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Défense des enfants international
section suisse
 
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Mise hors la loi des mauvais traitements envers les enfants : le Tribunal fédéral avance
  
[ Bulletin DEI, décembre 2003 Vol 9 No 4 p. 19, 20, 21 ]

Par Marie-Françoise Lücker-Babel

Docteure en droit

L e 5 juin 2003, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt qui constitue un jalon essentiel dans la lutte contre les mauvais traitements envers les enfants. Un père biologique avait appris que le nouveau compagnon de la mère infligeait, depuis trois années et à intervalles réguliers, des gifles et des coups de pied et qu’il tirait les oreilles des deux enfants, nés en 1991 et 1993. Il avait déposé une plainte pénale pour voies de fait (art. 126 du Code pénal, ci-après CP 1). Mais, en juin et juillet 2002, la justice vaudoise a par deux fois prononcé un non-lieu estimant que le compagnon de la mère bénéficiait d’un droit de correction envers les enfants «dès lors qu’il vivait maritalement avec la mère des enfants». Le père s’est pourvu en nullité devant le Tribunal fédéral, dans le but d’obtenir une annulation de la décision du Tribunal d’accusation du Tribunal cantonal vaudois.

La décision des juges fédéraux se présente en trois parties, la première touchant à la procédure, les deux autres à l’interprétation et à l’application du droit de fond.


La qualité pour agir du père biologique (considérant 1)


La première question posée était celle de savoir si le père biologique avait la possibilité même de faire recours dans une telle affaire. Pour arriver à une conclusion positive, le Tribunal fédéral a interprété la notion de «victime» telle qu’elle ressort de la Loi sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI). Pour les juges, la gravité de l’infraction n’est pas forcément relevante et la violence perçue par la victime est aussi digne d’attention. A ce titre, un enfant ayant besoin d’une protection accrue et vivant dans une relation de dépendance vis-à-vis d’un parent, peut être considéré comme une victime au sens de la LAVI, même si les traitements infligés sont qualifiés de voies de fait. Du fait que le père est détenteur de l’autorité parentale, il peut se prévaloir de l’article 2 al. 1 LAVI au nom de ses enfants.

L’article 126 CP distingue entre les voies de fait qui ne sont poursuivies que sur plainte du lésé ou de son représentant légal et les voies de fait répétées, qui sont poursuivies d’office. Dans le premier cas, il faut savoir que les personnes de moins de dix-huit ans n’ont pas le droit de porter plainte (art. 28 al. 2 CP). Ici, le dossier est donc allé de l’avant parce que le père souhaitait l’intervention de la justice et qu’il était habilité à le faire. S’il n’avait pas exercé l’autorité parentale, lui-même et les enfants seraient restés singulièrement démunis.


L’évolution juridique en Suisse et au niveau international (considérant 2)


Au moment d’aborder le fond de l’affaire, le Tribunal fédéral a insisté sur l’évolution législative au cours des 25 dernières années. Du droit de correction existant dans l’ancien droit de la filiation 2, la Suisse a évolué vers le devoir des parents d’exercer leurs tâches éducatives en tenant compte du «bien de l’enfant» (art. 301 al. 1 CC). Le droit international a connu les mêmes avancées, quoiqu’à un rythme un peu plus soutenu. Ceci constitue, comme les juges fédéraux le reconnaissent plus loin, «une évolution restrictive du droit de correction» (considérant 3.2). Les punitions qui mettent en danger ou portent atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’un enfant sont déjà illicites, principalement sur la base des articles 10 et 11 de la Constitution fédérale et du droit pénal. La question est beaucoup plus délicate dès que l’on aborde les agissements qui ne sont pas porteurs d’une mise en danger immédiate. Une partie de la doctrine considère que le fait de frapper un enfant n’est pas complètement répréhensible (cons. 2.4). Les juges fédéraux allaient-ils la rejoindre ou s’en détacher? Ils ont préféré ne pas trancher la question de l’illégitimité totale de toute violence intrafamiliale infligée aux enfants, y compris les formes légères. Ils n’ont pas non plus examiné si un beau-père était habilité à corriger les enfants de sa compagne. Car la situation qui se présentait à eux pouvait être abordée sous un autre angle.


L’usage répété de la violence domestique (considérant 3)


L’article 126 al. 2 CP prévoit une intervention d’office de la justice pénale si les voies de fait ont été infligées de manière répétée, en particulier si la victime est un enfant dont l’inculpé a la garde. La volonté du législateur était de bannir, par cette disposition, «tout mode d’éducation fondé sur la violence» (cons. 3.1). Les juges ont consulté la doctrine pour savoir si des gifles et coups de pied qui ont été administrés une dizaine de fois en trois ans constituaient bien une «répétition» au sens du droit pénal. En tenant justement compte de l’évolution des mentalités, ils ont reconnu l’existence d’un devoir d’intervenir «avant que cela ne dégénère et que les coups ne deviennent habituels» (cons. 3.2). Le juge pénal n’est pas seulement là pour constater et condamner une maltraitance avérée, mais aussi pour percevoir le risque qu’un mode éducatif ne dévie vers la violence. Ceci exige de sa part une attention soutenue et un travail d’interprétation: ainsi, la dizaine d’occurrences signalées par le père constitue déjà une situation pénalement répréhensible et dépasse «ce qui [est] admissible au regard d’un éventuel droit de correction» (cons. 3.2).

Il est très intéressant de relever les dernières appréciations émises par les juges fédéraux: le fait de tirer régulièrement les oreilles, en sus de l’administration de gifles, est révélateur d’un «mode d’éducation fondé sur la violence physique» et devient punissable. Il n’est en aucun cas excusable en vertu du droit de correction basé sur l’article 32 du Code pénal 3. Quant aux coups de pied, ils sont évalués séparément: «donnés aux enfants, [ils] constituent un traitement dégradant 3 et ne sauraient être justifiés par un quelconque devoir d’éducation » (cons.3.2).

En conclusion, le Tribunal fédéral porte un jugement très actualisé sur la question des mauvais traitements infligés aux enfants au sein de la famille. Il arrive à éviter de se prononcer sur le degré et la nature des traitements qui resteraient admissibles et ne condamne pas encore définitivement le «droit de correction» qui subsiste au plan pénal (art. 32 CP). La question qui lui était posée portait sur une situation précise et individuelle, et la réserve des juges peut encore s’expliquer par le respect de la séparation des pouvoirs. Il revient maintenant au législateur de relire cette jurisprudence à la lumière de toutes les dispositions nationales et internationales applicables en Suisse et de déterminer les lacunes qu’il doit combler pour satisfaire les conceptions actuelles de l’éducation et du «bien de l’enfant». A cette occasion, il devra se garder d’oublier la question essentielle du droit de l’enfant capable de discernement d’actionner lui-même, et efficacement, les leviers procéduraux utiles pour l’avancement de sa cause 5. (

Arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral 6S.361/2002, du 5.6.2003.)

1. Art 126 CP: « 1Celui qui se sera livré sur une personne à des voies de fait qui n’auront causé ni lésion corporelle ni atteinte à la santé sera, sur plainte, puni des arrêts ou de l’amende. 2 La poursuite aura lieu d’office si le délinquant a agi à réitérées reprises contre une personne, notamment contre un enfant, dont il avait la garde ou sur laquelle il avait le devoir de veiller.»

2. Art. 278 CC (abrogé en 1978): «Les père et mère ont le droit de correction sur leurs enfants.»

3. Art. 32 CP: «Ne constitue pas une infraction l’acte ordonné par la loi, ou par un devoir de fonction ou de profession; il en est de même de l’acte que la loi déclare permis ou non punissable.» Sur cette base, la punition que l’on considérerait comme infligée «à juste titre» par un parent pourrait échapper à toute poursuite.

4. A ce titre, ils tombent donc sous le coup des art. 10 al. 3 Cst., 3 CEDH et 37.a CDE qui interdisent tous, dans les mêmes termes, la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Les coups de pied sont par conséquent immédiatement interdits.

5. Le livre I du Code pénal révisé, adopté par les Chambres fédérales le 13.12.2002, prévoit une nouveauté, à savoir que «Le lésé mineur ou interdit a le droit de porter plainte s’il est capable de discernement» (art. 30 al. 3).






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