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Défense des enfants international
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Une enquête de fedpol s’intéresse aux jeunes multirécidivistes en Suisse
Par Anne Pictet, Chargée de programme de justice pour mineurs de DEI-Section Suisse

  
[ Bulletin DEI, décembre 2009 Vol 15 No 4 p.I-II ]


Le rapport a été rendu public en juillet 2009, en plein battage médiatique autour de la délinquance des mineurs suite à un énième fait divers du genre : « près de 500 jeunes multirécidivistes en Suisse[…].Ce sont généralement des hommes, peu scolarisés, issus de l’immigration, consommant de la drogue et ayant des relations difficiles avec leur famille, l’école ou le travail.»(1) Voici le portrait robot établi par l’Office fédéral de la police (fedpol) sur la base de la première enquête sur ce thème réalisée sur le plan national en Suisse. Les résultats semblent pourtant très approximatifs. Analyse par Anne Pictet, chargée du programme de justice pour mineurs de DEI-Section suisse.



«Les récidivistes affolent les élus. Que faire pour diminuer le nombre de jeunes multirécidivistes en Suisse? », pouvait-on lire récemment dans L’Hebdo. « L’agression commise par des adolescents de Küsnacht (ZH) en voyage d’études à Munich, pose une fois de plus la question »(2) Les autorités fédérales quant à elles multiplient les rapports sur la violence et la délinquance des jeunes. Parmi les plus récents, un rapport(3)publié en 2008 par le Département fédéral de justice et police (DFJP), qui annonce avoir mené un examen approfondi du phénomène de la violence juvénile, et préconise de nombreuses mesures, parmi lesquelles la conduite d’une enquête, confiée à fedpol, sur la situation des jeunes multirécidivistes. Ce rapport et les mesures qu’il propose ont pour objectif, selon l’initiateur le conseiller fédéral Christophe Blocher, chef du DFJP en 2007, d’apaiser «la vive inquiétude dans la population»(4)

Catégoriser plus que comprendre


Selon le résultat des recherches menées au niveau international(5), 4 à 6 % des individus d’une certaine classe d’âge commettent environ 40 à 60 % des infractions enregistrées dans cette même classe d’âge. Or, avant 2007, aucune enquête systématique n’avait été consacrée à ce thème en Suisse. Parmi les données relatives à la délinquance juvénile en Suisse, la statistique des jugements pénaux des mineurs est relativement fiable, mais ne reflète qu’une minorité des cas de délinquance juvénile. La statistique policière de la criminalité (SPC), quant à elle, souffre d’un manque d’harmonisation dans la codification des infractions, comme dans la saisie et l’exploitation des données(6) par les cantons. Sans attendre l’aboutissement de la révision en cours de la SPC, qui devrait fournir des chiffres comparables dès 2010(7), une enquête spécifique a donc été lancée, et un questionnaire a été envoyé à tous les cantons.
Les données fournies révèlent donc qu’il y aurait en Suisse près de 500 jeunes multirécidivistes. La plupart d’entre eux sont des hommes qui agissent en bandes, le plus souvent de manière spontanée, sans être spécialisés dans une catégorie d’infractions. Ces jeunes proviennent en règle générale d’un milieu peu scolarisé et sont issus de l’immigration ; ils entretiennent des liens difficiles avec leur famille, l’école et le travail et consomment de la drogue. Les lieux où ils agissent sont les endroits fréquentés, dans les zones à forte concentration urbaine. L’enquête révèle également que la plupart des corps de police sont satisfaits de leurs collaborateurs spécifiquement chargés des questions liées aux jeunes, mais soulignent le manque de ressources à disposition. Ils insistent sur l’importance de développer le travail en réseau au niveau régional, avec d’autres autorités telles que les juges des mineurs, les autorités scolaires, les services sociaux, les autorités tutélaires et les services de la jeunesse, afin de rechercher de manière plus efficace encore des solutions ad hoc et des possibilités de détection précoce. Les corps de police souhaitent également une définition uniforme des multirécidivistes, et un système de saisie et de consultation unique pour toute la Suisse.

Résultats imprécis et interprétation réductrice


Fedpol précise que le rapport «a pour but de fournir une vue d’ensemble assez générale de la situation en Suisse»(8), et que « même en l’absence de données concrètes, […] il apparaît comme plus important de mentionner des cas un peu flous, plutôt que d’attendre des données statistiques. »(9) Du coup les résultats sont en effet très approximatifs, comme l’illustrent ces quelques exemples :
1) La notion de « jeune multirécidiviste »: les définitions utilisées par les corps de police divergent considérablement les unes des autres, avec certains corps de police qui prennent comme critère de la multirécidive la commission d’un acte de violence, alors que d’autres non. Quant à l’âge des jeunes multirécidivistes, certains cantons le limitent à 18 ans, d’autres à 25 ans.
2) L’ampleur et l’évolution de la multirécidive des jeunes: le rapport nous apprend que c’est le type d’infractions violentes commises par les jeunes multirécidivistes, et non pas le nombre de jeunes multirécidivistes, qui a changé ces dernières années. Or cette affirmation perd vite de sa portée lorsqu’on observe que cette évolution ne concerne pas spécifiquement les jeunes multirécidivistes, mais les jeunes délinquants dans leur ensemble(10).

3) Les facteurs de risque: le rapport considère notamment l’origine étrangère(11) comme un facteur de risque, recourant ainsi à un raccourci et ouvrant le terrain aux amalgames. On regrette l’éclairage plus nuancé du Conseil fédéral, selon lequel la surreprésentation des jeunes issus de l’immigration dans les statistiques de la criminalité «a peu à voir avec l’origine étrangère en tant que telle, mais indique que ces jeunes cumulent les facteurs de risque, facteurs qui peuvent tout autant amener les jeunes Suisses à se montrer violents.» Il ajoute que si l’«on prend en compte l’influence de tous les facteurs de risque étudiés, le contexte migratoire perd pratiquement tout son sens.»(12).
Ces quelques exemples illustrent bien, selon nous, le caractère approximatif et parfois même simpliste du tableau des jeunes multirécidivistes en Suisse dressé dans le rapport de fedpol. Si l’on repense aux deux objectifs énoncés pour justifier cette enquête - procéder à un examen approfondi de la délinquance des jeunes, et rassurer la population inquiétée par les actes de violence des mineurs - nous mettons en doute la capacité réelle du rapport à les atteindre. Loin de relativiser et corriger l’image simpliste et alarmiste des jeunes délinquants régulièrement véhiculée par les médias et les politiciens, ce rapport pourrait bien nourrir davantage encore les inquiétudes de la population plutôt que de les apaiser.

Nécessité d’analyses plus pointues


Lors des dernières élections fédérales en 2007, la violence des jeunes semblait être le problème de politique criminelle du moment. Daniel Fink et Vanessa Robatti, statisticiens de l’OFS, notaient que «même si l’actualité la plus récente semble attribuer à la délinquance juvénile […] une importance toute nouvelle, l’analyse des contributions publiées durant les dernières quarante années semble indiquer qu’il s’agit d’un problème social récurrent.»(13)Or les deux statisticiens sont frappés par la « pauvreté de l’état des connaissances relatives à la jeunesse et à la délinquance juvénile ». Ils observent que «les statistiques des jugements pénaux des mineurs, voire d’autres sources, […] n’ont pas encore été mises en forme, étudiées et interprétées. Aussi, nous manquons d’études plus générales, de nature sociologique et culturelle, sur les changements de ce groupe de population, analysées en relation avec les modifications de sa perception.»(14) De son côté, le chef de la police de sûreté de Neuchâtel, Olivier Guéniat, estime que selon toute vraisemblance, c’est l’image de la criminalité telle que propagée par les médias qui a persuadé les gens de l’augmentation de l’insécurité au quotidien. Selon le neuchâtelois, rares sont les spécialistes qui se sont astreints à décrypter et à faire connaître les statistiques de la police(15), d’autant plus que la Suisse ne connaît aucune politique d’information en ce domaine au niveau fédéral (16).

Reste donc à souhaiter que les nouvelles statistiques attendues pour 2010, et les études qui pourraient en découler, assorties d’une vraie politique d’information fédérale, amènent à s’intéresser à la violence et à la délinquance des jeunes de manière plus désintéressée et objective.


1. Le Matin.ch, 02.07.2009.
2. L’Hebdo, 09.07.2009.
3. « Violence des jeunes », Rapport du DFJP du 11 avril 2008.
4. « Violence des jeunes », p. 6.
5. Cf p. ex. Lütke/Rose, ZJJ 1/2005, p. 64 ; Wolke, Kriminalistik 2003, p. 503s.
6. Cf.www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/infothek/erhebungen_quellen/blank/blank/pk/01.html
7. La note 7 correspond à 7.Cf.http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/infothek/erhebungen__quellen/blank/blank/pk/02/01.html
8. Rapport de l’Office fédéral de la police, juillet 2009, p. 7.
9. Idem, p.7.
10. « Comme l’indiquent des recherches menées à l’étranger, les jeunes multirécidivistes ne se comportent pas différemment des autres jeunes délinquants, mais agissent plus souvent et, contrairement à eux, ne cessent pas leurs activités criminelles après quelques années. C’est donc moins la nature de l’infraction ou son exécution que la quantité d’infractions commises qui caractérise un jeune multirécidiviste», in : « Résultats de l’enquête effectuée auprès des cantons concernant les jeunes multirécidivistes», p. 16.
11. Communiqué de fedpol, 02.07.2009.
12. « Les jeunes et la violence », 20 mai 2009, p.17.
13. Daniel Fink, Vanessa Robatti, « Evolution de la délinquance des mineurs en Suisse. Eléments d’appréciation », RSC, 2/07, p. 12.
14. Idem, p. 13.
15. Idem, p. 23.
16. Idem, p. 24.









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