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Défense des enfants international
section suisse
 
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Droits de l’enfant dans la justice 
pour mineurs en Suisse: état des lieux
Par Anne Pictet, chargée du programme de justice pour mineurs de DEI-Suisse

  
[ Bulletin DEI, décembre 2010 Vol 16 No 4 p.I-II-III ]




Durant deux ans, Dei-Suisse a mené un programme de justice pour mineurs propre à la Suisse en collaboration avec le Secrétariat international de DEI. A cette fin, nous avons effectué un important travail de recherche et de mise au point sur la situation actuelle, travail par ailleurs régulièrement relayé dans le Bulletin suisse des droits de l’enfant.
La récolte d’informations sur les droits de l’enfant est une tâche ardue. Le Conseil fédéral reconnaît lui-même en 2009 que pour la rédaction de ses rapports sur la mise en œuvre des normes internationales, il est «très difficile et lourd pour les autorités fédérales et cantonales de réunir et d’analyser les informations nécessaires à l’échelle nationale». Le gouvernement fédéral explique cela notamment par le fait que «jusqu’à maintenant, les autorités fédérales et cantonales ne sont […] pas encore convenues d’une méthode de traitement des recommandations des organismes de contrôle internationaux […].» Selon nous, ces difficultés sont révélatrices de déficits dans le domaine des droits de l’homme, et en particulier dans celui des droits de l’enfant en Suisse. Voici les principales lacunes que nous avons pu relever:
- Un système diffus des responsabilités en matière de droits de l’homme
La structure fédérale de la Suisse entraîne la création d’une multitude de textes législatifs et des pratiques très diverses, en particulier dans les domaines relevant de la compétence des cantons, comme c’est le cas actuellement de la procédure pénale pour les mineurs et de l’exécution des sanctions. Selon le Conseil fédéral en 2009, il est même «souvent difficile pour la Suisse d’attribuer à telle ou telle autorité la responsabilité de mettre en œuvre les normes relatives aux droits humains» Il note que «les cantons et les communes ont de plus en plus de difficulté à se retrouver dans le foisonnement de décisions et de recommandations internationales».


- Des statistiques lacunaires
L’état des statistiques suisses en matière de délinquance juvénile est très lacunaire: si la statistique des jugements pénaux des mineurs est relativement fiable, celle des dénonciations à la police ne l’est pas, en raison d’une absence dans les cantons d’harmonisation dans la codification des infractions et dans la saisie et l’exploitation des données. De plus, il n’existe pas encore de statistique de l’exécution des peines des mineurs, qui permette d’estimer l’efficacité des sanctions. L’élaboration d’une telle statistique est en cours, de même qu’une révision de la statistique des dénonciations. Il n’en reste pas moins qu’une multitude de débats politiques et d’articles de presse recourent à ces données peu fiables, n’hésitant pas à manipuler ces chiffres et à diffuser une fausse image des jeunes.

- Absence d’études et de sondages des jeunes
L’état des connaissances relatives à la jeunesse et à la délinquance juvénile est pauvre. Des statisticiens de l’Office fédéral de la statistique estiment que les statistiques existantes ont été très peu étudiées et interprétées à ce jour. Il manque également des études sociologiques plus générales. De plus, il n’existe pas en Suisse de sondages réguliers auprès des jeunes, portant sur leurs pratiques sociales et culturelles, sur leur vision du monde et leurs attentes. Enfin, la Suisse ne mène pas de politique d’information dans ce domaine au niveau fédéral. Il est dès lors peu étonnant que la population suisse ait une mauvaise connaissance des droits de l’enfant, comme le révèle un sondage de Terre des Hommes en 2008.

- Absence de suivi et de coordination dans la mise en œuvre des droits de l’homme
La Suisse ne possède pas de mécanisme central pour coordonner la mise en œuvre de la Convention. Et ce, malgré l’exemple des pays voisins et les recommandations répétées des organes onusiens et des milieux de défense des droits de l’homme. Le Conseil fédéral a décidé d’y remédier en lançant, il y a moins d’un mois, un projet pilote d’une durée de 4 ans pour un centre de compétences universitaires qui vendra à la Confédération des prestations dans le domaine des droits de l’homme. La politique de l’enfance et de la jeunesse figurera parmi les 6 domaines prioritaires. Nous regrettons cependant cette solution minimale, qui ne procure pas au centre l’indépendance et les compétences nécessaires pour surveiller la situation des droits de l’homme et les processus politiques en Suisse, et recevoir directement les plaintes des victimes de violations des droits de l’enfant.

- Droit pénal des mineurs: absence d’évaluation et manque de soutien financier
Cerner l’état de la délinquance des jeunes en Suisse est donc difficile, et ce d’autant plus qu’un nouveau droit pénal suisse des mineurs est entré en vigueur en 2007. Si une évaluation de ce droit par la Confédération est en cours, nous ne disposons pas encore de résultats. Mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer que si ce droit consacre plusieurs exigences du droit international des enfants, il nécessite des fonds importants pour sa mise en œuvre. Les quelques 185 000 francs dévolus chaque année aux droits de l’enfant par la Confédération sont à ce titre très insuffisants.

Retard dans l’élaboration des rapports officiels
La Suisse doit présenter des rapports au Comité des droits de l’enfant, et le second rapport était initialement prévu pour 2007. Or fin 2010, rien n’est sorti, et si l’on se réfère à l’agenda du Comité, l’examen de la Suisse n’aura pas avoir lieu avant 2012. Travaillant conjointement sur ses 2e et 3e rapports, la Confédération vient de procéder à une consultation, à laquelle DEI-Suisse n’a malheureusement pas pu prendre part, malgré sa demande. Sans plus attendre, le Réseau suisse des droits de l’enfant, qui regroupe une cinquantaine d’ONG, a décidé de publier son rapport alternatif en juillet 2009.
DEI-Suisse présente les résultats de sa recherche sur les droits des enfants dans la justice pénale suisse dans un cahier des droits de l’enfant (Vol. 14) publié fin septembre 2010. Cette édition propose une analyse et des commentaires des aspects essentiels de la justice pour mineurs en Suisse, tels qu’ils sont garantis aux art. 37 et 40 de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et commentés dans l’Observation générale n°10 du Comité des droits de l’enfant (ci-après: le Comité). Nous prenons toujours pour point de départ les recommandations émises par le Comité à la Suisse lors de l’examen de son rapport initial en 2002. Ces résultats seront complétés et mis à jour lorsque la Suisse rendra ses prochains rapports et les soumettra à l’examen du Comité.
Selon DEI, les principaux sujets de préoccupation en matière de justice pour mineurs en Suisse sont les suivants:
- Réserves de la Suisse à la CDE toujours pas retirées
Malgré la demande du Comité en 2002, la Suisse n’a, à ce jour, toujours pas retiré l’ensemble de ses réserves à la Convention. Trois réserves subsistent encore aux art. 37 et 40. En effet, le droit suisse ne garantit pas au mineur une défense obligatoire dans tous les cas, et le mineur ou ses parents peuvent être soumis à l’obligation de rembourser l’indemnisation de la défense. De plus, la séparation des mineurs et des adultes privés de liberté n’est toujours pas assurée, les cantons disposant depuis 2007 d’un délai de 10 ans pour construire les établissements adéquats. Nous demandons donc à la Suisse de prendre les mesures nécessaires pour retirer les réserves aussi vite que possible.
- Formation insuffisante des professionnels de la justice pour mineurs en Suisse
Le Comité recommandait en 2002 à la Suisse de créer des programmes de formation systématiques et permanents dans le domaine des droits de l’enfant à l’intention de tous les professionnels travaillant pour et avec des enfants. Or, à ce jour en Suisse, aucune formation obligatoire n’est dispensée en matière de droits de l’enfant, que ce soit aux magistrats, aux avocats ou à l’ensemble des policiers en contact avec des mineurs. Les juges et avocats se forment sur le tas, à moins de suivre de leur propre initiative une des formations proposées par certains instituts universitaires ou des associations. En conséquence, les enfants en Suisse ne bénéficient souvent pas d’une défense indépendante de leurs droits et voient leurs intérêts trop peu défendus dans les procédures. Or, le droit pénal des mineurs et la future procédure pénale unifiée suisses consacrent le droit du mineur de donner son opinion et que celle-ci soit prise en compte. Par conséquent, DEI demande à la Suisse de mener des programmes de formation nationaux pour tous les professionnels en contact avec les enfants, qui pourraient prendre notamment la forme d’un cours obligatoire pour tous les avocats-stagiaires. De plus, les jeunes sont très peu consultés en Suisse. Il faut donc promouvoir une démarche participative et mener des enquêtes sur leurs intérêts et leurs préoccupations.

- Âge minimum de la responsabilité pénale en Suisse en dessous du seuil fixé par le Comité
Concernant l’âge minimum auquel un jeune en Suisse peut être tenu pour pénalement responsable, le Comité considère que 12 ans est un minimum absolu. Or en Suisse, cette limite se trouvait en 2002 à 7 ans. Des experts ont alors préconisé, dans l’avant-projet du nouveau droit pénal des mineurs, de faire passer cet âge à 12 ans, mais les milieux consultés ont souhaité que l’âge limite soit fixé à 10 ans, un âge que DEI considère comme toujours trop bas.
- Conditions de détention des mineurs en Suisse non conformes aux art. 37 et 40 CDE
Les conditions de détention des mineurs en Suisse sont préoccupantes à plus d’un titre. Certes, le nouveau droit pénal suisse des mineurs a incorporé les principales exigences du droit international en la matière, comme le principe de séparation des mineurs et des adultes, la détention comme mesure de dernier recours et d’une durée aussi brève que possible. Néanmoins, certaines lacunes sont à constater, au niveau législatif, mais aussi et surtout dans la mise en œuvre du droit, qui manque fortement de soutien politique et financier.
a) Privation de liberté comme ultima ratio
Si l’on compare les statistiques des jugements des cantons latins et des cantons suisses-alémaniques, l’on constate que les autorités judiciaires de la Suisse latine recourent plus volontiers à la privation de liberté pour les mineurs, prononcent donc des peines privatives de liberté sans que celles-ci soient nécessaires. Selon des experts, la garde à vue et la détention avant jugement sont également utilisées à l’égard des mineurs avec une fréquence qui viole le principe de l’ultima ratio.

b) Séparation des mineurs et adultes privés de liberté
Les infrastructures sont, à ce jour, largement insuffisantes en Suisse pour assurer la séparation des mineurs et des adultes privés de liberté. La situation a peu changé ces dernières décennies, mais l’on peut relever que le Concordat des cantons romands de 2005 prévoit la construction de plusieurs établissements, ce qui devrait remédier partiellement au problème. Concernant la détention avant jugement, bien que le Conseil fédéral affirme que la séparation est respectée, le Comité contre la torture a estimé ce printemps, lors d’un examen de la Suisse, que la séparation entre mineurs et adultes n’était toujours pas garantie. La Suisse doit donc prendre des mesures immédiates pour assurer cette séparation.
c) Prise en charge adaptée des mineurs en détention
Une prise en charge adaptée des mineurs détenus n’est pas non plus toujours garantie: la surpopulation et le manque de personnel de certains centres de détention comme la Clairière à Genève rendent la prise en charge éducative et l’insertion sociale difficiles. Les jeunes nécessitant des soins thérapeutiques manquent particulièrement de traitement adéquat.
d) Mineurs de moins de 15 ans
Si la loi suisse prohibe expressément la peine privative de liberté pour les mineurs de moins de 15 ans, la loi contient une lacune pour leur détention avant jugement, ne fixant pas d’âge limite dans ce cas. Par conséquent, des mineurs de moins de 15 ans sont fréquemment mis en garde à vue ou placés en détention préventive. DEI-Suisse considère, comme certains experts, que la fixation de l’âge limite à 15 ans pour la détention après jugement devrait également valoir pour la détention avant jugement. Toute privation de liberté d’un mineur de moins de 15 ans devrait être considérée comme illégale.

Cahier des droits de l’enfant, vol 14 : Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs en Suisse, DEI-Suisse, septembre 2010.
Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 02.3394 du Conseil des Etats du 3 octobre 2002 : Création d’une commission fédérale des droits de l’homme: possibilité, opportunité et alternative, Berne, 1er juillet 2009, p. 6.
Ibidem, p. 6
Ibidem, p. 5
Ibidem, p. 6
Daniel Fink, Vanessa Robatti, «Evolution de la délinquance des mineurs en Suisse. Eléments d’appréciation», RSC, 2/07, p. 13.
Daniel Stoecklin, in: «Le droit des enfants de participer - Norme juridique et réalité pratique: contribution à un nouveau contrat social», IDE, 2009, p. 75.
Olivier Guéniat, «La délinquance des jeunes. L’insécurité en question», Presses polytechniques et universitaires romandes,
Lausanne, 2007, p. 24.
De l'importance de diffuser et faire connaître la Convention relative aux droits de l'enfant et son contenu en Suisse: analyse basée sur les résultats d'une enquête menée auprès de 3'200 participants, Terre des hommes - aide à l'enfance, le Mont-sur-Lausanne, mars 2007.
Communiqué de presse du DFAE, «Projet pilote pour un centre de compétences en faveur des prestations dans le domaine des droits de l’homme», 1er juillet 2009.
Réseau suisse des droits de l’enfant, Deuxième rapport des ONG au Comité des droits de l’enfant, cf:http://www.netzwerk-kinderrechte.ch/fileadmin/nks/aktuelles/ngo-bericht-UN-ausschuss/rapport%20ONG%202009fr.pdf.
Observation générale n°10 du Comité des droits de l’enfant, CRC/C/GC/10, 25 avril 2007.
Observations finales du Comité des droits de l’enfant : Suisse, 7 juin 2002, CRC/C/15/Add.182.
Communiqué DFAE/DFJP : Retrait de cinq réserves au Pacte ONU II et à la Convention relative aux droits de l'enfant, Communiqués, DFJP, 04.04.2007.
«La peine privative de liberté pour mineurs en droit pénal suisse. Faut-il construire de nouvelles prisons pour mineurs?», Audrey MORET, RICPTS, 3/09.
Nicolas Queloz, «Délinquance des jeunes: quand politiciens et médias sont encore plus têtus que les faits», RSC, 2/07, p.4.
Observations finales du Comité contre la torture à la Suisse, adoptées le 11 mai 2010.
« HYPERLINK "http://www.tdg.ch/geneve/actu/clairiere-jeunes-partagent-cellules-2010-02-04"A la Clairière, les jeunes partagent les cellules», in Tribune de Genève, 5 février 2010
Cornelia Bessler, et al: «Die Befunde jugendstrafrechtlicher Gutachten –eine Herausforderung für die Gesellschaft» in Revue suisse de criminologie, Heft 1/10.
Nadja Doudin: «Droit pénal des mineurs : la détention avant jugement», in: Jusletter 12 janvier 2009.
Nicolas Queloz, «Délinquance des jeunes: quand politiciens et médias sont encore plus têtus que les faits», RSC, 2/07, p.4.








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