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Défense des enfants international
section suisse
 
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La médiation pénale chez les mineurs
  
[ Bulletin DEI, juin 2006 Vol 12 No 2 p. I-II ]


Par Michel Lachat,
Président de la chambre pénale des mineurs du canton de Fribourg

I. Pourquoi la médiation ?

La montée de la violence ,en particulier chez les jeunes, et le déballage de faits divers dans les médias ont provoqué en Suisse et dans beaucoup de pays voisins des réactions répressives à l'égard des mineurs délinquants. Partant, des mesures coercitives plus sévères, en particulier en ce qui concerne les peines de détention, sont entrées en vigueur ou en passe de l'être.

Il est toutefois bon de rappeler que vers les années 1970, un mouvement dénonçant la prison pour mineurs a vu le jour. S’appuyant sur plusieurs études criminologiques et statistiques relatant les effets nuisibles que produisait la prison sur les jeunes, il lançait un cri d’alarme qui a été entendu par les géniteurs de la Convention relative aux droits de l’enfant et les concepteurs des grands textes internationaux (les Règles de Beijing, les Principes de Riyad, les Règles de la Havane, la Recommandation du Conseil de l’Europe sur les réactions sociales de la délinquance juvénile), qui affirment qu’il faut, chaque fois que cela est possible, rechercher un règlement extrajudiciaire, éviter autant que possible la stigmatisation de l’intervention pénale, conserver pour le droit pénal des mineurs ses objectifs d'éducation et de réinsertion sociale et enfin porter l’accent sur les réponses alternatives, notamment à la privation de liberté.

A partir du constat que la prison est l’école du crime pour les jeunes, constat qui évidemment va à l’encontre du principe « plus de répression » et de l’opinion publique sensibilisée par les incivilités croissantes, il a fallu chercher d’autres formes de réponses sociétales par rapport à cette délinquance juvénile. Ainsi, dans la plupart des pays, on teste de nouvelles alternatives sociales et thérapeutiques pour répondre autrement à la délinquance juvénile.


II. Les différents types d'interventions judiciaires

Outre les alternatives classiques à la peine privative de liberté : prestations personnelles ou programmes de réinsertion sociale, traitement intermédiaire, amende, sursis, semi-liberté, placement extérieur, libération conditionnelle, surveillance électronique, assignation à domicile, mesures de diversion tendant à la déjudiciarisation (classement pur et simple ou classement sous condition de réparation) notamment, d'autres alternatives très en vue actuellement réintroduisent la victime dans le procès et cherchent à faire comprendre à l’auteur l’inanité de son acte en le faisant réparer le préjudice causé. C’est ce que l’on nomme la justice réparatrice ! Parmi ces nouvelles alternatives, il faut citer :

la restitution ou le dédommagement aux victimes : possibilité, dans le cadre d'une procédure de conciliation, de confronter auteur et victime et dont le but est de replacer cette dernière dans la même situation où elle se trouvait avant la commission de l'infraction.

le travail au profit de la communauté : mesure engageant la participation active du jeune condamné à une œuvre de solidarité sociale et donnant l’occasion à la communauté de participer également aux traitements des jeunes en facilitant l’organisation de cette activité.

la médiation pénale : rencontre entre auteur et victime d’infraction devant une personne neutre (le médiateur) qui vise tout à la fois la réparation (partielle ou totale) du dommage subi par la victime et la prise de conscience de l’auteur du tort qu’il a causé en le dissuadant de récidiver.


III. La nouvelle loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMIN)

Le droit actuel, voté en 1937, entré en vigueur en 1942 et "lifté" en 1971, n'était plus tout à fait adapté à l'évolution de la délinquance juvénile qui a passablement changé depuis les années 1990-1995. L'éclatement de la dynamique familiale, l'exclusion sociale (arrivée massive des étrangers, chômage, fossé entre riches et pauvres) et l'influence de la société de consommation (produit de luxe, principe du tout, tout de suite) ont eu pour conséquence une nette augmentation du nombre de jeunes dénoncés, une délinquance de mineurs toujours plus jeunes et une modification sensible dans le genre d'infractions commises : moins de délits contre le patrimoine, mais plus d'actes d'autodestruction (consommation de produits stupéfiants) et d'atteintes au respect de la vie.

Ainsi, le 20 juin 2003, les Chambres fédérales ont accepté le nouveau droit pénal des mineurs (DPMin), qui entrera en vigueur le 1.1.2007.


IV. Une nouvelle loi résolument éducative, avec des éléments punitifs plus sévères et avec des éléments de justice réparatrice, dont la médiation

Aux côtés des deux systèmes connus de prise en charge des mineurs délinquants : système de protection et système de justice, la justice réparatrice pourrait être considérée comme un troisième modèle. En définitive, il s'agit d'une modalité susceptible d'être introduite dans les deux systèmes cités ci-dessus et qui veut, d'une part, donner une place à la victime trop souvent oubliée par le passé, et, d'autre part, faire prendre conscience au mineur délinquant du tort que son acte a provoqué et de la nécessité de réparer le dommage, ce que la médiation propose.

Si le processus de la médiation pour régler les différents autrement que par la méthode traditionnelle de règlement judiciaire est utilisé depuis quelques décennies déjà dans différentes disciplines juridiques, force est de reconnaître que la médiation en matière pénale est assez récente. La Recommandation R (99) 19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en vue de développer la médiation pénale ne date en effet que de la fin 1999. C’est pourquoi, la médiation pénale, comme tout ce qui est nouveau, suscite de l’engouement chez certains, du scepticisme, voire de l’opposition chez d’autres, parmi lesquels on y trouve même quelques magistrats, qui, peut-être par souci de voir leur autorité diminuer, ont quelques méfiances envers ce nouveau modèle consensuel de règlement des conflits.
Le législateur suisse a pour sa part décidé de reprendre cette idée de réparation et de confrontation avec la victime et a introduit la médiation dans ses articles 8 et 21 alinéa 3 DPMin.

La loi fédérale n'est pas très bavarde au sujet de ce nouvel outil laissé à la disposition du juge des mineurs. Elle se limite à énumérer les conditions d'application de la médiation au niveau de l'instruction et du jugement et charge les cantons d'édicter les dispositions d'exécution.

V. La médiation dans le droit fribourgeois

Misant sur cette pratique plus douce et porteuse d’espoir, les autorités fribourgeoises ont réagi avec à propos et célérité en introduisant, en octobre 2001 déjà, dans le code de procédure cantonal (LJPM : Loi sur la juridiction pénale de mineurs) la possibilité de recourir à la médiation.

Fribourg innovait encore en adoptant, le 16 décembre 2003, l’ordonnance sur la médiation dans la juridiction pénale des mineurs (OMJPM), loi qui est entrée en vigueur le 1.1.2004.

Enfin, Fribourg agissait en pionnier en instituant un Bureau de la médiation avec trois médiateurs/trices (taux d'activité fixé à 150 %) élu(e)s par l’Etat, qui fonctionne effectivement depuis novembre 2004.

Il est toutefois bien évident qu’il n’y a pas lieu aujourd’hui de pavoiser et de croire que la pratique fribourgeoise règlera tous les problèmes de notre jeunesse. En effet, cette jeune ordonnance sur la médiation est encore sur le banc d’essai et est donc susceptible de modifications. Il s’agit d’une loi très concise, qui ne comporte que 21 articles. En cela, d’une part, elle correspond au caractère spécifique de la médiation moins formel que la procédure pénale et qui ne peut pas et ne doit pas faire l’objet d’une réglementation détaillée et, d’autre part, elle satisfait au sacro-saint principe de Napoléon, qui prétendait qu’une « loi doit être courte et obscure, justement pour ouvrir des champs d’application au juge » !

Néanmoins, elle consacre tous les grands principes du droit des enfants et respecte ceux de la procédure : participation volontaire des parties, confidentialité, service accessible à tous (gratuité), utilisation de la médiation dans les phases d'instruction et de jugement, autonomie des services de médiation, notamment.

Ce projet-pilote répond également entièrement aux critères que la Commission constituée par le Conseil d’Etat s’était fixée, soit :

1. reconstruire des modes de règlement des différends tombés en désuétude
2. renforcer la position des victimes
3. imaginer d’autres solutions que la peine
4. réduire le coût et la charge de travail du système de justice pénale et en améliorer son efficacité.

Après une année de pratique, l'impression est positive, puisque la Chambre pénale des Mineurs a été soulagée de plusieurs dossiers et plusieurs procédures ont abouti à une issue heureuse (cf. tableau ci-dessous, ch. VI.). Certes, des ajustements ont déjà été réalisés en cours d'année par les juges des mineurs, en collaboration avec le Ministère public et les médiateurs. L'ordonnance elle-même subira d'ailleurs une importante retouche lors de l'entrée en vigueur du DPMin, puisque celui-ci, contrairement à la loi fribourgeoise, ne prévoit pas la procédure de médiation au niveau de l'exécution des sanctions et mesures.


VI. Tableau

Affaires déléguées au Bureau de la Médiation
(Pour la période du 01.11.2004 au 31.12. 2005)
Nombre d'affaires déléguées 77
concernant (nb de mineurs impliqués et mis en cause) 128
Processus ayant conduit à un accord de médiation 40
concernant (nb de mineurs impliqués et mis en cause) 65
Processus n'ayant pas abouti à un accord de médiation 9
concernant (nb de mineurs impliqués) 15
Processus en cours au 31 décembre 2005 28
concernant (nb de mineurs impliqués et mis en cause) 48


VII. L'application de l'OMJPM : quelques principes


1.Critères de délégation

Un rapport de dénonciation contre un auteur mineur (âgé de 7 à 18 ans) est déposé par la police cantonale sur le bureau du juge des mineurs. Celui-ci examine si les infractions retenues sont compatibles avec une procédure de médiation (par. ex. infractions à la LStup ne sont pas compatibles) et si les critères de délégation sont réalisés, à savoir :

a) le lésé est identifié
b) les faits sont pour l'essentiel établis
c) l'auteur a reconnu globalement les faits
d) l'accord du Ministère public (pour des faits très graves) est réservé.


2.Transmission du dossier

Dès que le juge estime qu’une procédure de médiation peut être engagée, il informe les parties concernées par une lettre écrite dans laquelle il les invite à saisir l’occasion qui leur est offerte de régler cette affaire de façon extrajudiciaire. En même temps, il transmet le dossier pénal au Bureau de la médiation (actuellement, c’est un médiateur qui passe au greffe du tribunal chercher les dossiers).

3.Qualifications des médiateurs/trices

a) être au bénéfice d’un diplôme universitaire ou d’une formation jugée équivalente
b) avoir des connaissances en droit pénal
c) avoir suivi une formation en médiation
d) avoir un casier judiciaire sans infraction contre l'honneur

4.Processus de médiation

Dans un premier temps, le médiateur ou la médiatrice invite séparément les parties et leurs représentants légaux en vue d’une prise de contact individuelle. Parfois, un entretien de groupe peut avoir lieu, notamment en cas de pluralité d’auteurs. Les parties peuvent se faire assister d’un défenseur ou d’une personne de confiance.

Ensuite, la démarche de la médiation se poursuit par des entretiens mettant en présence les parties en litige.

Enfin, le médiateur ou la médiatrice communique immédiatement au juge le résultat de la médiation.

Aucun délai formel n’est imparti au médiateur ou à la médiatrice, mais la loi parle d’un délai raisonnable pour conduire la médiation (trois mois).


5. Conséquences

En cas d’échec, la procédure est reprise ou bien par le juge informateur, si le dossier a été transmis au stade de l’enquête, ou bien par le Président de la Chambre, si le dossier a été transmis au stade du jugement. Une décision sera rendue à l’issue des débats.

En cas d’aboutissement, la procédure est classée, selon le DPMin, d'où la modification de l'Ordonnance fribourgeoise déjà annoncée plus haut.

Les parties sont responsables de l’exécution de l’accord qu’elles ont passé.


VIII. Conclusion

Reste aujourd’hui à diffuser et à faire connaître ce nouveau mode de règlement des conflits. La médiation, c’est aussi un état d’esprit et le message doit passer dans la population. Il en prend le chemin !







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