Deprecated: mysql_pconnect(): The mysql extension is deprecated and will be removed in the future: use mysqli or PDO instead in /home/clients/dd97c3d1555e010b40d5c268f7caf91f/web/338/dei/includes_c/inc_dbopen.php on line 48
Défense des enfants international
section suisse
 
Afficher un article
Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Réflexions sur le « droit de l’enfant à une place de garde »
  
[ Bulletin DEI, décembre 2003 Vol 9 No 4 p. 5, 6, 7, 8, 9 ]

Par Marie-Françoise Lücker-Babel

Docteure en droit


Introduction


L’article 18.3 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant enjoint les Etats parties d’«assurer aux enfants dont les parents travaillent le droit de bénéficier des services et établissements de garde d’enfants pour lesquels ils remplissent les conditions requises». Cette disposition est le plus souvent évoquée en relation avec les institutions d’accueil des enfants d’âge préscolaire, beaucoup moins souvent en faveur de tous ceux dont les parents travaillent et qui sont seuls par exemple à midi, après l’école et les jours de congé. On omet aussi souvent de penser aux «conditions» qu’une institution privée ou publique peut mettre à l’accueil des enfants en toute conformité avec la Convention 2. Enfin, les services à développer sont destinés aux enfants «dont les parents travaillent»; qu’en est-il alors de ceux dont les mères ne «travailleraient» pas? Le texte qui suit aborde un aspect particulier de la problématique, à savoir l’existence éventuelle d’un «droit à une place de garde», sous l’angle particulier de la législation suisse.

L’article 18.3 CDE est considéré comme ayant un caractère «programmatoire», à savoir que les autorités publiques ont «la tâche de créer et de promouvoir des institutions de garde extérieures à la famille», mais qu’elles «disposent toutefois d’une grande liberté d’action pour tenir compte des objectifs de la Convention» 3 (c’est nous qui soulignons). Dans le même temps, le gouvernement a reconnu que les services sont nettement insuffisants en Suisse, ce que corrobore d’ailleurs le Rapport initial du Gouvernement suisse sur la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, du 1er novembre 2000 4. Le Comité des droits de l’enfant a dûment constaté que «l’offre existante en matière de garde d’enfants est loin de couvrir les besoins» et il a recommandé à la Suisse de prendre des mesures adéquates 5. Un des moyens que s’est donné le Parlement fédéral pour satisfaire cette exigence est l’aide financière à la création de places de garde (voir Bulletin, vol. 8.4, p. 6). La Confédération n’exerçant pas de compétence dans le domaine de la petite enfance, ni dans celui de l’instruction publique d’ailleurs, cette démarche a été présentée, à juste titre, comme une mesure «destinée à protéger la famille» (art. 116 al. 1 Constitution fédérale - Cst.) 6. Le «droit de bénéficier» d’une prise en charge adéquate en dehors de sa famille et de l’institution scolaire paraît nouveau. Pourtant il ne relève pas que de l’utopie; ses fondements sont bel et bien ancrés dans les exigences du droit moderne actuel, international ou suisse.


La prise en charge préscolaire: droit en devenir, multiforme et disputé


Les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne, donc également de l’enfant, reconnaissent le droit à un enseignement primaire gratuit (art. 28 CDE). Ce droit est fondamental et doit être accessible à tous les enfants sans discrimination, donc indépendamment de leur titre de séjour et du statut régulier ou irrégulier dans le pays de résidence, de la maîtrise d’une langue nationale, etc. (art. 19 et 62 Cst.). Un devoir y est lié, à savoir que cet enseignement est obligatoire et que parents comme enfants doivent s’y soumettre. La durée de cet enseignement est usuellement de neuf années et s’étend de l’âge de sept à quinze ans.

Il peut être précédé d’une période de pré scolarisation. A Genève, tout enfant a la possibilité d’être scolarisé dès l’âge de quatre ans (Loi sur l’instruction publique, art. 24). Au Tessin, l’âge a été abaissé à 3 ans (Legge sulla scuola dell’infanzia e sulla scuola elementare, art. 14). Les premières années d’école ne sont pas obligatoires. Il revient aux parents de décider d’y inscrire leur enfant qui, dès lors, a droit à une place dans cet ordre d’enseignement et se trouve intégré dans le système scolaire.

Mais l’accueil des enfants en âge préscolaire fait l’objet de nombreuses réflexions et de développements sur le plan législatif ou politique en Suisse qui, selon les cantons, débouchent sur d’heureuses innovations ou se heurtent encore à une résistance farouche.


Une affaire de parents


Dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale, il revient aux parents de déterminer les soins à donner à l’enfant, de diriger son éducation (art. 301 al. 1 du Code civil - CC) et de favoriser et protéger son développement corporel, intellectuel et moral (art. 302 al. 1). A chacune de ces étapes, ils doivent être guidés par le bien de l’enfant (art. 301 al. 1). Les parents exercent là un «droit-devoir» qui, simultanément, les habilite à choisir ce qu’ils considèrent être bon ou meilleur pour leur enfant et les contraint à assumer leurs responsabilités.

Ainsi, l’éducation des enfants avant leur entrée dans la scolarité obligatoire reste exclusivement l’affaire des parents ou, plus précisément, du choix des parents. Cette situation présente l’avantage de maintenir les enfants à l’écart d’un système qui les prendrait immédiatement en charge, les soustrairait rapidement à l’influence parentale et les éduquerait de manière uniforme en application de critères et programmes déterminés par l’administration et non par les parents. Sur le plan juridique, cette vision correspond à une approche traditionnelle des droits de la personne qui met l’accent sur les choix individuels, exercés dans le cadre des libertés fondamentales reconnues par la Constitution fédérale.

Sur le plan social et éducatif, la notion d’espace totalement réservé aux parents est discutable. En effet, les activités menées par les parents, dans le but principal d’entretenir financièrement leur famille, ne leur permettent pas d’exercer eux-mêmes en tout temps la charge et les soins de leur petit enfant. Le fait que des solutions ad hoc aient été pendant longtemps trouvées au sein de la grande famille ou du voisinage a retardé la prise de conscience des autorités. A tel point qu’à ce jour, certaines ne sont pas encore persuadées d’avoir une responsabilité face aux enfants d’âge préscolaire.


Quelques sources d’inspiration contraignantes


La contestation du «droit à une place de garde» repose sur des bases fragiles. En effet, dès que l’on se tourne vers la réalisation détaillée d’un tel droit, de multiples garanties apparaissent. Une approche basée sur les éléments juridiques existants permet ainsi de dessiner quelques contours utiles pour la définition d’une nouvelle politique.


1. Un besoin… et un droit ?


Les besoins en matière de petite enfance sont connus. Le nombre d’enfants concernés est statistiquement identifié, comme le sont souvent le nombre des foyers dans lesquels les deux parents travaillent ou celui des familles monoparentales. Dès le moment où le(s) parent(s) gardien(s) s’absente(nt), la question du besoin de prise en charge de l’enfant se pose.

Puisqu’ils sont dans l’impossibilité de garder eux-mêmes leur enfant tout en travaillant ou en vaquant à d’autres tâches, les parents doivent trouver une solution de prise en charge qui satisfasse les conditions que leur impose le Code civil. L’enfant, quant à lui, a droit à ce qu’en tout moment sa protection soit assurée et son développement favorisé. La Constitution fédérale lui reconnaît d’ailleurs un « droit à une protection particulière de son intégrité et à l’encouragement de son développement » (art. 11 al. 1).

La Convention relative aux droits de l’enfant témoigne à cet égard d’attentes analogues. Outre à l’article 18.3, elle expose clairement à l’article 3.2: «Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et devoirs de ses parents […] et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.»

Le droit international actuel ne stipule pas encore un droit subjectif à une place de garde, à savoir la possibilité pour tout enfant dont les parents le demandent d’être accueilli dans une institution de garde et, en cas d’impossibilité, de faire valoir avec succès ce droit devant les autorités. Cependant, la question des modes et places de garde accessibles ne peut être indifférente aux autorités. Elle concerne les enfants en âge préscolaire, ou les jeunes enfants d’âge scolaire qui ne bénéficient pas de la présence de leurs parents en dehors des heures scolaires, et elle doit être intégrée dans le droit de l’enfant au meilleur développement possible. En ce sens, elle relève clairement de la responsabilité publique.


2. Liberté de choix des parents


Les droits et devoirs des parents occupent une place prioritaire dans le fonctionnement de la famille ainsi que dans leurs relations avec l’Etat. Les autorités publiques doivent faire preuve d’un respect particulier pour la vie privée et familiale (art. 8 Convention européenne des droits de l’homme - CEDH). Ce n’est donc qu’à des conditions bien précises, définies par la loi, qu’elles peuvent s’immiscer dans l’univers des familles (art. 8.2 CEDH; art. 307 et suivants CC concernant les mesures de protection de l’enfance).

A l’âge préscolaire, l’éducation des enfants est laissée à la totale discrétion des responsables légaux 7. Au fur et à mesure que l’on s’approche de l’âge de l’instruction primaire obligatoire, le droit des parents perd de son absolu. Il cède le pas au devoir d’instruire les enfants dans un cadre déterminé par l’Etat. De fait, en Suisse, les parents ont tendance à confier leur enfant à l’instruction publique dès l’âge de trois, quatre ou cinq ans 8.

La liberté des parents d’effectuer des choix pédagogiques et d’organiser la vie familiale en fonction de leurs souhaits doit trouver une expression aussi large que possible, ceci aussi longtemps que possible. Ainsi, même si les parents ont le devoir de scolariser leur enfant, ils conservent le droit de placer celui-ci dans l’institution scolaire privée de leur choix (art. 29.4 CDE; art. 13.4 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).

Face à leurs tâches éducatives, les parents ne sont toutefois pas seuls: ils ont aussi droit à diverses prestations ou aides résultant de la «mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants» (art. 18.2 CDE). C’est là que convergent les choix éducatifs des familles et la possibilité d’accéder à des structures de garde adéquates.

Si l’on veut donner un écho à la fois à la liberté et à la responsabilité éducatives des parents, la prise en charge des enfants d’âge préscolaire doit satisfaire deux conditions. Il s’agit pour elle non seulement de reposer sur une décision libre, mais encore d’offrir une palette de solutions plus variées et plus souples que le système scolaire, adaptées à l’âge des enfants et aux rythmes individuels et familiaux. Il en découle la nécessité de définir des modèles diversifiés sous tous leurs aspects (accueil collectif ou individuel, horaires, types d’activités, etc.).


3. Non-discrimination


Le principe de non-discrimination s’impose à tous les niveaux d’activités touchant au respect ou à la promotion des droits de la personne. Dans le contexte de la prise en charge des enfants, il vise particulièrement l’égalité de traitement dans l’accès aux services et dans la qualité du service. Les autorités doivent ainsi intervenir pour assurer à tous les enfants des possibilités comparables, notamment aux enfants handicapés, aux enfants des régions rurales, aux enfants de familles immigrées, aux enfants des classes socialement ou économiquement défavorisées, etc.

Les services de prise en charge des enfants sont destinés à garantir aux enfants une forme de protection durant l’absence des parents ou responsables légaux. Ils peuvent certainement reposer sur des approches et pratiques pédagogiques différentes et répondre à des objectifs distincts, notamment en fonction de l’âge de l’enfant ou du type de socialisation souhaité. En dépit de ces différences, une qualité égale doit être assurée à l’intérieur d’un même type de services (p. ex. les divers jardins d’enfants) et entre les diverses formes de services (p. ex. crèches ou mamans de jour).

Bien que les structures ne soient à l’évidence pas comparables, ce souci d’équivalence vise en particulier le contrôle de la qualité, le soutien financier octroyé soit à la structure d’accueil soit à la famille plaçante et les offres de formation du personnel. Or actuellement, les autorités semblent nettement favoriser la prise en charge dans une crèche ou un jardin d’enfants par rapport au service de la maman de jour ou de la jeune fille au pair 9. Les mamans de jour doivent toutes requérir l’agrément d’un service d’évaluation compétent 10, mais de nombreuses formes de placement en famille sont pratiquées sans autorisation ni contrôle aucun, pour répondre à la demande pressante de places d’accueil et/ou pallier la rigidité des horaires des lieux d’accueil publics 11. Si un remède est cherché à la situation actuelle, il doit inclure ce souci d’équivalence entre les services, sauf à vouloir centraliser la prise en charge des enfants dans le système subventionné des crèches et jardins d’enfants et à ne pouvoir satisfaire la demande par manque de places et de personnel disponible.


4. Intérêt supérieur de l’enfant


Au même titre que l’exigence de non-discrimination, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit être favorisé dans toutes les mesures prises par les autorités. Il revient au premier chef aux parents ou responsables légaux de veiller au respect de cette exigence. Mais dès le moment où ils s’en remettent à des institutions ou services extérieurs, la qualité, la sécurité, la compétence et la surveillance du personnel et des installations sont autant d’obligations étatiques (art. 3.3 CDE).


Conclusion


En matière d’accueil extrafamilial des enfants, les autorités sont interpellées de deux manières: elles sont tout d’abord des intervenants subsidiaires, puisqu’elles doivent répondre au besoin de protection de l’enfant seulement en l’absence ou sur demande des parents. Ensuite, lorsque le placement a lieu, elles doivent, à titre principal, lui assurer une prise en charge contrôlée.

De manière générale, les Etats liés par la Convention relative aux droits de l’enfant ont l’obligation de vouer une attention égale à la réalisation de tous les droits des enfants, y compris les droits sociaux. Il est clair que la mise à disposition d’institutions de la petite enfance ne peut se réaliser immédiatement à la satisfaction de toutes les parties intéressées.

En matière d’accueil préscolaire, nous nous trouvons moins face à un «droit de l’enfant à une place de garde » qu’à la responsabilité traditionnelle des autorités face à l’enfance ; comment l’Etat pourrait-il être à la hauteur de cette responsabilité tout en niant une quelconque obligation face à l’accueil de l’enfant en âge préscolaire ou face à l’enfant d’âge scolaire en dehors des heures d’école? Le type de structures à instaurer n’est pas prédéfini; au contraire, la variété des offres est le seul moyen de respecter la liberté éducative des parents. L’obligation d’intervenir en faveur des enfants qui ont besoin d’une institution de garde n’est pas uniforme; elle peut être satisfaite par une intervention directe, sous forme de services étatiques, ou indirecte, sous forme de soutien à l’initiative communale ou privée. Enfin, les arguments prépondérants de ce débat ne sont pas relatifs à l’étatisation des structures, mais bien plus au respect de principes tels que ceux de la non-discrimination et de l’intérêt supérieur de l’enfant en termes de protection, de qualité et de sécurité.

1. Cet article a été repris du dossier paru dans le Bulletin, vol. 7 n°1, mars 2001, en raison de son actualité.

2. Voir sur ce point les réflexions de R. Keller, Kinder und das Recht auf Betreuung, in Ausser Haus. Familienergänzende Kinderbertreuung als Chance. Kinderlobby, Stichwort Kinderpolitik, Nr. 5, 2000, p.15.

3. Message du Conseil fédéral sur l’adhésion de la Suisse à la Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant, Feuille fédérale, 1994 V, pp. 46-47.

4. Rapport initial de la Suisse du Comité des droits de l’enfant, doc. CRC/C/78/Add.3, 19.10.2001, paragraphes 481 et suivants.

5. Observations finales du Comité des droits de l’enfant: Suisse, doc. CRC/C/15/Add. 182, 13.6.2002, paragraphes 34-35; voir aussi le dossier du Bulletin, vol. 8.3.

6.Avis de droit de l’Office de la justice du 25 octobre 2001: Portée de l’article 116 al. 1 2ème phrase Cst., Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération (JAAC), no 66.1 (www.vpb.admin.ch/ franz/doc/66/66.1.html). L’art. 116 al. 1 Cst. stipule: «Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins de la famille. Elle peut soutenir les mesures destinées à protéger la famille.»

7. Il en va d’ailleurs de même des enfants plus âgés en dehors des heures scolaires.

8. Selon le Rapport initial du gouvernement suisse, seuls 2% des enfants entrent à l’école primaire sans avoir préalablement fréquenté l’école enfantine (par. 508).

9. Celle-ci est souvent mineure et ses conditions d’emploi et de salaire ne font guère l’objet de surveillance.

10. Sur la base de l’Ordonnance fédérale réglant le placement d’enfants, du 19 octobre 1977.

11. A cet égard, les assertions contenues dans le Rapport initial du gouvernement suisse(par. 488 et suivants) selon lesquelles les mamans de jour seraient généralement organisées en réseaux coordonnés et subventionnés semblent plutôt exagérées.






© DEI - NetOpera 2002 - 2008 contact Conception et réalisation: NetOpera/PhotOpera,





niak2