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Défense des enfants international
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L’Observation générale No10 (2007) du Comité des droits de l’enfant : Les droits de l’enfant dans le domaine de la Justice pour Mineurs

Par Jean Zermatten(1) (extraits)

  
[ Bulletin DEI, juin 2007 Vol 13 No 2 p.6 ]


Le domaine de la justice juvénile est très sensible pour deux raisons au moins. Tout d’abord parce que c’est le domaine où l’Etat utilise directement à l’égard des enfants son droit de punition (la force publique) et où très souvent, il le fait en ayant recours à la privation de liberté. Ensuite, parce que les Etats se trouvent devant une équation difficile à résoudre : sécurité générale versus protection des enfants auteurs d’infractions, d’une part et punition versus soins, d’autre part. Choix cornélien qui ne connaît pas de réponse univoque et universelle et qui requiert une approche nuancée, cherchant l’équilibre entre l’intérêt des citoyens et l’intérêt de l’enfant.

Le domaine de la Justice des mineurs est certainement le domaine des droits de l’enfant où la communauté internationale a le plus légiféré ces vingt dernières années. Déjà avant la proclamation de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (ci après la CDE), les Règles de Beijing sur l’administration de la Justice des mineurs (1985)(2) donnent un ensemble de règles minima que les Etats devraient suivre lorsqu’ils instaurent un système de justice spécialisée pour les mineurs ou lorsqu’ils révisent leurs lois. Plus tard la CDE consacre les art. 37 et 40 à la question générale de la justice des mineurs et de la prise en charge des jeunes en conflit avec la loi. En 1990, les Principes de Riyad(3) s’intéressent à la prévention et les Règles de la Havane(4) au respect dû aux mineurs privés de liberté.

Et ce n’est pas terminé : en 1995, le Comité des droits de l’enfant consacre une journée de discussion générale à la justice juvénile et produit un ensemble de recommandations(5) qu’il utilise comme règles minima à observer par les Etats et auxquelles il se réfère régulièrement. En 1997 naissent les Lignes directrices pour la Justice des mineurs(6)(ECOSOC, Vienne 1997), qui reprennent tous les grands principes et recommandations du Comité, en y ajoutant la question des enfants témoins et victimes et la grande question de la formation spécialisée. En 2005, nouvelle étape importante : l’apparition des Lignes directrices en matière de Justice pour les enfants Victimes et Témoins d’actes criminels(7), fruit du travail de l’ECOSOC.

Le 2 février 2007, le Comité des droits de l’enfant a produit sa dixième Observation générale(8)(OG) : « Les droits de l’enfant dans le système de la justice des mineurs ».

Dans son activité principale, le Comité des droits de l’enfant évalue les progrès faits par les Etats dans l’application de la CDE, les obstacles qui subsistent et les problèmes que rencontrent les principaux concernés, les enfants, à jouir pleinement de leurs droits. Ce travail s’accomplit en examinant les rapports périodiques des 193 Etats parties à la CDE. Dans cet examen minutieux, le Comité, lui aussi, attache une attention particulière à la question de la justice des mineurs. Ce qui apparaît de manière limpide, sans avoir procédé à une analyse scientifique, c’est qu’aucun pays ne sort indemne de l’examen par le Comité de la question de la justice pour mineurs et que tous les Etats parties doivent revoir, ou au moins améliorer, leur système.

La rédaction de cette Observation générale a commencé il y a plusieurs années par un petit groupe de membres du Comité spécialement intéressés par le sujet. Plusieurs avant-projets et documents ont vu le jour avant le premier projet complet, discuté lors de la 40e session du Comité (septembre 2005). Les commentaires et remarques faits, ainsi que les critiques du Comité inter-agence sur la Justice des mineurs ont mené à deux points décisifs : profiter de ce document pour rédiger une observation générale aussi complète que possible et non pas un papier sur certains points intéressants ou controversés ; abandonner l’idée d’avoir deux documents : un sur les questions de fonds, l’autre sur les questions de procédure. Le deuxième projet fut rédigé courant 2006 et discuté lors de la session de septembre 2006 (43e session) puis mis en consultation auprès des principaux partenaires du Comité et de quelques ONGs et experts spécialisés dans le domaine. De nombreux commentaires furent émis que le Comité a pris en compte pour établir le projet final, discuté et adopté, après amendements au début février 2007.

Au final, ce document a atteint ses objectifs d’être facile à lire et compréhensible, bien structuré, concis et complet. Il traite de tous les domaines pertinents de la justice pour mineurs et devrait servir d’outil utile pour les Etats qui veulent modifier leur législation en cette matière, dans le respect des exigences des standards internationaux, notamment de la Convention.

Il est intéressant de s’arrêter plus longuement sur les éléments que le Comité a désignés comme formant le cœur (the core elements) d’une justice pour mineurs :

• Dans le domaine de la prévention, le Comité confirme son accord avec les Principes de Riyad et axe les principes de la prévention autour des termes « socialisation » et « intégration », qui s’appuient eux-mêmes sur la famille, la communauté, le groupe des pairs, l’école, la formation professionnelle et le monde du travail. Le soutien à l’exercice de la fonction parentale est plusieurs fois mis en exergue. De même, le Comité attache beaucoup d’importance à l’éducation de la petite enfance. Enfin, la participation des enfants (au sens de l’art. 12 CDE) doit aussi être considérée comme un facteur important de prévention en général.

• Concernant les types d’intervention, l’OG fait la distinction entre l’intervention hors du cadre judiciaire (ch. 11 à 13), qui se justifie très bien pour la grande majorité des infractions commises (notamment celles de peu de gravité, qui ne créent aucun danger collectif), et l’intervention dans le cadre judiciaire (ch. 14 et 15), comme mesure de dernier recours et pour la période la plus brève possible, qui implique que l’Etat doit avoir un système d’instances ad hoc, si possible spécialisées, ainsi que des services pour mettre en place des mesures d’ordre social ou éducatif, pour limiter strictement l’utilisation de la privation de liberté.

• Une des questions les plus sensibles de l’OG réside dans le chapitre consacré aux limites d’âge à prévoir par les Etats pour une intervention pénale. Le Comité, après bien des discussions et prenant en compte diverses études et pratiques, a exprimé l’opinion que les Etats ne devraient pas fixer un âge minimal de responsabilité pénale en dessous de 12 ans. Cela posera un certain nombre de problèmes à des pays qui ont des âges inférieurs à cette limite, dont la Suisse(9). Le Comité demande également que si on ne peut aller en dessous de 12 ans, on devrait chercher à aller plus haut et que fixer un âge à 14 ou 16 ans constitue un progrès dans le sens d’une justice pour mineurs conforme à la CDE. S’agissant de ce que l’on appelle la limite supérieure pour la justice pour mineurs(10), le Comité pense qu’elle devrait être fixée à 18 ans, pour coïncider avec la définition de l’enfant (art 1 CDE).

• Dans sa section D (chiffre 23 lettre a à l), l’OG consacre un très long chapitre aux garanties pour un procès équitable. Ces garanties sont celles qui sont déjà énoncées par l’art. 40 CDE et par les règles de Beijing.

• S’agissant des décisions judiciaires, les Etats sont instamment priés de prévoir un éventail de possibilités le plus large possible pour répondre à la grande diversité des situations qui peuvent se poser. Le Comité insiste clairement sur les possibilités de réponses sous la forme de mesures éducatives, de sanctions réparatrices excluant toutes formes de violence ou de traitement inhumain ou dégradant. L’OG redit l’interdiction de la peine capitale, formulée par l’art 37 litt. a CDE, comme l’art 6 (5) du Pacte sur les droits civils et politiques et recommande d’abolir la peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération.

• Véritable « obsession » du Comité depuis son entrée en fonction, c’est dans le domaine de la privation de liberté que se sont manifestées les plus importantes violations des droits de l’enfant et probablement aussi en cette matière que réside le plus fort potentiel d’amélioration de la situation des enfants en conflit avec la loi. Le Comité souligne de manière très insistante que la privation de liberté doit être une mesure de dernier recours et pour la période la plus courte possible. Par rapport à la détention avant jugement, cette mesure de contrainte ne doit pas être utilisée pour chaque infraction et les Etats doivent prévoir des possibilités alternatives, notamment les mesures hors du cadre judiciaire. Les conditions d’exécution de la privation de liberté font l’objet du chiffre 28 c et sont très développées ; elles s’appuient sur l’art. 37 litt.c CDE, sur les Règles de la Havane, mais aussi sur les Règles minimales pour le traitement des prisonniers(11). Des principes essentiels sont rappelés, comme l’obligation de séparer les mineurs des adultes, le maintien des liens avec la famille, le respect de la vie privée de l’enfant, la nécessité de mettre en place l’éducation scolaire, la formation professionnelle et bien d’autres encore.


En conclusion, l’Observation générale va bien au-delà de son objectif premier, puisqu’elle donne la vision de ce qu’une justice pour mineurs idéale devrait être. Elle rappelle que l’enfant est une personne et que cette personne, quand elle agit de manière illégale, ne peut pas être traitée sans respect de ses droits fondamentaux, en particulier ne peut pas être traitée plus mal que ne le serait un adulte. C‘est un plaidoyer fort pour une justice des mineurs spécialisée, différente de celle des adultes, qui respecte pourtant les grands standards internationaux des droits de l’homme. Cette justice doit être confiée à des professionnels, eux aussi entièrement dévoués aux tâches particulières de la prise en charge d’enfants confrontés à l’autorité étatique et qui doivent être bien formés pour affronter les missions qui ont pour nom : éduquer, protéger, stimuler, éveiller, faire prendre conscience, préparer, réparer, responsabiliser…

Dans ce domaine si sensible de la justice pour mineurs, il nous semble que ce texte rassemble tous les enseignements utiles et devrait être utilisé non seulement comme un instrument pour remplir des obligations formelles (le rapport des Etats au Comité), mais surtout comme un instrument pédagogique de grande valeur, car il indique la recette intégrale pour mettre en place une justice des mineurs qui respecte les besoins légitimes de sécurité de la société et les besoins individuels des enfants.

Sion, le 11 avril 2007 /Jze

(1) Ancien Juge des Mineurs, Membre du Comité des NU pour les droits de l’enfant, Directeur de l’Institut international des droits de l’enfant (IDE), Sion, Suisse, www.childsrights.org
(2) United Nations Standards minimum Rules for the Administration of Juvenile Justice, Résolution 40/33, 29.11.1985, dites Règles de Bejing
(3) United Nations Guidelines for the Prevention of juvenile Delinquency , Résolution 45/112, du 14.12.1990, dits Principes de Riyad
(4) United Nations Rules for the Protection of Juveniles deprived of their Liberty, Résolution 45/113, du 14.12.1990, dites Règles de la Havane, ou RPL
(5) Excerpted from CRC/C/43, Annex VIII, 10th Session, 13 November 1995.

(6) Guidelines for action on children in the criminal Justice System, ECOSOC, Résolution 1997/30, du 21.07.1997
(7) Guidelines on Justice Matters involving Child Victims and Witnesses of Crime, ECOSOC, Resolution 2005/36, du 22.07.2005
(8) CRC/C/GC/10

(9) Selon la nouvelle Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, DPMin, le MACR a été fixé à 10 ans (art. 3)
(10) en anglais “ the upper limit for juvenile justice” , OG, Section C, ch. 20
(11) Rules for the Treatment of Prisoners









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