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Défense des enfants international
section suisse
 
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Vers une psych…isation du droit pénal des mineurs ?
  
[ Bulletin DEI, septembre 2006 Vol 12 No 3 p.11 ]



Jean Zermatten,
Directeur de l’Institut international des droits de l’enfant (IDE) Sion, www.childsright.org.
Membre du Comité des droits de l’enfant de l’ONU.

La Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs (DPMin), adoptée le 20 juin 2003, mais pas encore mise en vigueur, court-elle un risque de « psych…isation" ?

On peut légitimement se poser cette question, puisque les nouvelles dispositions prévoient, à au moins trois stades de la procédure, une intervention obligatoire du spécialiste "psy", pour prendre un terme générique. Ainsi :
v l'art. 9 al. 3 DPMin impose, s'il existe un sérieux doute sur l'état de la santé physique ou psychique du mineur, le passage obligé "d'une expertise médicale ou psychologique". Ceci est nouveau par rapport au droit en vigueur qui donne au juge la possibilité de requérir tous les renseignements utiles pour la décision à prendre, mais qui ne rend pas obligatoire l'expertise,
v l'art. 15 al.2 DPMin prévoit deux formes de placement : à la litt. a, le placement fermé à visée thérapeutique et à la litt. b le placement fermé à visée de protection de la société. Lorsque l'une ou l'autre de ces formes de placement est envisagée, voire requise, le préalable obligatoire sera une "expertise médicale ou psychologique" (cf. art. 15 al. 3 DPMin),
v l'art. 25 al. 2 DPMin prévoit que la peine privative de liberté jusqu'à 4 ans, imposable à un mineur de plus de 16 ans au moment des faits, sera infligée à l'auteur d'une infraction aux "art. 122, 140, al.3 ou 184 CP en faisant preuve d'une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, sa façon d'agir ou le but de l'acte révèlent des dispositions d'esprit hautement répréhensibles". Il est bien clair que dans ces cas là et pour des appréciations aussi subjectives que celles indiquées par la loi (mobile, façon d'agir et état d'esprit hautement répréhensible), il y aura un espace important où les psychiatres et/ou psychologues auront la parole, soit sur demande de l'autorité de jugement, soit sur requête de l'avocat de la défense.

Voilà donc trois situations où l'examen ou l'expertise d'un spécialiste, pédopsychiatre ou psychologue, devra intervenir. Cette situation est nouvelle et va amener nettement plus d'interventions de cette nature dans les prétoires des mineurs, alors que la présence de la médecine ou de la psychologie forensiques y est encore très discrète et laissée au bon vouloir des magistrats. Certains recourent déjà facilement à l’examen de personnalité, à l’examen de crédibilité ou à l’expertise proprement dite ; d’autres beaucoup moins. Cela dépend de la sensibilité du juge d’une part, mais aussi de la disponibilité (ou non) de services ad hoc, ou de spécialistes formés.

Mais de plus, le législateur helvétique, dans son enthousiasme thérapeutique et dans sa volonté de protéger les enfants contre eux-mêmes, lorsqu'ils se mettent en danger en même temps qu'ils ont commis des délits (puisque nous nous trouvons devant l'instance pénale des mineurs, donc il y a obligatoirement eu commission d'un acte réalisant les conditions objectives d'une infraction), a prévu une situation révolutionnaire : celle de pouvoir imposer un placement fermé à des fins thérapeutiques "lorsque la protection du mineur ou le traitement du trouble psychique du mineur l'exigent impérativement"(art. 15 al 2 litt a DPMin). On comprend bien le souci de vouloir obliger des jeunes qui n'ont plus rien à perdre ou qui ont des problèmes de personnalité importants, qui profèrent des menaces contre eux-mêmes et qui sont très mal dans leur peau, de recevoir des soins, dans un endroit contenant, à la fois pour les protéger et à la fois pour pouvoir amorcer et entreprendre un traitement.

Cette bonne intention reste pour l'instant au niveau du discours et de la belle déclaration, puisqu’une partie des spécialistes de la prise en charge thérapeutique infanto-juvénile doute très fort de la faisabilité d'une telle prise en charge imposée en milieu fermé ; alors que les décideurs (et payeurs) rechignent fortement à vouloir "ouvrir" une telle institution "fermée". De fait, les autorités dites de justice placent leur espoir auprès des autorités dites sanitaires, qui, elles, attendent le salut des premières. Le serpent de l'institution fermée à visée thérapeutique se mordrait-il la queue ? Les juges de la Suisse latine ont saisi les autorités sanitaires cantonales de cette question.

Quelles réflexions faire au sujet de cette entrée importante de la psychiatrie/psychologie légale dans le droit pénal des mineurs ? A priori, on peut penser que le travail de la justice des mineurs étant basé sur l'intelligente idée de l'interdisciplinarité, il faut se féliciter de la possibilité d'une meilleure approche des problèmes des délinquants grâce à une meilleure connaissance de leur personne et de la structure de leur personnalité. Mais plusieurs points d'interrogation demeurent :
1. La première question est bien sûr celle de la disponibilité des spécialistes pour mener des expertises/examens. On sait très bien qu'en Suisse romande, par exemple , la pénurie de spécialistes est grave et que tous les médecins ou psychologues pratiquent la liste d'attente pour les soins, ce qui leur laisse très peu de marge de manœuvre pour accepter des expertises/examens pour les tribunaux des mineurs. Sans compter que ces derniers ne sont pas les seuls demandeurs : il y a aussi la justice civile (divorce, séparation), l'AI, la justice pénale des adultes (abus, maltraitance) et la nouvelle demande des examens dits de crédibilité.
2. La deuxième question est celle de la formation en expertise médico/psycho-légale. En effet, l'art de l'expertise ne se reçoit pas au berceau et nécessite une solide préparation, la possibilité d'exercer, donc de pratiquer in concreto, la présence d'une équipe autour de soi et la disponibilité d'une supervision. Force est de constater que ces conditions sont rarement réunies, sauf dans de grands services publics (mais très rarement dans le privé), pour assurer la qualité des expertises/examens requis, dont l'impact sur l'issue des procédures est souvent déterminant, même si le juge reste libre de sa décision. A noter ici, la formation récemment mise sur pied pour expertises psycho judiciaires, dans le sens de répondre à cette nouvelle exigence ; pour l’instant cette formation est dispensée en français, mais devrait l’être également en allemand fin 2006.
3. Une question importante est celle du temps : le temps judiciaire, notamment avec les enfants, n'est pas un temps neutre et infini, il y a une nécessité reprise comme une antienne par tous les grands textes internationaux : celle de la célérité de l'intervention. Si rapidité ne veut pas dire précipitation, il ne faut pas non plus que intervention judiciaire soit synonyme d'éternité, ce qui aurait alors comme corollaire de laisser croire que le système ne fonctionne pas et de confirmer l'auteur dans son sentiment d'impunité. A l'heure des enfants-rois, ce serait très dommageable. Donc, il y a aussi en matière d'expertises/examens, l'obligation de procéder dans des délais supportables (3 à 4 mois) pour une telle démarche. Or, il est très rare que ce délai puisse être tenu, ce qui provoque des conséquences non négligeables.
4. Les juges redoutent fort l'utilisation abusive par les parties de l'expertise pour ralentir tout le procès des mineurs et pour amener à des situations de blocage non désirées et non conformes au besoin pour la société de répondre à des actes qui sont des infractions et à la nécessité éducative de l'enfant de devoir assumer son acte et de devoir « réparer », même si ce n'est que de manière partielle, voire même symbolique. Il y a un risque indéniable que la psych…isation à outrance de l'intervention pour les mineurs délinquants se retourne finalement contre eux-mêmes. Les bonnes intentions du législateur seraient alors prises en défaut.

Espérons que le ping-pong entre autorités pour établir un centre thérapeutique pour adolescents/tes qui puisse assurer une certaine sécurité ne ressemble pas à ce qui se passe chez les adultes pour l’établissement d’une institution de privation de liberté à des fins d'assistance. Une coopération des autorités de justice et de santé est nécessaire dans ce domaine et une prise en charge adaptée des jeunes à problèmes "psy" pourrait éviter le report du problème après leur accession à la majorité.

Il y a donc un risque réel que les bonnes intentions manifestées par le législateur ne se heurtent à des principes de réalité et au manque de détermination de réaliser les équipements nécessaires. Néanmoins, les prémices de collaboration entrevues, notamment en Suisse latine, permettent un optimisme modéré.

Avril 2006







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