés, étaient tous deux détenteurs de manière durable de l’autorité parentale, de la même manière que deux parents mariés en Suisse (ou de deux parents ayant l’autorité parentale conjointe au sens de l’art. 298a CC) […]. Le jugement du 13 mars 2002, sur lequel se fonde la demande d’extradition, n’a pas pour objet le déplacement effectué en Suisse par la recourante avec sa fille, mais l’entrave à l’exercice, en France, du droit de visite du père, codétenteur de l’autorité parentale. Il n’y a donc pas enlèvement, mais bien plutôt refus de remise, seconde hypothèse visée par l’art. 220 CP. Dans ce cas, l’infraction est un délit continu et doit, pour être consommée, se prolonger pendant une certaine durée; un dépassement insignifiant, par exemple du droit de visite, n’est pas suffisant (ATF 110 IV 35 […]). Or, selon les faits qui sont à l’origine du jugement du 13 mars 2002, la recourante aurait, systématiquement et durant une période de plus de deux mois, empêché le père de rencontrer l’enfant aux dates prévues. Il y a donc lieu d’admettre que la condition de la double incrimination est réalisée au regard de l’art. 220 CP.»

Le Tribunal fédéral s’est également penché sur la situation au regard des droits fondamentaux de l’enfant à une vie familiale. Il conteste l’applicabilité de l’art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant, mais donne quelque portée à l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut en effet savoir que la procédure touchant la demande d’extradition de la mère est dissociée non seulement de la procédure d’asile, qui semble vouée à l’échec, mais encore de la demande que le père a faite en vue du retour de l’enfant dans le cadre de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, du 25.10.1980. Cette dernière procédure se déroule actuellement sur un strict plan cantonal.

«6.1 Pour le surplus, la recourante ne peut évidemment pas se prévaloir de l’art. 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 qui invite les autorités administratives ou législatives à accorder une considération primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant. La Convention de 1989 a pour but la protection des droits des enfants et non pas ceux des parents.

6.2 En revanche, bien que la recourante ne l’invoque pas expressément, l’art. 8 CEDH (ainsi notamment que l’art. 13 al. 1 Cst.) garantit le respect des relations entre parents et enfants. L’extradition de la recourante pourrait entraîner une séparation d’avec sa fille, dont elle a habituellement la garde. Cette ingérence repose évidemment sur une base légale (et, en l’occurrence, conventionnelle), et répond à l’intérêt lié à la procédure pénale française. Le principe de la proportionnalité exige néanmoins d’éviter que l’enfant ne soit trop longtemps privé du contact avec sa mère, et ne demeure pas inutilement dans un pays d’où sont absents ses deux parents, et avec lequel elle n’a, au demeurant, aucune attache. Le juge de l’extradition ne saurait certes intervenir dans la procédure de retour de l’enfant, totalement distincte de la procédure d’extradition. Toutefois, les particularités de la cause, ainsi que la nécessité d’éviter que l’extradition ne puisse, indirectement, aboutir à une situation insatisfaisante du point de vue des droits fondamentaux, imposent les considérations suivantes. En tant qu’autorité centrale, l’OFJ devra, autant que faire se peut, coordonner l’exécution de l’extradition avec la procédure de retour de l’enfant, d’entente avec les autorités centrales françaises. Il se pose d’ailleurs la question de savoir si la procédure de retour de l’enfant conserve encore un objet lorsque l’auteur de l’enlèvement est lui-même retourné dans le pays de résidence. Enfin, si un retour de l’enfant n’est pas possible à bref délai, il appartiendra également à l’OFJ de prendre des mesures, d’entente avec l’Etat requérant, afin de permettre le maintien des relations personnelles.»

Le recours de droit administratif de Mme A. a donc été rejeté et son extradition pourra avoir lieu dès que sa demande d’asile aura été elle aussi repoussée. L’arrêt du Tribunal fédéral comporte des injonctions précises à l’adresse des autorités fédérales et vaudoises compétentes pour statuer sur le sort de la fillette. Ces services sont instamment priés de coordonner leurs initiatives avec celles qui sont prises dans le cadre extraditionnel. Il convient encore de signaler que l’expertise pédopsychiatrique de la fillette, conduite en Suisse, a conduit à des résultats négatifs semblables à ceux des médecins français.

(Arrêt de la 1 ère cour de droit public du Tribunal fédéral 1A.175/2002, 8.10. 2002 ; Le Temps, 12. 10, 23. 10 et 20. 11. 2002).

1. L’art. 220 CP stipule: «Celui qui aura soustrait ou refusé de remettre un mineur à la personne qui exerce l’autorité parentaleou la tutelle sera, sur plainte, puni de l’emprisonnement ou de l’amende». Voir également, ci-dessus, l’arrêt 6S.681/2001, du 2.7.2002, portant sur le même thème.

2. L’art. 292 CP traite de l’insoumission à une décision de l’autorité: «Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni des arrêts ou de l’amende.»






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