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Défense des enfants international
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Enfants sans-papiers en Suisse: au-delà du droit à la formation

Par Catherine Ayoub, assistante juridique auprès de la Fondation Terre des hommes – aide à l’enfance à Lausanne

  
[ Bulletin DEI, décembre 2007 Vol 13 No 4 p.I ]


En Suisse, l’existence des enfants clandestins n’est pas inconnue des autorités. Un rapport de l’Office fédéral des migrations dénombre entre 10 et 30% d’enfants sur les 100'000 sans-papiers (300'000 selon les organisations de défense des droits humains) qui vivent dans ce pays(1) Pourtant, aucune disposition légale régissant leur situation n’est prévue. La nouvelle loi sur les étrangers, prévue d’entrer en vigueur en janvier 2008, ne connaît que le renvoi des sans-papiers, qu’ils soient mineurs ou non(2). Aucune dérogation n’est prévue à l’exception des cas dits d’«extrême gravité»(3), dont sont exclus les séjours de longue durée en Suisse. Selon le tribunal fédéral, «les séjours illégaux en Suisse ne sont en principe pas pris en compte dans l’examen d’un cas de rigueur. La longue durée d’un séjour en Suisse n’est pas, à elle seule, un élément constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité dans la mesure où ce séjour est illégal»(4) Toutefois, ce contexte particulier ne devrait pas empêcher la pleine application des droits reconnus dans la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE) à l'ensemble des jeunes, y compris sans statut légal, vivant sur le territoire suisse. A l’image de l’ouverture aux écoles, qui furent les pionnières dans le domaine d'un traitement sans discrimination des élèves dans l’accès à l’éducation.

Le droit à l'éducation: un pas important mais insuffisant


La Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 évoque déjà le droit à l’éducation, comme un moyen de développer le respect des droits de l’homme et d’en assurer la reconnaissance et l’application effective. D’autres textes internationaux reconnaissent l’éducation comme étant essentielle dans le processus de développement de l’enfant, et indispensable pour l’aider à tisser des liens avec son milieu social. Les articles 28 et 29 CDE reprennent et détaillent le contenu du droit à l'éducation, tout en précisant le rôle des Etats dans son application. En effet, l’article 28 CDE stipule que les Etats ont l’obligation de rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous.
En 1991, la Conférence des chefs de département de l’instruction publique fait un pas décisif dans ce sens, en reconnaissant que «tous les enfants vivant en Suisse doivent être intégrés dans les écoles publiques en évitant toute discrimination»(5). En abolissant l’obligation de dénoncer les parents se trouvant en situation irrégulière en Suisse, on permet à leurs enfants de fréquenter l’école au même titre que les autres enfants de leur âge. Basé sur l’article 19 de la Constitution garantissant un enseignement de base suffisant et gratuit à tous, indépendamment de la nationalité ou du statut de son titulaire, ce droit est néanmoins limité à la scolarité obligatoire. En suisse, la scolarité obligatoire dure neuf ans et accueille les enfants âgés de 6/7 ans à 15/16 ans. Dans tous les cantons, elle comprend l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Dans le seul canton de Vaud, on estime à environ 800 (chiffres officiels du Département de justice et police, probablement inférieur à la réalité) le nombre d’enfants scolarisés en école obligatoire(6). Toutefois, s’agissant de la formation post-obligatoire, la situation est plus complexe, notamment en raison d’obstacles administratifs empêchant les enfants sans-papiers de poursuivre une formation. A titre d’exemple, un apprentissage est exclu pour ces jeunes puisqu’il s’agit d’une activité juridiquement assimilée à un travail et nécessitant de ce fait un titre de séjour et de travail. Pour ce qui est de l’accès au gymnase, le problème se situe au niveau de l’assurance-maladie, une affiliation à une caisse étant obligatoire pour s’y inscrire. Même en l’absence d’obstacles administratifs, les coûts des primes d’assurance-maladie représentent une surcharge financière inaccessible à la plupart des sans-papiers aux revenus très modestes. Les jeunes clandestins scolarisés, ayant achevé des études de même niveau que leurs camarades suisses, se retrouvent donc dans l’impossibilité de développer leur potentiel et de s’assurer un avenir professionnel convenable. Ils sont condamnés à travailler dans l’illégalité, s’ils désirent rester en Suisse et subvenir à leurs besoins.

Au-delà du droit à l'éducation, il apparaît que la Suisse peine à honorer des principes vis-à-vis desquels elle s'est engagée il y a dix ans déjà, lors de l'entrée en vigueur de la CDE. En effet, la Convention pose le principe de la non-discrimination dans son application. Un enfant sans-papiers est d'abord un enfant, au sens de l'article 1 CDE, et doit bénéficier de l'ensemble des droits que la Suisse s'est engagée à respecter. Une disposition légale peu vérifiée dans la pratique à l'égard des jeunes clandestins.

Les droits de l’enfant et leur application aux enfants sans-papiers(7)



En Suisse, les enfants sans-papiers ne jouissent pas librement de leurs droits, en dépit du fait que la CDE fasse partie de l'ordre juridique interne du pays. Le droit à l’identité, le droit d’être protégé contre la violence, le droit à un niveau de vie suffisant, le droit d’être protégé contre toute forme d’exploitation, ainsi que le droit de ne pas être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire sont des droits particulièrement bafoués pour ces enfants vulnérables.

Le droit à une identité propre (art. 7 CDE) signifie avoir une place dans la société et pouvoir y jouer un rôle. Ce droit n’est pas seulement violé lorsque des enfants naissent dans la clandestinité sans être enregistrés auprès d'un Etat civil, mais aussi lorsque ces enfants sont considérés comme un ensemble de jeunes sans existence légale. Ils se voient ainsi refuser l’accès à un ensemble de services quand bien même ils font partie de notre société au même titre que les autres enfants.
Le droit d’être protégé contre la violence en est un exemple. Garanti par l’article 19 CDE, il implique la possibilité de faire recours à des services de protection, notamment le droit de déposer une plainte lorsque l’on s’estime victime d’un dommage ou d’une atteinte à la personnalité. Or, les enfants clandestins, craignant la découverte de leur situation irrégulière, ne connaissant pas toujours le fonctionnement du système suisse, sont dans l’impossibilité d’utiliser ces moyens et se trouvent donc dans une position particulièrement vulnérable. Ils peuvent être abusés, exploités, forcés à travailler et maltraités sans que personne ne s’en aperçoive. Les personnes portant atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle de ces enfants ne craignent pas d’être poursuivis et l’enfant se retrouve livré à lui-même et incapable de réagir. La CDE oblige les Etats à protéger les enfants et à leur offrir une assistance spéciale afin de les protéger contre la traite, l’exploitation sexuelle et les autres formes d’exploitation, les abus et les violences. Ce droit est énoncé aux articles 32, 34 et 36 CDE, lesquels interdisent toute forme d’exploitation, qu’elle soit économique, sexuelle ou autres. Le trafic d’enfants constitue l’un des pires fléaux auxquels les enfants clandestins se trouvent exposés et les Etats parties doivent prendre des mesures pour l’empêcher et assurer une protection aux enfants victimes de ce malheur (art. 35 CDE).

Un autre droit fondamental est celui relatif au niveau de vie de l’enfant. L'article 27 CDE stipule que les Etats parties soutiennent les parents dans leur devoir d’offrir un niveau de vie suffisant à leurs enfants, et, en cas de besoin, de fournir une assistance matérielle et des programmes d’appui. Pourtant nous savons qu’il existe, en Suisse, des familles qui travaillent illégalement, jour et nuit, pour des salaires modiques ne leur permettant pas de faire vivre leurs proches dans des conditions décentes. Ils vivent à six ou sept dans des appartements d’une pièce et sont souvent forcés de déménager rapidement(8) Ils ne peuvent pas faire appel à des prestations sociales, ou à des organismes de soutien financier, et se retrouvent complètement démunis. Les enfants qui grandissent dans ce climat ne sont pas seulement confrontés à une peur permanente, mais aussi à des conditions de vie inadaptées à leur jeune âge. Terre des hommes a eu connaissance du cas du jeune Miguel(9) par le biais de sa maîtresse d’école, inquiète de son bien-être. En effet, sa mère travaillant au noir nuit et jour pour un salaire de misère, Miguel rentrait seul chez lui tous les jours et était livré à lui-même. Souffrant de solitude et de manque d’attention, il rencontrait des problèmes de comportement. La maîtresse d’école, désemparée et craignant le renvoi de toute la famille, n’osait pas faire appel aux services de protection de la jeunesse.

Une pratique particulièrement choquante est la détention de mineurs pour cause de migration illégale. L’article 37 CDE interdit la privation de liberté de façon illégale ou arbitraire . Les enfants ne devraient être placés en détention ni à cause de leur statut au regard de la législation relative à l’immigration ou à la résidence, ni à cause de l’absence d’un tel statut. Quand, à titre exceptionnel, une détention se justifie, elle doit être une mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible. De plus, les Etats doivent veiller à ce que ces enfants ne soient pas traités comme des délinquants du seul fait de leur entrée ou présence illégale dans le pays. Ce n’est pourtant pas ce que prévoit la nouvelle loi sur les étrangers. Elle permet la détention des mineurs étrangers entre 15 et 18 ans pendant la préparation de la décision sur le séjour; en vue de l’exécution du renvoi ou de l’expulsion et dans les cas d’insoumission. La mise en détention en vue de l’exécution du renvoi peut même durer jusqu’à 12 mois.(10)

Ce panorama laisse entrevoir des situations qui s’apparentent à une forme de négligence de l’Etat face aux engagements pris lors de la ratification de la DCE. Il met en relief les démarches nécessaires pour que les enfants sans-papiers cessent de vivre dans la peur des dénonciations et du renvoi, et puissent, au même titre que les autres, jouir pleinement de leurs droits.



1. Office fédéral des réfugiés, Rapport sur la migration illégale, Berne-Wabern, juin 2004.
2. Art. 64 et 66 LEtr.
3. Art. 30 b LEtr.
4. ATF 130 II 39.
5. Rapports du Conseil d’Etat au Grand Conseil, N°398, janvier 2007
6. Rapports du Conseil d’Etat au Grand Conseil, N°398, janvier 2007
7. Idées développées in « Zukunft Schwarzarbeit ? Jugendliche Sans-Papiers in der Schweiz », Pierre-Alain Niklaus/Hans Schäppi (Hrsg.), Ein Sachbuch aus der edition 8, p. 103 ss
8. Source : Point d’appui, Lausanne.
9. Prénom fictif
10. Voir les articles 75 à 79 LEtr.





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