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Défense des enfants international
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Les sources des articles disponibles dans la recherche sont l'historique des bulletins DEI, la Convention des droits de l'enfant ainsi que certaines publication de DEI.


Les jeunes sans-papiers : quels points de contact avec les institutions ?
Par Elsa Perdaems

  
[ Bulletin DEI, juin 2012 Vol 18 No 1 p.13-14 ]




A la suite de l’entretien que M. Alessandro De Fillippo nous avait accordé, le bulletin de mars publiait un article dont l’objet était de présenter les enjeux de l’accès à la formation professionnelle pour les jeunes sans statut légal. A ce sujet, l’impact de la motion Barthassat (voir article dans le bulletin de mars) a évolué et la campagne « Aucun n’enfant n’est illégal » a en partie porté ses fruits.

En effet, le 2 mars 2012, le Conseil fédéral a fait connaître sa proposition : les jeunes sans-papiers devraient pouvoir effectuer un apprentissage professionnel à l’avenir, à condition qu’ils soient bien intégrés et qu’ils aient fréquenté l’école obligatoire en Suisse pendant cinq ans au moins. Le projet est mis en consultation auprès des milieux intéressés jusqu’au 8 juin 2012 . Cela ne résout malheureusement qu’une partie du problème. Lorsqu’ils ne peuvent pas poursuivre leur scolarité, et inévitablement à l’issue de leur formation professionnelle, les jeunes sans-papiers entrent sur le marché du travail en étant dépourvus de titre valable les autorisant à exercer une activité lucrative. Cela est d’autant plus dommageable que les rapports de force employeur/employé peuvent être considérablement biaisés, du fait de la jeunesse et de la faible expérience des travailleurs.

Comment les enfants peuvent-ils accéder au système de santé ?

Pour les enfants, la démarche se fait automatiquement pendant toute la scolarité obligatoire. Le Centre de Contact Suisses-Immigrés (ci-après CCSI) est une association qui oriente les personnes et sert d’intermédiaire entre les parents et les caisses d’assurance-maladie via l’école et le Service de l’assurance-maladie. Le CCSI intervient aussi pour les nourrissons afin que ceux-ci obtiennent automatiquement une assurance. Pour les enfants en formation post-obligatoire, ce sont d’ordinaire les services sociaux de l’école concernée qui s’occupent de faire le lien avec les caisses maladies. Quant aux adultes, un arrêt du Tribunal fédéral des assurances étend l’accès au système de santé à tous. Malheureusement, les cantons font application de ce principe de manière très variable, de sorte que de grandes disparités subsistent entre eux. Dans certains, aucun organisme public ne fait l’intermédiaire avec les caisses-maladies. Celles-ci refusent d’offrir une protection aux personnes, qui ont elles-mêmes peur d’être dénoncées et ne s’assurent donc pas. Le risque est de ne pas consulter de médecins quand ce serait nécessaire ; cela entraîne souvent des complications et des consultations d’extrêmes urgences. Pourtant, la loi dispose de l’égalité entre les personnes du droit et du devoir d’être assurés.

Comment certains travailleurs sans-papiers cotisent-ils pour les assurances sociales ?

Par suite de nos demandes de régularisation, des études ont été effectuées pour mieux comprendre la population des sans-papiers. Sur le plan économique, il est évidemment intéressant que ces travailleurs cotisent. L’organisme « Chèque service » , tenu à la confidentialité, a donc été mis sur pied en 2004 pour permettre aux employeurs d’affilier leurs employés à des caisses de compensation, indépendamment de l’existence d’un statut légal. L’employeur communique le salaire et les heures de travail de son employé à « Chèque service », lequel rédige un décompte de cotisation à la caisse cantonale de compensation. L’employé reçoit alors une carte AVS et l’employeur une facture de cotisations, qu’il peut répercuter à 50% sur les charges payées par son employé. Seul le secteur de l’économie domestique est concerné et tous les employés, avec ou sans statut, peuvent y recourir. Depuis le lancement de l’organisme, de nombreux employés ont pu être déclarés.

La cotisation par le biais de « Chèque-service » pour Genève a permis de passer de 1,5 million à 20 millions en cinq ans de contribution annuelle pour le domaine économique concerné. Il est toutefois difficile de savoir quel pourcentage exact de cotisation des sans-papiers cela représente, même si cette part est prépondérante puisque dans l’économie domestique, la majorité des travailleurs est sans statut légal.

Reste le problème relatif à la protection des données, car la caisse de compensation peut dénoncer le travailleur sans-papiers si elle apprend sa clandestinité. Elle dispose de nombreuses données le cas échéant, notamment de l’adresse des employés. Le Conseil fédéral a mis en chantier une révision de la Loi sur la protection des données au début de l’année 2011, et une des questions émise était l’obligation, pour les caisses de cotisation et pire encore pour les écoles, de dénoncer les enfants sans-papiers à l’autorité cantonale de la population ou en tous cas à la police des étrangers. Heureusement nous n’en sommes pas là, mais il n’est pas inimaginable qu’une telle situation se réalise. Ce serait une catastrophe pour les droits humains et notre société serait un état policier très dur.

Quelle est l’utilité de « Chèque-service » pour les différents acteurs ?

L’employeur est un peu plus en règle avec la Loi sur le travail au noir. L’employé est un peu plus protégé. Il ne bénéficiera certes pas du chômage s’il perd son emploi, puisqu’il faut une autorisation de travail à cet effet. Dans une certaine mesure, la cotisation sera prise en compte au titre des allocations familiales et pour le droit à une rente vieillesse en cas de départ à l’étranger. Les demandes en ce sens sont difficiles à satisfaire mais la démarche peut fonctionner. L’Etat lui, a tout à y gagner, réalité qui a permis de mettre en place « Chèque-service ». Le système existe à Genève, mais aussi dans les cantons de Vaud, Valais, Jura, Fribourg et Neuchâtel .

Quelles particularités liées aux conditions de travail avez-vous rencontrées à Genève ?

Le mouvement de protection des droits humains est traditionnellement bien organisé, assez fort, avec un réseau important, en contact étroit avec les communautés sans-papiers. Il règne un certain esprit d’ouverture dans le canton, et nous avons une petite marge de manœuvre avec les autorités. Notre travail remonte à l’époque des « enfants des placards », ces enfants de saisonniers qui n’avaient pas le droit d’être en Suisse puisque le seul motif autorisant leurs parents à séjourner sur le territoire était l’exercice d’une activitié lucrative, et non de vivre en famille. Des milliers d’enfants sont demeurés cachés dans les petits appartements toute la journée durant, souvent seuls, et pendant plusieurs années. A Genève, le Centre de Contacts Suisses-Immigrés a mis sur pied une école clandestine pour dispenser une instruction à ces enfants. Genève connaît une tradition et une réalité militante bien ancrée. En cas de problème, les nouvelles vont assez vite et nous sommes en mesure d’intervenir pour tenter de trouver une solution dans de nombreuses situations.

Un aspect particulier dans la thématique des sans-papiers est la Genève internationale, car elle est à la fois actrice de protection et auteure de violations. Elle nous soutient évidemment dans notre combat, mais constitue aussi un foyer d’employeurs de main d’œuvre clandestine. Nous rencontrons des cas d’employés arrivés initialement par le biais d’un permis L, c’est-à-dire d’une carte de légitimation, pour suivre leur employeur, lequel travaille dans une ambassade, à l’ONU, l’OMPI, etc. La durée de la carte de légitimation est fonction de la durée de la mission de l’employeur, et l’employé est censé partir avec celui-ci. Mais il y a des cas où l’employé est libéré, ou encore se libère par lui-même et décide de rester en Suisse.

D’autres circonstances plus graves encore sont les cas d’esclavage, de personnes non payées, maltraitées physiquement voire sexuellement, et qui se déroulent dans de grandes et belles maisons à Genève. Certaines affaires sont relayées dans la presse, et le cas échéant pas toujours de manière exhaustive. Un réseau de soutien existe également pour ce type d’intervention, tout le problème étant d’arriver à entrer en contact avec ces personnes. La Suisse a signé la Convention internationale contre la traite des êtres humains et contre la torture, texte qui donne une base pour agir. Dans chaque canton, il existe maintenant les centres LAVI dont le but est d’accompagner les victimes d’agression. Le Collectif fait partie des associations ayant été formellement reconnues par les autorités pour agir comme intermédiaire pour signaler des cas d’agressions à la LAVI. Il faut déposer plainte contre l’auteur pour avoir accès à la LAVI, en termes d’anonymat, de protection, de soutien psychologique, juridique et financier.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Sur certains points nous avons obtenu des progrès significatifs. La campagne en faveur des enfants « Aucun enfant n’est illégal », qui a particulièrement mis en avant l’accès à l’apprentissage, a été décisive. Mais la question de l’internement des mineurs a également été abordée, l’instauration d’une procédure facilitée pour le regroupement familiale, la régularisation de familles ayant des enfants sans-papiers. Tout le monde a quelque chose à gagner à régulariser les sans-papiers, particulièrement sur le plan économique. Cette main d’œuvre répond à une demande du marché, les cotisations des travailleurs immigrés contribuent à financer les rentes vieillesse, comme nous avons pu le constater avec la mise en place de « Chèque service ». Par ailleurs, nous ne pouvons pas ignorer la réalité démographique. La problématique des sans-papiers n’est pas qu’une question de droits de l’homme, de sens moral, voire d’angélisme. Cette problématique relève avant tout d’une réflexion dans une perspective économique de l’avenir de notre société. Lorsque nous parvenons à être entendus, nos interlocteurs comprennent très bien ces faits, et nous avons pu obtenir des soutiens de la part de gens issus du patronat. Toute la démagogie UDC vient évidemment se plaquer sur le sujet, mais la nécessité de la régularisation reste la même, il s’agit de permettre à des gens qui travaillent et payent des cotisations d’avoir un statut. C’est la moindre des choses.







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